Nous le savons, la force d'un auteur classique réside dans le fait qu'il traverse sans heurt les époques et les modes, résiste aux idées de mise en scène les plus audacieuses et pertinentes comme aux plus incongrues. Que ses personnages portent chapeaux claque ou baskets, pattes d'eph ou corsets, le propos est en effet toujours audible et d'actualité. Ainsi, au Lucernaire, la compagnie "La Savaneskise" a t-elle décidé de transposer Molière et ses réjouissantes "Précieuses ridicules" au temps du Rock'n'Roll et des Yéyés. Et pourquoi pas ?
Perfectos, lunettes noires, guitare électrique (live) et danses endiablées remplacent donc ici robes à panier, mouches, clavecins et menuets. La prose de Jean-Baptiste Poquelin, respectée à la lettre et donnée à entendre dans son intégralité, s'y prête sans difficulté. On s'amuse des décalages, esthétiquement cela fonctionne, et les onze comédiens présents sur le plateau, malgré une technique un peu jeune et quelques petits problèmes de rythme, offrent un travail des plus honnêtes. Reste que dans sa vision des personnages, Pénélope Lucbert, metteur en scène, ne parvient selon nous à éviter un contresens qui empêche d'adhérer totalement à cette proposition.
Expliquons-nous.
Au XVIIème siècle, les héroïnes de cette comédie en un acte, Cathos et Magdelon, deux provinciales fraîchement arrivées dans la capitale, n'ont d'autre souci que celui d'être à la mode, de côtoyer les salons littéraires, et de se défaire d'une condition bourgeoise vulgaire, selon elles, afin de s'élever au niveau des "beaux esprits" (au point d'en devenir ridicules). Pour cette raison, elles ont d'ailleurs éconduit sêchement des prétendants trop ordinaires (qui se vengeront en les faisant séduire par leurs valets...). Aussi, dans les années 50 de notre XXème siècle, eut-il été plus judicieux de les faire rêver d'intellectuels et égéries de Saint-Germain des Près plutôt que de les voir, vêtues de blousons en cuir, s'amouracher de sosies des "Chaussettes Noires" et autres "Chats Sauvages". Les dialogues vont dans ce sens tout du long de la pièce.
De belles personnalités sont cependant à découvrir, quelques excellents moments de comédie méritent le déplacement, et en ces temps de disette théâtrale parisienne, il fait toujours bon se rendre au Lucernaire...
Jusqu'au 15 septembre.
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Photo : La Savaneskise