Le Hastings Center est un institut de recherche en bioéthique, indépendant, non partisan, à but non lucratif, basé à New York dont l'objectif est de tenter de répondre aux questions éthiques fondamentales pour les individus, les communautés et les sociétés, dans les domaines de la santé, de la médecine et de l'environnement. Les auteurs de ce rapport sont des universitaires du Département de bioéthique des National Institutes of Health (NIH).
La plupart des questions éthiques soulevées par le séquençage complet du génome l'ont toujours été dans un esprit d'imagination futuriste, mais aujourd'hui, soulignent les auteurs, les techniques génomiques évoluent si rapidement que le séquençage complet du génome pourrait trouver son application en pratique clinique bien plus vite que prévu. Son coût également devient plus abordable, en deçà de 1000 $. Sa particularité par rapport aux tests prénatals actuels tient dans le nombre considérable de données et d'informations, interprétables ou pas, éthiquement pertinentes ou non. En particulier, en routine clinique, ce séquençage anténatal complet, au-delà de détecter chez le fœtus un risque élevé pour une liste de graves maladies génétiques déjà prédéterminée, pourrait apporter aux parents tout un spectre de caractéristiques génétiques, incluant des susceptibilités à des maladies jugées bénignes ou curables. Ce trop large éventail d'informations pourrait conduire à des excès, d'avortements par exemple.
Une utilité qualifiée de « douteuse » : Au-delà de l'amplitude des données, leur interprétation, encore largement incertaine pour la grande majorité d'entre elles. Les auteurs soulignent ainsi que la fonction de plus de 90% des gènes du génome humain reste inconnue ou incomprise et que « la plupart des données générées à partir de ce séquençage complet du génome serait d'une utilité douteuse ». Les auteurs ont analysé la nature des informations que les tests prénataux de séquençage du génome entier pourraient apporter et concluent que la plupart d'entre elles ne serait sans doute pas aussi utile que les données des tests prénatals existants.
Quelques conséquences fâcheuses sont évoquées, comme l'anxiété des parents avec l'attente, l'incompréhension de certaines données, le doute…. Ou encore, l'image prénatale du bébé, déformée par la technologie. L'évolution des concepts de normalité et de handicap, avec, à la clé, le risque d'augmentation des interruptions de grossesse. La prévision d'un niveau de Q.I. de l'enfant à naître et les conséquences de ces prévisions sur son mode d'éducation. Enfin, les auteurs soulignent ce fameux accès à l'information des parents et des enfants dont les intérêts ne sont pas forcément concordants. Des informations qui pourraient aller jusqu'à limiter l'autonomie et l'épanouissement des enfants jusqu'à l'âge adulte, disent les auteurs, mais qui sait, tout au long de la vie peut-être.
Beaucoup de réserves donc, et 4 recommandations de ces experts :
· La nécessité de recommandations très claires et précises de la communauté médicale (ou en France de l'Agence de Bioéthique) sur les types d'informations à proposer aux parents,
· Le respect du droit de l'enfant de ne pas voir son profil génétique « trahi », sauf utilité réelle pour les parents ou les résultats de santé de l'enfant.
· Davantage d'études et de données pour guider la réflexion des sociétés savantes, des experts et du public,
· Une participation active des professionnels du séquençage génomique à l'éducation des cliniciens sur la façon dont le séquençage complet du génome diffère des tests génétiques prénatals traditionnels, et à l'éducation des parents sur les arbitrages à faire avant de s'y engager.
Source: Hastings Center Report 42, no. 4 (2012): 28-40. DOI: 10.1002/hast.50 "Prenatal Whole Genome Sequencing: Just Because We Can, Should We?" (Visuel Fotolia)
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