Finalement, nous avions peut-être mal interprété la prise de parole publique de Nicolas Sarkozy à propos de la Syrie, mardi dernier. Le 7 août au soir, il communiquait sur un entretien d'une quarantaine de minutes avec le chef de l'opposition syrienne.
On lisait qu'il considérait que la situation syrienne - où les combats font rage et la guerre est désormais civile - était similaire à celle connue en Libye en 2011.
Immédiatement, la quasi-totalité des commentateurs et experts soulignèrent les différentes entre les deux situations: en Syrie, la géopolitique était bien plus compliquée; le pays disposait d'un trop lourd armement chimique; la Syrie jouxtait des pays explosifs comme l'Irak et l'Iran; et... last but not least, le Conseil de Sécurité refusait de donner son accord à une quelconque intervention terrestre.
En mars dernier, Sarkozy quand il était encore Monarque ne disait pas autre chose: « nous ne ferons rien tant qu'il n'y aura pas une résolution du Conseil de sécurité. Il n'est pas question d'agir, directement ou indirectement, tant que le Conseil de sécurité n'a pas établi la stabilité juridique, les conditions juridiques d'un cran supplémentaire - que ce soit les zones humanitaires, les livraisons d'armes pour l'opposition ou les corridors. »
Fichtre ! Quel attentisme !
Mais Nicolas Sarkozy avait sans doute - involontairement - raison. Les situations libyennes et syriennes ont bien des similitudes.
1. Avec le soutien des (anciennes) autorités françaises, quelques entreprises françaises ont équipé le pays d'un équipement de surveillance technologique. En Libye comme en Syrie, les sociétés Amesys et Qosmos ont été prises dans le mauvais pot de confiture. En Sarkofrance, le ministre de la Défense Gérard Longuet expliquait alors que les systèmes d'espionnage informatique ne sauraient être considérés comme de l'armement. « En Syrie comme en Libye, Big Brother est un peu français », rappelions-nous le 25 juillet dernier.
2. Jeudi 9 août, le site Mediapart révélait quelques extraits inédits de notes de l'intermédiaire Ziad Takkiedine rédigées en 2008 à l'attention de Claude Guéant, secrétaire général de Nicolas Sarkozy. Le site citait notamment des « éléments de langage
présidentiels pour une conversation téléphonique du 30 mai 2008 entre
l’ex-chef de l’Etat français et Bachar el-Assad ». Et ces éléments de langage sont, avec le recul, croustillants: « J’ai choisi Claude Guéant assisté de Ziad Takieddine, qui ont fait
un remarquable travail pour construire le partenariat stratégique entre
nous et seront dans le futur les parrains de cette relation. » fait-il dire à Sarkozy.
3. En juin 2008, Takkiedine, cité par Mediapart, expliquait à Claude Guéant, après un entretien avec le ministre des affaires étrangères: « Mon interlocuteur a tenu à confirmer l’excellente impression que M.
Claude Guéant continue à faire au Président Assad, ainsi qu’à lui-même.
Ils le considèrent comme un homme exceptionnel et c’est lui qui
assurera les relations à un très haut niveau. »
4. En juillet 2008, Sarkozy accueille donc Assad à Paris pour les cérémonies du 14 juillet. A la prison de Senaya, quelques centaines de détenus viennent d'être exécutés sans une seule réaction française.
5. En septembre 2008, Takkiedine rapporte à Guéant: « Le Président Assad est très satisfait d’avoir établi une relation personnelle avec le Président Sarkozy ». Sarkozy venait de visiter Damas.
6. Selon Mediapart, dans un article de Fabrice Arfi et Karl Larske du 8 août, Takkiedine « escomptait ainsi décrocher des commissions occultes en échange de l'obtention de gisements pétroliers ou gaziers.» Pour preuve, le site complète: « Ziad Takieddine a pris part à des négociations menées par le groupe
français Total en Syrie, avec l'appui politique de Nicolas Sarkozy,
selon des notes et courriers internes au groupe pétrolier en notre
possession. »