Nom: Amira Al-Sharif
Pays: Yémen
Profession: Photojournaliste
Adage: « Il y a beaucoup de femmes au Yémen qui restent anonymes. Personne n’a la moindre idée de l’esprit de lutte qu’elles possèdent »
Amira Al-Sharif est née en Arabie Saoudite, mais elle est élevée au Yémen dès son plus jeune âge, à Sanah « ma ville », comme elle décrit à la capitale yéménite. Amira est une photojournaliste dans un pays où ce métier n’est pas indiqué pour les femmes. Elle est le premier membre de sa famille à avoir faite des études universitaires. Même plus loin, elle est une des 150 femmes qui secouent le monde, selon le Newsweek, Daily Beast des Etats-Unis.
J’ai eu l’honneur de parler à Amira pour MujeresMundi, une interview qui a duré plus de deux semaines à mettre forme sur cet article. Je l’avoue, être en face d’une des femmes qui secoue le monde m’a fait paniquer. Comment pourrais-je être capable de décrire en quelques pages, la force et la valeur d’Amira? Ceci est son histoire, deux semaines plus tard ….
Le contacte avec Amira s’a fait beaucoup plus vite que j’aurais pu imaginer. Je lui ai envoyé un e-mail, en pensant honnêtement, elle ne me répondra jamais. Il a fallu 5 minutes pour avoir sa réponse – si vite, que j’ai cru que le message avait été re-envoyé -. J’ai eu droit à deux lignes: « Bien sûr, je voudrais parler avec vous quand vous voulez ». Deux lignes qui m’ont fait paniquer encore plus, que pourrais-je lui dire pour qu’elle s’intéresse à mon petit projet? J’ai décris un peu plus l’idée de MujeresMundi, je lui ai parlé de moi de et de ma fille. C’était un second e-mail, juste le début pour beaucoup d’autres qui se sont suivis.
Amira a une voix douce, presque enfantine et l’interview finit par être la plupart du temps une conversation entre amis. Quand on l’écoute, il est difficile d’imaginer Amira en train de couvrir une guerre civile, mais en effet, cela est bien arrivé. Amira a une voix douce mais un caractère bien solide, elle n’a pas besoin d’élever la voix pour se faire sentir, elle n’a pas besoin de donner des ordres pour être une leader. Elle a le don d’inspirer confiance, et en dépit de sa voix douce, elle se fait entendre.
En tant qu’une des rares femmes journalistes au Yémen – où la plupart de ses collègues sont des hommes – Amira décrit sa vie comme «une bataille continue». Elle commença à travailler en 2005 pour le Yemen Observer, le Spectrum Newspaper, le National Yemen et le Yemen Times. Elle fait des rapportages sur les mauvaises conditions de vie dans le sud du Yémen. Son travail a été publié par des journaux arabes et américains. Elle a travaillé pour Oxfam et l’UNICEF au Yémen, et elle a été choisie par la Newsweek Daily Beast (New York) comme l’une des 150 femmes qui secouent le monde.
En 2011, elle obtient une bourse du Centre International de la Photographie à New York et elle prépara son photodocumentaire Dévoilement des fausses idées : Une femme musulmane décrit la vie des femmes américaines.
La révolution yéménite
Est-ce que vous vous êtes déjà senti si identifié à une cause que vous seriez capable de risquer votre vie pour le protéger? Pour la plupart d’entre nous, la situation peut-être assez apologétique d’imaginer: continuer ferme dans une mission au dépit des conséquences. C’est le cas d’Amira au cours de la révolution de son pays en 2011.
Les mouvements de protestation yéménites ont commencé au début 2011 à l’Université de Sanah, avec environ 16 000 manifestants réclamant la démission du président Ali Abdallah Saleh – au pouvoir depuis 32 ans -, ils réclamaient aussi la mise en place de la démocratie et dénonçant la corruption dans le pays et les niveaux d’extrême pauvreté. À la fin de janvier 2011, les manifestations grandissent, et prendront la forme des sit-in et des protestations de masse. La jeunesse révolutionnaire (shabab al-Thawra) incluaient des femmes, des chiites, sunnites, houtistes et socialistes. Malgré le grand nombre d’armes en circulation dans le pays – Le Yémen est le deuxième pays plus lourdement armé dans le monde – et la violente répression, le moteur du mouvement était le Sulamiya: le pacifisme. Le slogan des révolutions arabes Irhal!, “De hors” a été progressivement adopté.
Les affrontements entre les loyalistes et les rebelles ont occasionné plus de 2000 morts selon les chiffres obtenus par le gouvernement de transition. Après la confrontation du 18 Mars (la plus sanglante de la révolution), l’opposition a gagné des adeptes dans leurs rangs, des personnalités, des diplomates, militaires, chefs tribales et religieux.
Pour Amira, sa conviction et sa détermination que le monde devrait connaître les événements au Yémen, l’a menée à se joindre aux protestations « n’importe qui avec un appareil photo était en danger. Donc, ce n’était pas le fait que je suis une femme qui m’a mis plus à risque que d’autres. Au cours de la révolution, les gens comprirent que c’était à travers les images qu’on pouvait faire connaître ce qui nous arrivait. Mon appareil photo est devenu une arme, on le savait »
Lorsqu’on lui a demandé si elle était consciente du danger, elle dit: «ce n’est pas quelque chose que je pensais à ce moment. Maintenant que le temps a passé, je peux dire oui, j’étais certainement en danger comme d’autres manifestants. Mais il y avait la nécessité de signaler au monde ces évènements ». C’était instinctive, elle a pris son appareil photo et s’est joint aux mouvements de protestation.
Les femmes au Yémen
«Les gens pensent que les femmes portant un niqab sont toujours limités et ne peuvent pas obtenir ce qu’elles veulent. Si c’est le cas, ce que je fais alors? » Amira dit: «Il y a beaucoup de femmes courageuses au Yémen et personne n’en parle, personne n’en sait. Personne a une idée de la force et l’esprit combatif qu’elles possèdent. »
« J’aime la photographie, c’est ma façon de communiquer. Les images ont le pouvoir de briser les barrières linguistiques. J’ai la conviction que, grâce aux images, les gens connaissent la réalité de ma culture. Yémen ne se limite pas à l’image qui reflète la presse occidentale à propos de nous. ». Grâce à son projet Dévoilement des Fausses Idées, Amira a documenté la vie des jeunes américaines, et compare leurs réalités aves la vie des jeunes femmes au Yémen. Son projet a été soutenu par 250 personnes à travers sa page de Kickstarter, en 2010.
Retour au Yémen, Amira continue de travailler pour donner « un regard plus précis sur les gens du Yémen ainsi que sa culture», cette fois par le biais de son projet intitulé Femmes du Yémen, une série d’images de femmes yéménites – nombreuses dans les zones rurales -. Fidèle à son appareil photo et ses idéaux, elle enseigne aujourd’hui le photojournalisme pour former de nouveaux professionnels à Sanah. Amira, avec un grand sourire finit notre conversation avec un «vous êtes les bienvenus au Yémen ».
Pour en savoir plus sur Amira, visitez le site Web Leur http://www.amiraalsharif.com
Interview: XMA
Photos: Amira Al-Sharif