Dans un film sur la finance, la banque Goldman Sachs tiendrait le rôle du méchant. Normal, juge Marc Roche, elle a la gueule de l’emploi. Dans cette enquête menée au fil des ans entre New York, Bruxelles, Washington et surtout Londres, le correspondant du journal Le Monde à la City détaille chapitre après chapitre les turpitudes de la banque d’affaires américaine.
On entre dans le monde étrange de ces “moines banquiers” qui peuvent aussi bien atteindre leur paradis, devenir l’un des 400 associés de la firme, porte ouverte sur la fortune et la gloire, que finir dans l’enfer de Noël, qui voit jusqu’à 10% du personnel, jugé non performant, mis à la porte chaque année.
Pour réussir chez Goldman, il faut abandonner toute autre forme de vie que son travail, avoir le goût du secret, de la performance et savoir travailler en équipe parce que les renseignements glanés par les uns font les futures commissions gagnées par les autres.
Et les commissions, c’est le moteur de Goldman Sachs. La banque est devenue experte dans l’art de fourguer placements financiers, deals et conseils en tout genre à ses clients. Qu’ils y gagnent ou qu’ils y perdent, Goldman aura touché son chèque. Tout le livre dénonce, exemples à l’appui, l’ambiguïté du comportement de la banque, prête à tout pour accumuler les profits, y compris quand cela doit se faire au détriment de ses clients. Goldman Sachs nage en permanence en plein conflit d’intérêts, assène Marc Roche, jouant des informations acquises auprès des clients pour faire ses propres placements ou bien refilant à certaines banques les fameux produits Abacus, dont le rendement ne tenait qu’à des prix immobiliers montant jusqu’au ciel, pendant qu’elle pariait sur leur chute avec le fonds spéculatif de Henry Paulson. D’où le surnom de “Goldman Sacks”, avec le “k” du verbe to sack (piller, mettre à sac).
Avec la crise financière, les pratiques de Goldman Sachs, longtemps restées dans l’ombre, éclatent en pleine lumière. La banque se voit confrontée à des plaintes, des enquêtes et des amendes de la part des régulateurs. Son dirigeant, Lloyd Blankfein, un ancien avocat fiscaliste et ex-trader sur métaux, passe sur le gril d’une commission sénatoriale, obligé de reconnaître du bout des lèvres quelques erreurs, avant d’affirmer en public: “Je fais le travail de Dieu”! Un supposé trait d’esprit reçu comme une nouvelle preuve d’arrogance.
Une arrogance d’autant plus insupportable que Goldman Sachs, non contente de s’imposer dans la finance, place systématiquement ses hommes aux postes clés des gouvernements. On connaît la chose pour les Etats-Unis, où le secrétaire au Trésor de George W. Bush, Hank Paulson, était l’ancien PDG de Goldman! Mais les anciens de la banque entourent aussi Tim Geithner, celui d’Obama. L’Europe n’est pas en reste. Certains anciens commissaires européens (Mario Monti, Peter Sutherland), ancien de la Bundesbank (Otmar Issing) et jusqu’à Mario Draghi, actuel gouverneur de la Banque centrale italienne et patron du Conseil de stabilité financière chargé de coordonner les efforts mondiaux de régulation sont des Goldmaniens!
Allez visiter Goldman Sachs. Son histoire, ses liens avec les fonds spéculatifs ou les relations tumultueuses de son PDG avec Obama, pour lequel il a fait campagne avant de dire pis que pendre de ce Président aux velléités de régulation de la finance. Le livre de Marc Roche sera votre guide indispensable.
La Banque. Comment Goldman Sachs dirige le monde, par Marc Roche