Comme je suis hyper sympa, je décide de vous faire don de mon résumé des Soleils des Indépendances de Kourouma. Evidemment un résumé de pourra jamais rendre le style, l'ironie et toutes les nuances extraordinaires que Kourouma met dans sa plume, mais bon, ça peut toujours servir. Si vous voulez savoir ce que j'ai pensé du livre et lire mes petites analyses vraiment pas beaucoup poussées, vous pouvez aller consulter mon article précédent sur Kourouma. Ce résumé peut être utile dans la mesure où il est détaillé et retrace linéairement tous les évènements du livre (mes excuses d'avance pour le style souvent paraphrastique), mais il ne remplace évidemment pas une analyse construite et appuyée sur les axes du programme. Uniquement pour se remettre le bouquin en mémoire si on n'a pas le temps de le relire, donc.
PARTIE 1
1) Le molosse et sa déhontée façon de s'asseoir.
Cote d'Ivoire, peuple des Malinkés. Fama Doumbouya, dernier descendant légitime des princes du Horodougou, est ruiné à la suite de l'indépendance de son pays. C'est ce qui le fait passer pour un colonialiste. Sa ruine le pousse à assister à toutes les cérémonies religieuses où il prononce des prières, afin de gagner sa vie en tant que griot. L'histoire s'ouvre donc sur l'enterrement de Ibrahima Koné et la description d'une croyance africaine selon laquelle l'ombre du défunt agit encore après sa mort. Le retour à la réalité est brusque avec la présentation soudaine et brutale du prince ruiné. Son parcours jusqu'au cimetière met en évidence la déchéance et la honte dont il est victime. Il est même désigné par le terme de "charognard" alors que le symbole des Doumbouya était la panthère. De nombreuses insultes "bâtards !" montrent son indignation d'être réduit aux mêmes galères que les pauvres, des "hyènes" et des "charognards". Métaphore du temps qui témoigne de cette union inhabituelle entre le noble et l'ignoble : "dégoûtantes, les entre-saisons de ce pays mélangeant soleils et pluies".
Début de l'affrontement. Provocation gratuite du griot qui ose souiller le nom des Doumbouya en l'associant aux Keita (totem hippopotame : rien à voir avec la subtilité de la panthère). Humiliation publique de Fama qui se met en colère et devient le centre d'attention. La cérémonie funèbre devient lutte politique, affrontement public d'idéaux en décomposition. Cruauté, dignité, impulsivité de Fama. Contamination de l'énervement progressif ignoré par Fama, "enivré" par la colère. Deuxième provocation venant du peuple cette fois (un homme qui s'appelle Bamba) pour faire taire Fama. L'affrontement devient physique : témoignage de sa déchéance. Le prince répond aux provocations et se bat : il perd sa dignité. Puis retour soudain à la normale avec les excuses (on lui propose de l'argent). Il donne l'honneur pour prétexte, mais en acceptant l'argent, il tue cet honneur faussement revendiqué. Il est bafoué, il n'a aucune autorité : plus personne n'écoute le prince. Le déshonneur règne : anarchie politique, aucun respect pour la noblesse du sang.
2) Sans la senteur de goyave verte
Désir persistant d'affirmer son honneur. Description de la condition des noirs qui sont toujours esclaves des blancs. Lutte interne de Fama traduite par la multiplication des verbes pronominaux : "il se commanda", "il s'ordonna", etc. Métaphore filée du temps. Pluie = pourriture, déchéance / Sécheresse = dignité, noblesse, richesse. Détail de son passé : il était grand commerçant pendant la colonisation et il regrette donc ce temps. Mais il n'est pas colonialiste pour autant : haine naturelle contre les Français (la colonisation a apporté bien d'autres maux). La colonisation a tué le règne des Malinkés. Pour vivre, les Malinkés ont besoin de deux choses : le négoce et la guerre. La colonisation a tué la guerre et l'indépendance le négoce. Conséquences : stérilité des Malinkés. Donc l'indépendance est encore pire que la colonisation.
Passé personnel de Fama : il fut destitué de sa couronne très jeune par Lacina, qui lui-même se vit ruiné par les indépendances. La terre africaine est assimilée au corps de la femme : sensuel, fertile quand tout va bien, mais ici, pourri à cause de la pluie donc stérile. Humour noir à plusieurs reprises : "comme la feuille avec laquelle on a fini de se torhcer", "lire et écrire n'est pas aussi futile que des bagues pour un lépreux". Moquerie légère sur les rites des Africains pour attirer la chance : "que n'a-t-il pas fait ?" Insistance sur la croyance en la Providence et en Dieu. Allusion aux dettes de Fama avec la mention de Abdjaoudi, l'usurier. Remèdes à la pluie : la mosquée et la prière, puis l'amour : Salimata, sa femme. Magnifique métaphore de l'amour et de l'agriculture page 28. Salimata s'inflige d'inutiles supplices (dans l'espoir d'attirer la fertilité). Fama la soupçonne de mal exécuter ces rites et donc il la "consomme" : le prince a clairement ses petites faiblesses.
3) Le cou chargé de carcans hérissés de sortilèges comme le sont de piquants acérés, les colliers du chien chasseur de cynocéphales.
Focalisation sur Salimata. La religion l'aide à accepter son destin de femme stérile. Mais accent sur les craintes et les déceptions d'une femme que son mari délaisse par le discours indirect libre "un éhonté de mari !". Fama est pour elle lié à un souvenir très douloureux : celui de son entrée dans le monde des femmes de la tribu, de la fin de l'enfance, lorsqu'elle se fit excisée (le clitoris est considéré comme impur). Deux temps de narration sont enchassés pour mettre en valeur la douleur gardée qu'elle porte en elle et sa rancoeur contre Fama, qui est décidémment un très mauvais mari (il ronfle, c'est exaspérant ; il veut un enfant mais manque à son devoir conjugal, etc.)
Poursuite de la description du souvenir de son excision, qui fut pour elle un moment de honte et d'humiliation, puisque, contrairement aux autres filles excisées, elle ne supporta pas la douleur et s'évanouit, et ne put exécuter la danse triomphale du retour du champ d'excision. Chaque paragraphe décrit un peu plus précisémment un aspect qui n'avait été qu'évoqué dans les paragraphes précédent : plongée au coeur d'une conscience meurtrie. Elle raconte son premier viol et la douleur qui en découla. On lui a fait croire au génie de la fécondité, mais elle revient sur ses propres souvenirs, elle a des doutes et croit savoir qui l'a violée en vérité (elle soupçonne le féticheur Tiécoura). La description du féticheur traduit bien le dégoût et l'horreur qu'il lui inspire. Le souvenir plonge de plus en plus précisémment dans le passé de Salimata et l'on comprend pourquoi elle est stérile. Fama n'est pas son premier mari. Lorsqu'on lui a a attribué un mari après les trois semaines du rite suivant l'excision, Salimata était guérie, mais toujours traumatisée par son viol. La nuit de noces fut un échec. Elle se refusa à Baffi, son premier époux. Il voulait la violer, mais elle se défendait tant qu'elle aggrava son hernie dont il mourut quelques mois après.
Description d'un accomplissement détaillé de son devoir de femme au foyer et témoignage de son énervement envers Fama, "toujours inutile, vide!". Explication de la légende noire de Salimata : "Une femme sans trou ! Une statuette !" que la jalousie du génie veut préserver de tout autre homme = une femme maléfique et chargée de malchance. Elle est promise au frère de Baffi, Tiémoko, qui voulait la violer sous la menace d'un couteau. Elle s'enfuit, "seule dans la nuit". On découvre alors une nouvelle facette de Salimata : son courage et sa rébellion. Pendant ses prières, elle supplie Allah de lui donner un Bébé à tous prix, même au prix de l'adultère... Puis Salimata commence sa journée de femme soumise après le départ de Fama (elle vend de la bouillie aux travailleurs). Une silhouette sur le chemin la renvoie de nouveau dans son passé. On comprend alors à quel point elle a aimé Fama, et que leur amour fut l'aboutissement de sa fuite. Ce passé est la description de l'âge d'or des Horodougous avant les soleils des indépendances, quand Fama était encore digne.
Commence alors le travail de vente de Salimata en multipliant les allusions et manifestations religieuses. Monstration de sa générosité parfois extravagante. Pendant le chemin du retour, on apprend que c'est à cause de son infécondité persistante que sa relation avec Fama s'est dégradée. Elle se sent incomplète sans maternité donc le couple et l'amour son incomplets. Un parallèle s'établit entre le mari et la femme : ils ont chacun leur honte, leur désespoir, leur rêve brisé. Un nouveau malheur s'ajoute à tous ceux qu'elle a déjà subis à sa "vie de malheurs", sa grossesse nerveuse. Grosse ressemblance dans les termes employés entre Fama et Salimata, "inutile et vide". Discussion banale de couplé lassé, amour entièrement consumé. Elle se souvient de leurs amours passées avec amertume. On apprend alors que Fama, lassé de la stérilité de Salimata, a commi le péché d'adultère, mais il semble en fait que ce soit lui le stérile... La chute politique coïncide avec le déclin de leur amour et ce fut le début de la fin.
4) Où a-t-on vu Allah s'apitoyer sur un malheur ?
Relations de Salimata avec les autres vendeuses de riz : elle est jalousée car elle est plus belle et elle a plus de succès que toutes les autres. Insistance sur l'agilité et la rapidité de Salimata en tant que vendeuse. Elle est bonne, généreuse, et n'hésite pas à se sacrifier, dans l'espoir qu'Allah entende ses prières. Mais la pauvreté touchant toute la population, elle se fait attaquer par ceux qui sont arrivés trop tard pour bénéficier des dons de riz de Salimata. Ils lui volent tout l'argent qu'elle a gagné et la tripotent un peu au passage. C'est sa générosité vaine qui en est la cause : elle a fait des demi-satisfaits. Salimata, devant son malheur, prend la décision de consulter son marabout, Abdoulaye.
Retour sur la naissance de leur amitié, et sur le début des vues qu'Abdoulaye a sur Salimata. Il est comparé à un taureau du Guassoulou, "susceptible de tout pimenter plus que Fama et riche en connaissance comme en argent". On sent qu'elle aussi est plus ou moins sous son charme... Description des trois rituels pour invoquer les morts, appeler les génies et implorer Allah. Elle est pleine d'admiration pour lui et impressionnée par la magie dont il est capable. Il lui prescrit les sacrifices qu'il doit exécuter. Petite description physique de Salimata pour montrer combien elle est désirable : "elle provoquait le désir de vouloir la mordiller". La violence du sacrifice du coq fait brusquement remonter le souvenir horrible de l'excision.
Insistance sur le fait qu'ils sont seuls et attiés l'un par l'autre un soi d'orage, après avoir partagé le sacrifice. Il commence à lui mettre dans l'esprit que c'est Fama qui est stérile et pas elle, et que la maternité est plus importante que la fidélité. Elle en a envie mais elle a peur car le viol est toujours présent. Elle voit en lui Tiécoura. Il essaie de la violer, elle se défend. Elle saisit le couteau du sacrifice et frappe Abdoulaye. Puis elle s'enfuit dans la pluie. Constatation de ses regrets : elle s'en veut, "ne sachant coucher qu'un homme stérile".
PARTIE 2
1) Mis à l'attache par le sexe, la mort s'approchait et gagnait ; heureusement, la lune perça et les sauva.
Mort de Lacina, le cousin de Fama. Le sacrifice du coq n'a pas évité le grand malheur qu'avait prédi Abdoulaye. Les Malinkés ensemble font oreuve de générosité envers le défunt. Fama s'en prend aux délégués syndicaux chargés du transport du corps avec un couteau en les traitant de bâtard (probablement des Français responsables des indépendances). Il veut retrouver la véritable dignité de la panthère Doumbouya. Sur le voyage (de la capitale vers le village de Togobala où se déroulent les funérailles), Fama rencontre Diakité, originaire du Horodougou qui avait fui à cause de l'indépendance, de l'arrivée du socialisme et du parti unique (LDN). Le père de Diakité (qui était de l'opposition au parti) fut contraint d'y adhérer et de payer un nombre exagéré de cotisations.
Description du socialisme en Afrique : la jeunesse LDN commet attentats et sabotages, actes dégradants envers les membres de leur propre parti, dont Diakité : "la jeunesse LDN sortit, l'assaillit, le ligota, le déculotta, noua son sexe par une corde, et comme un chien le mit à l'attache" en faisant passer cela pour "la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme". Le père de Diakité le défendit en tuant le secrétaire général du parti, son adjoint, le trésorier et deux autres membres. Et après avoir délivré Diakité, il fut fusillé.
Autres exemples des conséquences du socialisme. Konaté, un Bambara, raconte sa ruine. Il n'est pas contre le socialisme, mais trouve le parti trop dur. Sery pense que la cause des malheurs et des guerres en Afrique, c'est le fait que les Africains migrent et chaque indigène voit la concurrence de peuples plus civilisés, plus doués s'installer. Les immigrants plus riches et plus reconnus sont en haut de l'échelle sociale, comme les Dahoméens et les Sénégalais. De plus, l'arrivée des pauvres et des fous n'apporte rien à l'économie et mendient : les Nogos font revenir les concessions "aussi puantes que les fesses de leurs rejetons qu'ils ne torchent jamais". Ils rachètent toutes les consessions, donc ce sont des étrangers qui gagnent de l'argent.
Salimata soupçonne Fama de ne jamais vouloir revenir à la capitale après son voyage au village. Il sait que son devoir est de diriger la tribu des Doumbouya et qu'on le lui demandera. Il sent qu'il ne pourra pas refuser son héritage. Il hérite du statut de chef, mais il hérite aussi des femmes de Lacina, dont Mariam (qui lui avait d'abord été promise et qu'il avait refusée).
2) Marcher à pas comptés dans la nuit du coeur et dans l'ombre des yeux (paroles d'une mélodie de noces malinkée que Fama fredonne plus loin).
Fama songe à la réaction de Salimata s'il épousait Mariam. Elle serait faussement empressée mais ne perdrait pas une occasion de mettre son ingratitude en évidence. Il envisage donc de rester au village. En arrivantau village, Fama est traité comme un dieu, mais il n'a pas le droit de parler de politique (c'est interdit par le parti) donc il se renseigne sur les nouvelles du village. Insomniaque, Fama essaie de se convaincre d'être digne des Doumbouya. retour sur son ancêtre, Souleymane Doumbouya (Moriba). Il était marabout et son arrivée chez les Toukoro avait été prédite par un oracle. Souleymane bâtit à côté des Toukoro un grand campement appelé Togobala "dont Fama restait l'unique légitime descendant". Togobala prospéré et conquit le Horodougou. Mais les conquérants (malinkés musulmans du nord) proposent à Bakari, descendant de Souleymane, d'avoir la puissance (qui serait illégitime). Bakari veut y renoncer car il craint la malédiction, mais poussé par une "voix", il prend le pouvoir sur le Horodougou, scellant la fin de la dynastie Doumbouya en provoquant la malédicton annoncée : la stérilité de Fama. Insistance sur sa peur des autres, de lui, de disparaître.
Incident lors du voyage : Fama se sent destitué de sa dignité lorsqu'un bâtard exige sa carte d'identité pour passer la frontière. Fama a quand même fini par arriver au village natal, décrépi, et entouré de "vautours". On lui souhaite la bienvenue puis commence le rituel des lamentations pour le défunt (les pleureuses). Puis le vent les effraie et les fait taire. Fama en a marre des lamentations car le Coran dit qu'il ne faut pas pleurer les morts, que c'est inutile.
3) Les meutes de margouillats et de vautours trouèrent ses côtes : il survécut grâce au savant Balla.
"Les Malinkés ont la duplicité parce qu'ils ont l'intérieur plus noir que leur peau et les dires plus blancs que leurs dents." Fama n'a pas respecté la coutume mais il se place devant la case de Lacina pour faire croire qu'il y a dormi. Il contemple son modeste héritage qui lui semble de plus en plus précaire. Le griot fidèle à la famille, Diamourou, raconte à Fama son secret : sa fille Matali fut choisie par Tomassini (premier commandant du cercle). Mais courageuse, elle refusa l'acte sexuel forcé et s'enfuit. Elle fut ramenée et engrossées de force. Très belle, elle s'épanouit dans la maternité et dans le commerce. Elle n'a jamais oublié ses parents, elle envoie régulièrement de l'argent à Diamourou. Fama l'estime davantage que son cousin Lacina.
Création d'un suspense car la discussion sur Lacina est rapidement interrompue par les salueurs. Les salueurs sont d'autres dynasties plus ou moins liées aux Doumbouya. Il se sent puissant. Balla est une affranchi, vieux et aveugle, de la famille des Doumbouya. Il consulte les fétiches et tue les sacrifices, tout le monde se moque de lui et Diamourou le déteste (car ils sont égaux socialement et de vécu). Balla se fait de l'argent sur les croyances des gens. Balla comme Diamourou, l'essence des Doumbouya, se battent pour leur idéal : réhabiliter la chefferie et voir brûler les indépendances. Fama, pour reconquérir son pouvoir, dispose donc : d'un sorcier, d'un griot, d'un peu d'argent et d'appuis politiques. Il ne lui manque que l'envie et la conviction.
Fama Doumbouya doit prononcer un dernier palabre pour Lacina : Balla veut participer, Fama refuse. Ambiance fétide et morbide du cimetière : "tout porte à la fois mort et vie" (page 117). Fama se recueille sur la tombe de ses parents mais tous les animaux portent la mort (vautours, margouillats, charognards). Nuit grouillante de cris de bêtes et d'esprits. Fama fait des cauchemars mais Balla chasse les ennemis avec des incantations. Mais les prières sont insuffisantes : nécessité de faire des sacrifices.
4) Les soleils sonnant l'harmattan et Fama, avec des nuits hérissées de punaises et de Mariam, furent tous pris au piège ; mais la bâtardise ne gagna pas.
Description d'un matin au village, de l'attitude irréprochable de Fama et des rites du féticheur Balla. Balla critique la qualité des harmattans d'aujourd'hui, ce qui amène le récit de "comment Balla devint-il le plus grand chasseur de tout le Horodougou ?" Un génie chasseur apparut à Balla pour lui proposer un accord. Il guidera Balla et rassemblera tous les animaux sauvages devant lui. En contrepartie, le génie aura la droit de tuer Balla à n'importe quel moment. Balla assomme donc tous les palabreurs avec ses histoires triomphantes de chasse. Quelques exemples sont racontés (insistance sur la sagesse et le sang-froid de Balla). Balla voulait trouver le Kala de son génie chasseur pour le tuer avant de se faire tuer (Kala = objet propre à chaque individu avec lequel "on éteint la vie dans le corps"). Il finit par le trouver : un grain de crottin de chevrotin aquatique. Et il le tua.
Retour à la réalité. Mauvais sommeil de Fama. Enumération de ses soucis : il a d'abord des soucis d'argent. Il doit être généreux mais il est trop pauvre pour honorer convenablement son devoir de prince : il se sent humilié. Il a également des soucis de solitude. Il pense à Mariam dont il est tombé amoureux dès qu'il l'a vue (description de sa beauté, de sa sensualité). Il ne pense plus du tout à Salimata. Diamourou lui répète d'épouser Mariam car malgré son infidélité et sa malice, elle est très fertile. Enfin, Fama se soucie de l'interrogation du président du village et du comité (Babou) avec le parti unique et le sous-préfet. Petites notes d'ironies : "du sous-préfet, de la contre-révolution, de la réaction, mais c'était grandement grave !", "C'était grave et aussi embarrassant qu'un boubou au col trop large". Diamourou et Balla influencent son discours. Fama est le seul réactionnaire, un "horrible contre-révolutionnaire" du village. Les villageois n'assument pas. Au Horodougou, seules la fraternité et l'humanisme doivent régner.
Pourtant, une confrontation politique se prépare (lundi et mardi). Les villageois vont d'un palabre (celui de Fama) à l'autre (celui du parti). Le merrcredi, la rencontre politique a lieu. Insistance ironique sur l'hypocrisie exagérée des coutumes : les salutations durèrent "le temps de faire passer par un lépreux un fil dans le chas d'une aiguille". Déroulement de l'assemblée : palabre préfaciel des griots, puis palabre de Babou (rusé fils d'esclave) qui fait passer Fama pour un dangereux militant colonialiste, puis flot de flatteries ("Babou aurait conquis les villageois"), puis palabre de Fama, concis, digne, rapide. Sentence du délégué : Fama doit s'humilier en jurant à genoux fidélité au parti. Diamourou s'y oppose. Convocation des Anciens devant les mânes des aïeux. Il est décidé que Babou serait le président officiel et Fama seulement le chef. Réconciliation. Togobala reste uni.
5) Après les funérailles exaucées éclata le maléfique voyage.
Description du rite des funérailles d'un Malinké. Avec la pauvreté, les morts sont bien moins accueillis dans l'au-delà. Pour Lacina, on réussit à acquérir quatre boeufs. Tous les habitants du Togobala sont présents. Préparation des marches, de la nourriture, des sacrifices, etc. Lecture du Coran, communion, palabre des griots, présents offerts par les grandes familles. Puis sacrifice des boeufs. Insistance sur le sang qui coule page 141. Défense des sacrifices contre les chiens, puis contre les charognards. Puis partage de la viande rouge. Puis réjouissances. Tours de magie des chasseurs qui ont conclu des pactes avec des génies. Diamourou et Balla décomptent les "innombrables signes des funérailles exaucées".
Le voyage retour de Fama vers la capitale porte un sort maléfique. Il ne veut pas partir car au village il a l'honneur, l'argent et le mariage. Mais il faut qu'il parte, alors il emmène Mariam avec lui. Ils s'en vont à pied.
PARTIE 3
1) Les choses qui ne peuvent pas être dites ne méritent pas de noms.
Arrivée dans la capitale. Salimata accueille chaleureusement Mariam. Mais petit à petit Mariam gêne Salimata dans ses rites censés attirer la fécondité, et Salimata, jalouse, croit voir le ventre de Mariam pousser. Elles se disputent et en viennent aux mains. Une nuit d'amour entre Fama et Mariam, Salimata entend le tara grincer et cela la rend folle.
D'un point de vue politique, "le pays couvait une insurrection". Fama n'en est pas mécontent, il souhaite voir tomber les fils d'esclave qui sont au pouvoir. Les fétiches le prédisent (les Malinkés pratiquent la divination). Oracles de Togobala : hyène et boa. Usage de l'imparfait pour montrer que l'intervention et l'interprétation des oracles a lieu régulièrement. Exemples de leur efficacité : l'épidémie de peste a frappé tout le Horodougou sauf Togobala. Or les dirigeants des soleils des indépendances ignorent les oracles. Ils ne consultent que les sorciers et marabouts à des fins uniquement personnelles.
L'insurrection débute : répression du parti. Délibération du conseil des ministres à l'issue de laquelle quatre ministres sont emprisonnés. "La politique n'a ni yeux ni oreilles ni coeur : en politique, le vrai et le mensonge portent le même pagne, le juste et l'injuste marchent de paire, le bien et le mal s'achètent et se vendent au même prix". Disparition de trois amis de Fama qui s'étaient enrichis avec l'indépendance. Bakary est arrêté et doit subir un interrogatoire, tout comme Fama. Prison, torture, jeûne, mais Fama y survit. Ils sont internés dans un camp qui ne peut porter de nom tant il est ignoble, et qu'ils ne parviennent pas à situer. Conditions de vie insalubres, pathogènes, mortifères. Tout s'exécute la nuit. Une nuit, Fama est déporté dans une caserne. Usage constant du passif et de la troisème personne indéfinie pour montrer qu'on ne sait pas ce qu'il lui arrive.
Casene de Mayako où s'instruit l'affaire et où le jugement aura lieu. Description de la caserne le matin du jugement. On vérifie son identité puis on lui demande quels étaient ses rapports avec Nakou, l'ancien ministre, considéré comme tête du complot contre le parti. Fama le connaît, mais à part ses rapports avec les femmes, il ne sait pas grand-chose de Nakou. Fama raconte un rêve qu'il a fait où une femme lui avait dit que Nakou devait tuer beaucoup de sacrifices pour qu'il puisse s'en sortir plus tard, pour démasquer et honnir les intriguants.
Les juges accordent beaucoup d'importance à ce rêve. Fama est inculpé de "participation à un complot tendant à assassiner le président et à renverser la république". On lui reproche de n'avoir pas été raconter son rêve plus tôt et on lui apprend que Nakou s'est suicidé. Fama se prépare à ce qu'il va dire pour sa défense le jour du jugement. L'interprête traduit les instructions du juge. Il les insulte, les humilie et leur donne leur peine. Fama est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Début de sa vie de condamné. Aucune défense, aucune rébellion possible. Il regrette de n'avoir pas écoute Balla mais reconnaît sa défaite contre les soleils. Il attrape le vers de Guinée et vieillit, malade.
2) Ce furent les oiseaux sauvages qui, les premiers, comprirent la portée historique de l'évènement.
Fama continue de prier. Il ne regrette qu'une chose : n'avoir pu se faire pardonner de Salimata. Il espère encore être enterré dans le Horodougou comme lui avaient prédi les devins. Un jour, les gardes lui donnent des habits neufs et lui demandent de les suivre pour assister au discours du président. Discours humaniste et très républicain. Il demande aux prisonniers de pardonner et il les libère tous. Il souhaite apparemment instaurer de nouvelles valeurs plus stables (bonté, douceur, patience, justice) page 174. Remise de l'argent. Départ immédiat pour la capitale.
Sur la route, Bakary suggère à Fama d'aller se refaire une santé à Vichy ! Salimata ni Mariam ne viennent chercher Fama. Il envisage de se trouver une autre femme. Salimata est partie avec Adboulaye. Mariam avec son chauffeur de taxi. Bakary, fidèle à Fama, l'avait menacé de sa frivolité. Bakary lui parle ensuite de ce qu'il s'est passé à Togobala après son arrestation. Balla est mort dans son sommeil. Funérailles grandioses (quatre boeufs sacrifiés).
Fama descend de voiture en plein milieu du trajet. Bakary essaie de le retenir. Fama ne l'écoute pas et monte dans un camion. Bakary lui reproche d'être un mauvais ami. Fama se moque de lui et se félicite de l'avoir tourné en dérision par son silence. Fama veut partir car il sait que personne ne veut de lui dans la capitale. Il veut aussi permettre à Salimata d'être enfin heureuse avec un autre homme. Il part dans le Horodougou avec l'objectif d'y mourir le plus tôt possible, car telle est sa destinée. Arrivé dans le Horodougou, personne ne l'accueille mais il s'y sent bien. Une foule se forme autour d'un homme en uniforme, Vassoko. Il explique que la frontière est fermée depuis un mois à cause de la tension entre les deux pays.
Fama va lui parler, se présente et demande à passer pour assister aux funérailles de Balla. Mais Fama n'a aucune pièce d'identité et en plus, il est un ex-détenu politique. Il se met en colère devant le refus de Vassoko. Il franchit les barbelés fièrement et incite la foule à le regarder partir. Vassoko empêche les gardes de le tuer. Mais Fama est dans une impasse et Vassoko le rattrape. Alors Fama escalade le parapet et saute parmi les caïmans sacrés qui commencent à l'attaquer. Un garde tire sur le crocodile. Les oiseaux attaquent la terre. Les fauves et les crocodiles s'enfuient. D'autres coups de feu retentissent. Fama est grièvement blessé. L'ambulance le ramène à Togobala. On découvre qu'il n'a pas été touché par une balle mais par la morsure d'un caïman sacré, ce qui prouve qu'il est un grand chef. Fama meurt alors, à quelques kilomètres de Togobala.
Même si j'ai eu quelques bonnes surprises, Lamartine ne m'a globalement pas vraiment donné d'orgasme littéraire. Il m'a surtout ennuyé, car, comme je m'y attendais, ce genre de poésie n'est vraiment pas mon truc. Y'a des gens dans ma classe qui militent pour Lamartine et son talent, et je trouve cela admirable car c'est une noble entreprise que de défendre une pièce maîtresse d'un patrimoine culturel en voie de perdition, et d'ailleurs notre prof de littérature s'illustre particulièrement en la matière, mais il n'empêche qu'en lisant Les Méditations poétiques, bah je me suis fait chier. Et si vous me dites que pas vous, alors j'exigerai une preuve formelle et une argumentation détaillée.
L'autre raison pour laquelle je déteste Lamartine, c'est parce qu'il est un odieux personnage complètement imbu de lui-même au tempérament proprement insupportable, et par principe, j'exècre tous les gens qui s'adorent un peu trop, morts ou non, talentueux ou non. Je ne vais donc pas trop développer, non pas que je refuse de l'analyser au même titre que les autres auteurs du programme sous prétexte que j'ai des a prioris sur lui, mais simplement parce qu'il existe déjà une opinion qui résume parfaitement ce que je pense de Lamartine : celle de Julien Gracq dans ses Carnets du grand chemin (je remercie d'ailleurs ma prof de littérature qui nous a fourni ce texte car je pense qu'il va bien me dépanner dans la plupart de mes dissertes).
La poésie de Lamartine, c'est avant tout un flux. Ca coule et ca ruisselle, ça déborde de sentiments qui s'épanchent sans modération, et c'en est purement écoeurant. Après avoir lu plusieurs poèmes des Méditations à la suite, on se sent encore imprégné de son style dégoulinant et on se surprend soi-même à entendre des vers silencieux qui traduisent un emportement complètement vain, uniquement parce qu'il est joli, harmonieux et rythmé. Comme un air qui rentre dans la tête. Comme une chanson populaire commerciale qui reprend des accords déjà bien connus pour remporter l'adhésion des masses. Cela n'empêche en rien le talent, ça veut juste dire que c'est entêtant. C'est ce que Gracq appelle le "bourdonnement poétique". C'est léger et pesant en même temps. Léger parce qu'on ne peut nier la beauté des vers. Pesant parce qu'au bout d'un moment, on aimerait bien passer à autre chose.
Gracq (et j'adore ce passage) pousse le vice à accuser Lamartine de ne devoir son succès qu'à la conjoncture culturelle et sociale de son époque. Je n'étais pas là, donc je n'en sais rien, c'est peut-être vrai, mais peut-être aussi que ce n'est pas vrai, je ne me permets pas d'en juger, mais je vous fais quand même profiter de l'opinion de Julien Gracq à cet égard, car il l'exprime en des termes qui me semblent délicieusement choisis. On devrait tenir compte plus qu'on ne le fait de l'alternance de ces booms inflationnistes, créateurs de célébrités usurpées, où le public absorbe avec avidité tout ce qui se publie de conforme à son expectative encore balbutiante. En gros, au temps de Lamartine, la demande excédait largement l'offre en matière de poésie insupportable, contrairement au temps des vrais poètes symbolistes Baudelaire, Verlaine, Lautréamont, Rimbaud et Mallarmé, qui eux, n'ont pas eu de pot : tout le monde était déjà rassasié.
Cependant, après l'avoir bien déboîté, Julien Gracq procède à un très court éloge d'un vers de Lamartine, qui peut condenser son oeuvre : Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne. J'ai été un peu déçue parce que jusque là j'étais vraiment du même avis que lui à propos du fait que parmi le déluge de lyrisme qui nous assaille pendant la lecture des Méditations, il arrive quelquefois que l'on soit tout à coup profondément touché par un minuscule extrait (genre un vers ou deux), et effectivement, ces moments-là sont intenses et particulièrement révélateurs du génie tout de même avéré de Lamartine. C'est ce qu'il m'est arrivé ici. Mais du coup, j'ai été déçue parce que c'est vraiment pas LE vers que j'aurais choisi pour illustrer ce phénomène frappant. Il explique en quoi ce vers est si parfait, évidemment. Mais moi, ce vers, je le trouve d'une banalité lamartinienne consternante. C'est justement dans les moments d'imperfection de Lamartine que Lamartine me touche parce que c'est là qu'il semble le plus sincère. Mais ça, en revanche, ce n'est que mon humble avis.
J'arrête pas de vous le dire, relire ses copies, c'est hyper important en prépa littéraire et au lycée en général. D'ailleurs ce doit être agaçant pour vous parce que je fais genre je suis une experte en la matière, mais en fait je ne vous explique jamais vraiment pourquoi c'est si important. Bon ok, vous pouvez aisément imaginer, conjecturer et postuler, si vous n'êtes pas trop con, pourquoi il peut éventuellement se révéler utile de relire une copie, quelle que soit la note et quelle que soit la matière, pour progresser. Mais ça ne fait rien, je vais quand même vous l'expliciter, en points organisés, soigneusement, avec tout mon amour, tout mon coeur et toute mon âme, pour que vous n'ayiez plus aucun doute sur l'utilité avérée de cette pratique si méconnue. Ca m'occupera une demi-heure et ça vous offre une nouvelle occasion de culpabiliser parce que vous êtes encore en train de lire mes putains de conseils trop inutiles au lieu de travailler.
Merci qui ?
1) Si vous avez des notes cool (à partir de 10 on peut considérer qu'on n'a pas perdu la face en prépa)
Relire vos propres copies peut être suffisant. Avant chaque DS, relisez votre copie précédente du début à la fin pour bien vous remettre le sujet en mémoire. On se remet le style élégant du concours en tête, ça viendra plus facilement devant la sinistre feuille blanche du samedi matin 8h. Puis réapprenez les exemples que vous avez déjà développé, et particulièrement les exemples qui ont été valorisés par votre prof (avec par exemple un "bien" ou un "argumentation convaincante" voire un "oui"). Vous vous constituez ainsi ce que j'appelle une batterie d'exemples bien maîtrisés à recaser. C'est très pratique. Avouez que ce serait dommage qu'une si belle argumentation ne serve qu'une fois. Donc pour certaines formules qui vous sont venues dans un moment de transe et qui vous paraissent admirablement heureuses, n'hésitez pas à faire du par-coeur, même si, évidemment, chaque exemple nécessite d'être adapté en fonction de l'idée développée et donc du sujet. Je ne cherche pas à vous faire adopter un style de connaissances "plaquées", c'est justement ce qu'il faut éviter. C'est juste que je ne vois pas de raison de ne pas réutiliser et réexploiter ce qui a bien marché. Vous pouvez bien sûr emprunter des copies de khâgneux qui ont plus que vous pour éventuellement leur piquer leurs exemples, leurs idées, mais surtout vous inspirer de leur méthodologie (comment ces demi-dieux amènent et analysent le sujet, ménagent leurs transitions, annoncent les sous-parties, etc).
2) Si vous avez des notes bof (je mets bof pour ne pas vous décourager mais en-dessous de 8, faut pas se voiler la face les gars, c'est mauvais)
Relisez quand même vos copies car figurez-vous qu'il arrive que les profs, quand ils sont déchiffrables, mettent des remarquent intéressantes qui permettent évidemment de progresser. Parfois, ce n'est pas le cas, mais quand c'est le cas, vous pouvez cibler ce qui ne va pas et corriger vos torts au plus vite. Il convient là encore de relire vos copies du début à la fin pour tenir compte des annotations dans la marge, qui sont encore plus utiles que le long pavé du début, souvent trop général. Relire ses copies quand on s'est tapé une catole présente l'avantage non négligeable de pouvoir constater sa marge de progression, ce qui s'avère fort gratifiant et encourageant d'une part, et permet d'évaluer ses progrès d'autre part. Il est pour vous nécessaire de lire des copies de gens qui sont meilleurs que vous pour mieux comprendre ce qui est attendu, les procédés méthodologiques qui paraissent toujours un peu fumeux dans les longues tirades générales des profs, la manière dont il faut argumenter, problématiser et développer. Je vais essayer de consigner un max de bonnes copies sur le bolog pour aider les khâgneux en détresse, mais cela risque de me prendre un peu de temps, alors je vous demande d'être indulgents et patients.
3) Si vous avez des notes de ouf (genre admissibles quoi)
Vous êtes un boss alors pas la peine de relire vos copies. Envoyez-les moi pour que je les publie sur le bolog afin d'aider les pélos dans mon genre qui n'arrivent point à s'illustrer comme vous.
J'ai la malchance d'avoir un copain qui déteste Mac do, Quick, Burger King et KFC. Comment entretenir la malsainité de mon alimentation dans ces conditions ? Ca me semblait dans un premier temps hautement compromis. A un moment, j'ai bien cru que j'allais être obligée de manger équilibré, voire d'ingérer des légumes. Heureusement, j'ai vite compris que Nathan était, comme moi, un adepte invétéré de fromage, de préférence fondu et puant. Ce qui suppose que nous étions destinés à nous nourrir exclusivement de pizzas et de pâtes au Saint-Agur. Jusqu'au jour où nous en avons eu marre (ce jour a quand même mis six mois à arriver). Nous avons donc décidé de fabriquer nous-mêmes nos hamburgers pour que la mal-bouffe ne soit plus l'apanage des fast-food, y'a pas de raison. Je dis bien fabriquer car cette recette relève de l'édification. C'est presque une oeuvre d'art. Et maintenant, nous nous faisons des hamburgers trois fois par semaine, et nous envisageons de contacter M6.
Pour deux hamburgers :
- Deux pains hamburger.
- Deux steaks hachés.
- Du ketchup ou de la sauce burger (ou n'importe quelle sauce du moment qu'elle fait grossir).
- Un oignon.
- Quatre toastinettes (fromage carré d'une intense couleur orange).
- Les crudités de votre choix si vous aimez ça*
Epluchez l'oignon et le couper en petits morceaux. Le faire revenir dans l'huile d'olive. Pendant ce temps, placer une toastinette sur chaque moitié de pain. Faire griller 5 minutes au four. Faire cuire les steaks. Ajouter une lichette de sauce au milieu de chaque toastinette. Déposer les steaks dessus. Répartir les oignons sur les steaks. Refermer les hamburgers.
Variante : à la place des toastinettes, on peut mettre une fine tranche de Fourme d'Ambert ou de fromage de chèvre en buche. Ca déboîte.
* Hormis se donner bonne conscience parce que ça fait chic de se revendiquer une alimentation saine et équilibrée dans une société décadente qui subit l'influence ravageuse d'une américanisation scandaleuse, les crudités présentent un intérêt limité dans un environnement qui se compose de pain, de viande rouge, de fromage et de sauce.
Pourquoi faire des chronologies
La chronologie en histoire, c'est crucial. C'est pourquoi la frise chronologique d'histoire me semble être une invention formidable. Comment ne pas préférer un petit dessin bien construit et bien net à un long cours d'histoire chiant et fastidieux ? Impossible, visuellement, nous intégrons beaucoup mieux les dates et les évènements s'ils sont représentés sur une ligne du temps pour la simple et bonne raison que, en dépit de tout ce qu'a pu dire Bergson (je sais, je suis dans le blasphème), l'histoire se présente avant tout comme une suite d'évènements précis qui sont arrivés à des dates précises et qui s'enchaînent chronologiquement dans une relation plus ou moins causale. Naturellement, je ne voudrais pas insulter les historiens parmi vous, donc cela n'exclut pas les interprétations. L'autre raison, évidemment, c'est que, avant de faire une chronologie d'histoire, vous devez savoir votre cours et la conception même de la chronologie est un exercice de mémoire et de synthèse. Un exercice somme toute assez primaire, mais qui justement, solidifie les bases d'un vrai savoir historique. Seul défaut : le temps de réalisation et d'assimilation. Cela signifie qu'il vaut mieux ne pas commencer ses chronologies la veille du DS d'histoire à neuf heures du soir.
Comment tracer une frise chronologique
Je pense que le mieux est de procéder par chapitre. Si vous procédez par sous-partie (vous pouvez) elles risquent d'être trop nombreuses, donc difficile de s'y retrouver, et peut-être manque de dates donc de matière. Si vous procédez par cours (vous ne pouvez pas) vous devrez attendre que l'année soit finie pour consigner toutes les dates de toute l'année et ça me semble à la fois débile et impossible. Mais je le mets au cas où vous y auriez songé. Une chronologie par chapitre, donc, me semble l'idéal. Mais après avoir relu votre chapitre de vingt-cinq pages et ses cinquantes dates dans le désordre, vous n'êtes pas plus avancé. C'est pourquoi il faut relever chaque date du cours dans un logiciel de traitement de texte pour pouvoir changer l'ordre, en rajouter et en enlever. On commence par virer toutes les dates qui sont hors-programme ou qui ne sont pas importantes. Puis il faut dessiner une frise d'une certaine épaisseur (2-3 cm) et définir une échelle. Du genre un centimètre pour un an, ou alors cinq millimètres pour un jour ou alors deux centimètres pour dix ans. Tout dépend du nombre de dates que vous avez à traiter et de leur étalement, ça dépend des chapitres, et, je vous l'accorde, ça demande réflexion. Puis on trace un trait vertical dans la frise à chaque date. On écrit la date en question au-dessus ou au-dessous (en alternance). Et on écrit l'évènement en question, de la manière la plus concise possible, au-dessous ou au-dessus (en alternance). Ensuite on peut rajouter des petites couleurs, voire des petits dessins si on est maniaque, si on a que ça à foutre, ou si, comme moi, on aime perdre du temps à des conneries. On peut même plastifier la feuille, la mettre sous verre ou l'encadrer.
Comment apprendre une chronologie
On n'a pas passé tout ce temps sur cette petite frise pour la gloire, c'est évident. A un moment ou à un autre, il va bien falloir qu'elle serve à quelque chose. Hormis la fonction décorative, pourquoi ne pas considérer qu'elle pourrait éventuellement aider à une dissertation d'histoire ? (réponse : parce que nous sommes naturellement prédisposés à la flemme). Si vous ne connaissez pas votre cours, la frise ne servira à rien, elle n'est qu'un aide-mémoire. Donc apprenez votre cours d'abord et ensuite, analysez votre frise. L'enchaînement des évènements vous saute aux yeux, tout est plus clair. Vous avez une image mentale exploitable de ce qu'il s'est passé historiquement. Vous êtes un warrior, un winner. Ulm tremble déjà.
La vérité sur les chronologies
La vérité, c'est que faire des chronologies, concrêtement, ça ne sert pas à grand-chose (mais c'est vrai que ça fait joli). Déjà un peu plus que les fiches, mais quand même, l'utilité est discutable. On peut très bien avoir de très bonnes notes sans en faire et on peut très bien se planter en en ayant fait. J'ai même une tendance à me ranger dans la seconde catégorie. Donc si je m'amuse à faire des chronologies d'histoire, soyons clairs. C'est parce que c'est les vacances, ça m'occupe, ça me déculpabilise. J'avais rien à faire et j'avais envie de réviser mes dates. Ca m'a pris comme ça, et je l'avoue, tout mon premier paragraphe, c'est juste du racolage pour que vous ayiez envie de lire mon article.
Vous savez à quel point il est utile de lire des copies (que ce soient les vôtres ou celles de vos khâmarades). J'ouvre une nouvelle catégorie de messages pour vous donner l'incarnation concrête de mes conseils qui jusque là, devaient vous paraître plus que fumeux. Et oui, je ne sers pas qu'à vous dire "faites ce que je dis pas ce que je fais". Avec des exemples de copies admissibles (au-dessus de 14), vous pourrez vous rendre compte du niveau attendu et vous inspirer de copies qui sont indiscutablement bonnes pour orienter vos recherches méthodologiques dans la bonne direction. Le seul problème que je rencontre avec cette nouvelle catégorie réside dans le fait que malheureusement, je ne suis pas admissible dans toutes les matières. Parfois, je n'en suis pas loin, mais bon. Je me sentirais conne de vous présenter une copie à 12, car je pense que vous pouvez en trouver facilement. Je vais donc être obligée soit de progresser de trois points dans toutes les matières (voire beaucoup plus...), soit d'emprunter des copies.
En attendant, je vous donne le contenu de mes rares propres copies jugées admissibles par mon vénérable corps enseignant. Ce qui suit est donc mon dernier commentaire d'anglais, qui d'après mon prof vaut 16. Il est évident que je ne publierai dans cette catégorie que les devoirs d'ordre dissertique (c'est-à-dire toutes les compositions, dissertations, commentaires et pas les versions), car je ne pense pas que ce soit en lisant des versions qu'on progresse en version, contrairement à la dissertation. Je précise que la version me prend 3h, donc je ne fais que deux parties pour le commentaire, sinon je manquerais de temps pour la rédaction, et d'ailleurs, j'ai fini à l'arrache comme en témoigne la ridicule longueur de ma conclusion.
In this excerpt from Midnight's children, Salmon Rushdie relates the birth of two newborn children at the very moment of the independence of India, on August the fifteenth in 1947, one in a rich family, the other in a poor one, and the deliberate exchange of the two by a midwife. The action of delivering a child at midnight on such an important date builds, all along the text, a tension filled with symbolical aspects. This tension relies on two main devices : the binary time of the story and of the characters, and the transmission of a stressful atmosphere. To what extent is the text rhythmed by some kind of prophetic duality which permits to insert fiction into history and even, to melt them ? First, the structure of the text marries the duality from which the characters are trying to free themselves and fulfils the process of tension to symbolize the historical transition. But, secondly, the time of the narration questions the vision of future and highlights the fact that the flow of history is changed by a metareflexive look upon it.
First, the simultaneousness of two times brings a tension. But the confusion of its rhythm is a metaphor of India and its history. That is why the dualist pattern is omnipresent in the text.
What is striking in the text is the fact that two scenes are embedded in the same diegesis. The first one concerns the delivering of the narrator himself and the story of his birth ; the second one is the direct announcement of India's independence by a "wiry man" (l. 16) which ceases the whole text. But both scenes are simultaneous : one is historical, the other fictional. Therefore the story seems all the more real since it is linked with history. In the second paragraph for example, the profusion of time-markers such as "while", "when" and "now" shows that everything is happening at the same time. This is not an alternation between the two events : they are melted and related at the same time. The relation between story and history is maintained by the direct speech which interrupts the diegesis and establishes a correspondance between the independence of India and the birth of the two babies.
Thus, in the mere structure of the text with these two events linked, the reader is made to understand that something special is about to occur to the two babies, since the beginning of the text. The confusion of both events is reinforced by a strong insistance on the noise. The association of various noises brings a cacophony in the atmosphere : "women wail and shriek" (l.7-8), "the monster roars" (l. 16), "more yells, cries, bellows, howls" (l. 19), "the din of independence". All theses different sounds are melted so that the reader may hear them, and enables to see the independence of India as a music. The disharmony we first imagined with cries and bellows is actually a harmony between each element of the atmosphere described, as if there were a variety of sonorities in only one sound : the sound of independence. And what is odd is that independence is associated with sounds. Sound is something globally harmonious but impure, because one sound, such as a note from an acoustic instrument, is made of an infinity of other sounds, maybe disharmonious. That is the reason why we can see in the sounds of the text a metaphor of India, a free country, but still a federal country, never totally unified ; and a metaphor of the outcome of the text : the artificial building of two new families and the association of bloods.
This impurity fulfils the process of tension ans even arouses some suspense because the narrator is constantly inserting some dualism in symbols and in the diegesis. The setting itself reveals this dualism. For the sake of argument, there are two doctors, two wives, two fathers, two babies. There might be a symbolic interpretation of this omnipresent number two : "this is two minutes to twelve" (l. 1). The text begins by a formal binary and ends on a binary which is more subtle : the melting of the indentity of two human beings. This melting of a dualism is a metaphor of the events that are ocurring on a larger scale : "we step out from the old to the new" (l. 23). The movement from oppression to liberty, from silence to expression ans utterance, is obvious. The vision of India might appear quite dualist : it was bad before, it will be good after, even though the melting of contrary nations avoids the Manichean conception of India, nuanced by the agency of language.
But the language questions the vision of history through the eyes of the narrator. The narrator's voice biases the reader's interpretation. The setting and objects are the receptacle of tension because they are the key of events.
The narrative voice gives indications on what happens next : "not knowing..." (l. 28), "even though...." (l. 30), "despite everything" (l. 32). So there's a clear emphasis on a particular fate, as if he were predestined, highlighting the opposition between what is the result of fortune and what resorts to a choice. For instance, at line 51, the mother seems all-mighty with "two lives in her power". This paragraph marks a rupture in the text because she's suddenly alone and silent, and corresponds to the anticlimax, when the crime is finally comitted and when time suspends its flight. This deceleration in the diegesis is made obvious by the introspection of her stream of consciousness which shows through free direct speech. There is an insistance on how calm and lonelyness can change a life, and make someone go from rags to riches. What is strange is that the narrator himself tool the responsability of the crime since he was barely born. He knows his identity is questioned and all the process of filiation is now upset : he becomes a kind of orphan, like a metaphor of decolonised country who have to build their own identity.
The birth of the child is not anly his birth but also India's birth : that is why the prophet's voice intervenes into the diegesis, trhough three ways to relate. First, he uses direct speech to perform the independence of India. The narrator also uses free direct speech : "will she live ? won't she ?" (l. 14), and of course his own voice which announces the future. In the same text, history (past), present and future (by anticipation) are all connected so that the narrator becomes the metaphor of a prophet. The time of telling is more instructing than the time of the diegesis : this is a fictional autobiography. He knows the future at the moment he's telling, and can insert some anticipations inside the past. The text is the receptacle of memory : it is the place of the past but also the place of future. The building of the climax contributes to show he is aware of the future inside the past, by the focus on one very little element : his father's injury, described in a mock-epic style.
There's a great focus on an element of the setting : the chair. One object in the narrative is concentrating the whole arousing of tension : the chair. It is looked for, moved, used, and finally a source of pain., it has a symbolic value, with the noun "the chair" constantly repeated in the text. What is very strange is that there's a kind of emphasis on its fall. There's an acceleration of the fall : "acceleration at thirty-two feet per second" (l. 34) but a deceleration in the text : the event related is quicker than the act to relate itself. It shows how much this simple object changed his life : if the chair hadn't fallen, all the attention wouldn't have been paid only to the father hurt by the chair and Mary Pereira wouldn't have exchanged the babies. The banal object of the daily life becomes the motor of a social ascension. But it is by the very act of narrating his personal story that the narrator drives the fact that all happened because of him. His retrospective look on the past changes the future and somehow perform his own will to be responsible.
To pu it in a nutshell, this text uses language to associate contraries and put together past and future in order to make the reader feel the building of the fiction more realistic, and at the same time, not proportional to the consequences.
Cette année le programme en Cinéma Audiovisuel, c'est le cinéma soviétique des années 20. Je l'avoue sans vergogne, au début, je n'étais pas franchement emballée, et j'envisageais même de passer la philo à l'écrit, c'est dire... Dans mon esprit, cinéma soviétique des années 20 ça sonnait surtout comme cinéma muet et propagandiste donc chiant (oui, je sais, pour une "cinéphile", je tire des conclusions drôlement hâtives). La mort dans l'âme, j'ai attaqué une biographie d'Eisenstein qui n'avait pas l'air trop longue, et en fait, c'était pas chiant du tout, je me suis même prise de passion pour les théories du montage des divers réalisateurs russes, en particulier Koulechov. En effet, dans sa biographie d'Eisenstein, Dominique Fernandez expose toutes les théories du montage russe des années 20, et pas uniquement celle d'Eisenstein, puisque Eisenstein est certes un pionnier, mais surtout un héritier.
« Il comprit que l'essence d'un film ne réside pas dans le contenu des morceaux tournés, mais dans la manière dont ils sont reliés. D'où ce principe : un film doit être construit avec un grand nombre de morceaux brefs. Pour illustrer ce principe, il réalisa un court-métrage représentant une jeune fille assise devant un miroir. On la voyait successivement se maquiller les yeux et les sourcils, se peindre les lèvres, enfiler une chaussure. En réalité cette jeune fille n'existait pas : Koulechov l'avait créée par le montage, en photographiant le dos d'une femme, les yeux et les sourcils d'une seconde femme, les lèvres d'une troisième, les pieds d'une quatrième.»
Et en lisant ce paragraphe sur Koulechov dans cette biographie, j'ai tout de suite trouvé ça génial. Puis le prof en a parlé en cours. Puis nous en avons parlé entre nous. Et nous sommes arrivés à la conclusion que puisque nous sommes six filles en cinéma cette année et que nous avons du matériel à notre disposition, il nous suffisait de le réaliser. Nous avons seulement ajouté l'étape vernis à ongles car il nous semblait que les mains représentaient un symbole crucial de la féminité, et en plus, nous avions besoin de cinq parties du corps sans quoi l'une d'entre nous n'aurait pas participé.
J'ai choisi de vous faire partager les divers sentiments de mes camarades ou ex camarades de khâgne, pour que tout le monde comprenne bien à quel point la prépa, c'est génial. Cette interview porte sur un choix difficile : rester en prépa quand on est très tenté de tout plaquer (pour partir élever des chèvres dans le Larzac ou aller se reposer à la fac) ou arrêter la prépa et en même temps le relatif préjudice moral. Robin, ici présent, accepte de témoigner sur son dilemme épineux mais qui, selon notre envoyée spéciale Khâroline, se révéla très constructif. Abandonner la khâgne ? Ou ne pas abandonner la khâgne ? Merci Robin pour ta présence, ton expérience et ton témoignage. Nos lecteurs aiment les rebels comme toi. Je ne te le cache pas, cette interview est destinée à faire rester les gens en prépa. Ton cas est un exemple. Tu es un héros, un saint, presque un dieu (arrête-moi si j’en fais trop).
1) Bon alors, je commence avec une question basique pour replacer le contexte et mettre ta plume affutée en condition : pour quelle(s) raison(s) as-tu envisagé d’arrêter la prépa ?
Tu sais comme moi que les sirènes de la fac sont aussi innombrables qu'imprévues. La première fois que l'idée m'a traversé l'esprit, c'était vers la fin de l'année hypokhâgnale, quand la perspective d'un hamac et d'un bon cocktail s'est emparée de mon esprit. Alors on tire des plans sur la comète, on projette même des stages, tout ça. Et puis le conseil de classe t'accepte en khâgne, non mais tu le crois ça ? Alors j'y suis allé, pour leur faire plaisir. La deuxième fois c'était en octobre (période de déprime par excellence), où j'ai franchi le pas et carrément pris contact avec l'administration de l'université, qui m'a répondu d'un air compatissant que les contrôles continus ayant sûrement commencé, ce n'était peut-être pas judicieux, du moins pas avant le second semestre. Et c'est à ce moment crucial que j'ai finalement débattu avec moi-même de l'accomplissement absolu de ma prépa. Et comme tu peux le constater aujourd'hui, c'est mon moi suicidaire qui a triomphé !
2) On est très contents pour toi, Robin. Comme je sais à peu près quelle est la raison principale de ton hésitation, je me permets de poser une question qui porte sur la réponse que tu ne m’as pas encore donnée : le latin seul t’a donc empêché d’envisager sereinement ta khâgne ?
Hé bien oui, je l'avoue sans honte, c'est le latin et uniquement le latin qui me fit vaciller en cette année 2011. Cette matière du démon. Après une année de niveau débutant où l'on peut (relativement) paresser, dur est le choc en arrivant dans une classe de confirmés, avec le voc à apprendre, les déclinaisons, les versions à faire et toutes ces conneries de langue morte qui ne sert qu'à lire les inscriptions sur les fontaines publiques ! Parce que dans le contexte, ces versions, elles t'obsèdent, t'y penses tout le week-end, elles sont là dans un coin de ta tête à attendre leur heure, et tu le sais, tu le sais que t'y arriveras pas sans aide ! Et l'orgueil du khâgneux... Sans ça la prépa c'est plutôt cool au final. J'ai donc purement et simplement arrêté de me rendre aux cours, histoire de vivre plus sereinement. Ah oui c'était le bon temps. Trois petits mois ça a duré ! Jusqu'à mes multiples convocations chez le proviseur et ses menaces directes de renvoi à mon égard. Susceptible celui-là.
3) Mais tu as su résister à l’appel racoleur de la fac. Quelles sont les raisons qui t’ont convaincu de rester ? (merci de mentionner en premier lieu les supplications désespérées de tes amies dévouées)
Effectivement, ça m'aurait embêté d'avoir plusieurs suicides sur la conscience, dont un par ingestion de vernis à ongles... Non, plus sérieusement, s'il faut rétablir une vérité, j'ai eu droit à plus de remontrances que de supplications de la part de mes petits camarades. Entre les « Gère mieux ton temps ! », les « Mais regarde, nous on survit sans en foutre une, ça devrait être à ta portée ! » ou encore les « Bon débarras ! », ils m'ont permis de peser le pour et le contre. Bien sûr, il y a aussi la pression familiale qui est toujours plus ou moins présente, même dans mon cas, mes parents considérant comme un miracle de chaque instant mon admission en prépa. On a peur d'être renié, que la grand-mère nous déshérite, que les gens nous jettent des cailloux au repas de Noël, etc. Au final, je me suis aperçu, mais un peu tard, que tout le monde s'en branlait. Et que j'étais mon juge le plus sévère. C'est fou ce qu'on peut être incompris.
4) Pauvre chou. Tu as donc finalement appris à subir les cours de latin, en ayant décidé de ne fournir aucun effort dans cette matière, mais en faisant tout de même acte de présence. Cela t’a-t-il beaucoup nui ? As-tu pu t’en sortir quand même ? T’es-tu fait griller : est-ce difficile de toujours courir le risque de te faire démasquer à force de pomper tes versions ?
Le risque majeur avec la situation délicate dans laquelle je m'étais fourré, c'était de faire de l'hypertension dans le meilleur des cas, de devenir cardiaque dans le pire. Venir en cours avec ma glandouille sur la conscience, c'était pas spécialement agréable. Et puis j'ai progressivement compris que le prof, qui n'étais pas si affreux que ça, aurait la bonté de me laisser en paix sans m'interroger jusqu'à la fin de l'année. Pour les progrès, forcément c'est pas l'idéal, mais j'étais trop heureux de pouvoir finir ma khâgne pour m'en soucier. D'ailleurs les ennuis reprennent à la fac où le niveau est étrangement équivalent à celui de la prépa, mais c'est une autre histoire. Au concours je suis parvenu à décrocher un bien beau 5/20, je peux te dire que je ne suis pas peu fier. Enfin, reste que ma vraie vie commencera quand je serai définitivement débarrassé de cette horrible matière.
5) Regrettes-tu d’être resté ? A quoi t’as servi cette deuxième année en comparaison d’une année de fac ? Qu’en tires-tu ? Considères-tu cette année de khâgne comme une année de perdue ?
Mais voyons, une année de khâgne n'est jamais une année de perdue ! Même si à l'époque je pleurais sur mon sort chaque jour que Bob Dylan faisait, c'est toujours la même chose, il n'y a qu'une fois les dernières semaines passées que tu te rends compte à quel point tu te sens heureux d'être passé par là. Cette foutue prépa est pas loin de me manquer ! Loin de moi l'idée de diminuer le mérite de la fac (bien que l'envie soit forte), mais elle ne peut absolument pas rivaliser avec une khâgne. Je ne peux pas encore affirmer que mes résultats seront sensiblement différents de ceux de mes nouveaux facamarades, mais la khâgne m'aura au moins apporté une habitude et un rythme de travail. Alors que j'étais sûrement le plus feignant d'entre vous, depuis la rentrée je passe presque plus de temps à la BU qu'en cours. Et il y a l'esprit de découverte, l'enthousiasme culturel, la curiosité toujours inassouvie qui laissent beaucoup de mes nouveaux amis dans l'incompréhension, héhé.
6) Parle-nous un peu de ta nouvelle situation. Hormis le nouvel emploi du temps, quels sont les avantages d’être à la fac ?
Comme je l'ai mentionné, l'emploi du temps de la fac est beaucoup plus libre. Dans une grande majorité des cas, je m'ennuie comme pas permis pendant les cours, et du coup la plus grosse partie du travail, c'est à l'extérieur qu'elle se fait. D'autant plus que certains profs ne sont pas avares en commentaires et autres dissertations à faire chez soi. Le défi, c'est donc d'utiliser correctement son temps libre. Déjà, je prends le temps de respirer, de prendre l'air, de sortir en semaine, ce dont j'avais quelque peu perdu l'habitude ! Mais surtout, surtout, je peux me consacrer à mon épanouissement culturel. L'an dernier, je lisais une ou deux nouvelles par-ci par-là (merci les Folio 2 euros). Mais depuis juillet, je me suis enfilé la moitié de La Recherche du temps perdu, et je me réconcilie enfin avec la poésie (il était temps). Après celles de Rimbaud et Saint-John Perse, c'est La Pléiade de Baudelaire que je m'apprête à dévorer. Pretty cool eh ?
7) Quel(s) aspect(s) de la prépa te manque(nt) le plus ?
En premier, les profs, sans hésitation. Quand je pense que quelques élèves se plaignaient de certains d'entre eux, purée mais venez jeter un coup d’œil dans nos gris pâturages pendant une petite semaine, je peux vous garantir que vous repartirez en courant. En prépa tous sont passionnés par leur métier, et arrivent bien souvent à nous convertir sans grand effort. Ils rayonnent de connaissance, tu bois leurs paroles. Ici, pff, même pas envie d'en parler je crois. Évidemment il y a des exceptions, mais pas mal me donnent plus envie de rire qu'autre chose. Ou de pleurer, c'est au choix. Je regrette aussi cette khâmaraderie qui nous poussait malgré tout à nous serrer les coudes, vu qu'on était plus ou moins concentré sur ça. Pas le choix, avec une telle quantité de travail. En fac, les cours ne sont pas ce qu'on pourrait appeler une priorité, et la seule activité intensive en groupe c'est de photocopier ceux qu'on a séché.
8) Quelle était ta stratégie de survie en prépa ? Tu ne t’es jamais vraiment mis la pression, ce qui ne t’empêchait pas d’avoir d’assez bons résultats. On peut donc être un parfait imposteur en khâgne ? Comment ne pas se faire repérer ?
Ah, la satisfaction de n'en foutre pas une et d'avoir de temps en temps une note supérieure à celle d'une grosse tête.. Encore un truc qui me manque tiens ! Tu sais je ne pense pas que ma « stratégie de survie » ait été meilleure qu'une autre, chacun la sienne. A part pour le latin c'est vrai que je me suis jamais vraiment mis la pression, mais certains ont besoin de ça pour tenir le coup. Un parfait imposteur, je ne te permets pas, non mais oh. Disons plutôt que je ne bossais pas outre-mesure. J'avais beaucoup de films à regarder comprends-tu. Mais j'imagine que si j'ai été pris en deuxième année c'est que ce que je faisais était suffisant. Il faut bien faire la distinction entre ceux qui sont là pour le concours, et ceux qui sont venus pour tester leurs capacités (je te laisse deviner auxquels je me rattache). C'est bien normal que les premiers se donnent à fond, mais je ne crois pas que les deuxièmes aient réellement besoin de se tuer à la tâche pour survivre.
9) Vois-tu ce renoncement à la facilité (partir à la fac en cours d'année) comme une victoire ou au contraire, comme un échec, presque un geste de lâcheté ? Comment envisages-tu l’avenir : penses-tu qu’être resté ait beaucoup changé la donne ? Que penses-tu du « prestige » de la prépa inscrit sur le CV ?
Bah tout dépend. A la fin de l'hypokhâgne, c'était par cas de conscience, comme il n'y avait pas de liste d'attente je me sentais pas de partir alors qu'on me proposait une place au niveau supérieur, au détriment de tous les refoulés. En octobre ce fut clairement un échec, vu que j'étais plutôt motivé pour partir. Mais pour le début du second semestre, j'ai de moi-même choisi de rester. Ça aurait été trop bête de partir à ce moment-là, que représentent quelques petits mois de boucherie en plus ? Le rayonnement de ce cursus sur le CV, je ne pense pas qu'il soit véritablement décisif, même si à la base c'est un peu ça que je recherchais. Ça aide, mais ce n'est pas ça qui me fera réussir un concours ou un entretien. Cela dit, sortir de khâgne c'est un accomplissement personnel ! Si t'as survécu à ça, tu peux légitimement envisager de survivre sans trop de problèmes au reste de tes études, quelles qu'elles soient. Et au reste de ton existence, plus globalement.
10) Quels conseils avisés donnerais-tu à un khâgneux tenté d’aller à la fac ?
Je tiens à signaler qu'avant de modifier cette question en vue de la publier, Caroline y avait employé l'expression « peigner la girafe en fac », qui, je pense, mérite d'être reproduite ici pour la postérité. Or donc, comment résister à cette fameuse girafe, qui sait souvent se montrer persuasive ? J'ai envie de vous demander : avez-vous vraiment envie de perdre une bonne excuse de venir visiter ce magnifique blog à fréquence soutenue ? Ça m'étonnerait fort.
Le froid est arrivé, certes, mais les vacances aussi, donc ça compense avantageusement à mon sens. Cependant, vous êtes en khâgne, et vous sentez très bien que malgré le relâchement très net de pression qui vous libére provisoirement de vos lourdes chaînes, ces deux semaines ne vont pas être quinze jours de tournage de pouces. D'ailleurs vous commencez déjà à culpabiliser, parce que vous êtes encore en train de traîner sur Internet, alors que vous vous étiez juré il y a deux semaines de vous constituer un programme de travail et de révisions intenses pour les vacances afin de rattraper tout votre retard et même, ô chimère suprême, de prendre de l'avance. Vous y aviez même cru, avouez. Que vous êtes naïf...
J'ai mis les lunettes pour faire genre je travaille.
Je ne peux hélas pas vous apprendre à respecter votre programme de travail de quinze heures par jour si vous n'êtes pas capables de vous y coller et c'est normal car vous n'êtes pas Chuck Norris, et vous avez été trop ambitieux, très cher. De toutes manières, un programme de révisions, globalement, ça ne sert à rien. Il ne sera jamais respecté et vous avez passé plus de temps à l'élaborer qu'à travailler véritablement. La vraie solution, c'est d'ouvrir son agenda pour savoir ce qu'il y a à faire, et D'Y ALLER, bon sang ! A un moment, faut s'y jeter ! Pas chercher à tous prix à gagner du temps en se disant "tiens et si j'allais glander juste une minute sur Facebook ? [ça n'a aucun rapport mais si vous pouviez liker ma page au passage je vous en serais éternellement reconnaissante] oh, rien qu'une minute, ça ne sera pas long et après, promis-juré, je travaille. A partir de dix notifications, je commence à travailler, je m'en fais la promesse solennelle" ou alors en se disant "je vais recopier tous mes cours à l'ordi, comme ça, ça sera mieux présenté et je pourrai mieux apprendre. Oh tiens, et si je faisais des fiches aussi ? Ca sera beaucoup plus pratique ! Bon je fais ça, et quand j'ai fini, dans douze ans, je commence à bosser."
En revanche, je peux vous dire en gros les techniques qui fonctionnent pour ne pas passer vos vacances à contribuer au développement inéluctable de votre scoliose, et cependant réussir à faire votre job et rattraper votre retard. Admettons que nous nous accordions un weekend de pure détente. Et ensuite on s'y colle, mais VRAIMENT. Attention, on ne s'en débarrasse pas. On le fait. Et après on a le sentiment riche et merveilleux d'une plénitude et d'une perfection infinies et infiniment gratifiant qui nous laisse béat pendant deux à quatre jours hors khâgne.
1) La première chose consiste à faire une liste (et pas un programme) avec : en rouge, ce que vous avez à rendre et en bleu : le travail cursif personnel. Ca prend dix minutes, pas de panique donc. C'est important car inconsciemment, vous allez assimiler l'idée qu'en fait, ce que vous avez à faire se présente sous la forme d'une série.
2) Deuxième étape : parmi tous les trucs en rouge, on commence par le plus rapide, donc les versions et les thèmes (lettres classiques ou langues vivantes). Le mieux serait de toutes les faire dans la même journée. Une version, ok c'est difficile, mais quand même, quand on s'y met vraiment, c'est plié en deux ou trois heures. Admettons que vous en ayez deux (c'est mon cas) : une en latin et une en anglais, on en fait une le matin et une l'après-midi et en une journée on a déjà rayé deux trucs dans la liste. Nan mais c'est pas cooly, ça ?
3) Troisième étape, plus chiante mais inévitable : les profs auront sans nul doute compte tenu de leur esprit intrinsèquement sadique profité des vacances pour vous donner des dissertations et des commentaires en partant du principe que, puisque vous êtes en vacances, vous n'avez que ça à foutre. Mais n'attendez pas pour les faire. Attaquez le lendemain des versions. Si vous avez une dissertation et un commentaire (c'est mon cas), faites-en un par jour et commencez par le plus court. Evidemment, cela peut déborder sur plus d'un jour. Par exemple, je sens que ma dissertation de cinéma va nécessiter plus d'un jour de recherche et de visionnage de films, ça me fera donc un jour de recherches ET un jour de rédaction.
4) Nous en sommes donc à quatre jours de vacances bousillés. Quatrième étape : attaquer le travail écrit en bleu sur votre liste. Il s'agit généralement d'apprendre ses cours. Enfin, plus qu'un apprentissage, disons une relecture attentive. Je vous conseille, comme d'habitude, de prendre un jour par matière pour éviter l'overdose. Premier jour : relecture de vos cours d'histoire, méthodiquement, par chapitre, en relisant aussi vos chronologies. Deuxième jour : relecture de vos cours de philo. Troisième jour : relecture de vos résumés d'oeuvres en littérature, car il est toujours bon de se les remettre en tête. D'ailleurs, vous pouvez profiter des vacances pour relire des extraits d'oeuvre, comme certains poèmes de Lamartine, ou même l'oeuvre entière si elle est courte, comme Dom Juan. Et après, vous procédez de la même manière (une matière par jour) pour tous les trucs à apprendre : vocabulaire de latin, croquis de géo, commentaires d'oeuvres philosophiques, etc.
5) Vous pouvez aussi consacrer l'ensemble de vos vacances à la lecture d'une ou deux oeuvres hors programme. Plus de deux me semble trop ambitieux, mais après, évidemment, cela dépend de la nature et de la taille du bouquin. L'idéal, c'est de profiter des vacances pour lire un bouquin de philo et un bouquin de littérature, les deux naturellement proches du programme. Par exemple, la première semaine, je vais lire Les Fondements de la métaphysique des moeurs, de Kant et Allah n'est pas obligé de Kourouma la deuxième. On en lit un peu tous les jours et c'est nickel. Bon évidemment, je dis ça, mais là je suis plongée dans L'homme qui rétrécit de Matheson et qui n'a absolument aucun rapport avec le programme... Faites ce que je dis pas ce que je fais les gars. C'est les vacances, zut à la fin.
Je me bornerai dans ce billet à développer uniquement l'article Introduction à la métaphysique de La pensée et le mouvant de Bergson, puisque c'est dans celui-là qu'il détermine clairement sa vision et sa définition de la métaphysique, tout en retraçant l'ensemble de la pensée bergsonienne (pour ceux qui ne le connaissent pas, sachez que Bergson se répète BEAUCOUP). L'introduction à la métaphysique est un texte court (47 pages que j'ai lues en une heure et quart) et que je trouve assez facile à comprendre pour avoir déjà étudié cet auteur (l'Essai sur les données immédiates de la conscience était au programme l'année dernière et il en résume la teneur, ainsi que l'ensemble du système de ses idées, dans l'introduction à la métaphysique, et c'est aussi pour cela que je trouve ce texte intéressant et rentable).
Tout d'abord, ce qu'il faut savoir sur ce texte, c'est que la particularité de Bergson concernant la métaphysique est L'INVERSION de ce que nous pensons habituellement. Prenez le contraire de ce que vous avez l'habitude de penser, et vous avez la philosophie de Bergson (évidemment, j'exagère, inversion n'égale pas contraire). Et il faut quand même fournir un petit effort intellectuel, ce n'est pas toujours super évident à saisir. C'est donc de la manière suivante dont il faut procéder pour bien comprendre en quoi consiste la pensée bergsonienne et la révolution qu'elle constitue : description de ce que nous pensons communément (à tort, mais légitimement puisque cela nous facilite la vie) puis description de la pensée de Bergson qui prend généralement le contrepied de la pensée commune puis citations de passages qui illustrent les idées, puisque Bergson n'est pas avare d'images et de métaphores.
Vous pouvez admirer au passage ma manucure spéciale Halloween.
Connaissance absolue et connaissance relative
- Il existe deux formes de connaissance : la connaissance relative et la connaissance absolue.
- La connaissance relative tourne autour des choses, elle dépend d'un point de vue et s'appuie sur des symboles.
- La connaissance absolue rentre dans la chose, elle ne prend aucun point de vue et ne dépend d'aucun symbole.
- Bergson donne l'exemple du personnage de roman : "Soit un personnage de roman dont on me raconte les aventures. Le romancier pourra multiplier les traits de caractère, faire parler et agir son héros autant qu'il lui plaira : tout cela ne vaudra pas le sentiment simple et indivisible que j'éprouverais si je coïncidais un instant avec le personnage lui-même." Seule la coïncidence-même avec la personne donne l'absolu.
- L'absolu est donné dans l'intuition, alors que le relatif se donne toujours dans l'analyse.
- Analyse = opération qui ramène l'objet à des éléments déjà connus (communs à cet objet et à d'autres). Tout analyse consiste à exprimer une chose en fonction de ce qui n'est pas elle. Toute analyse est une traduction, un développement de symboles en multipliant les points de vue pour compléter la représentation toujours incomplète, parfaire la traduction toujours imparfaite. Exemple : la science positive a recours à l'analyse.
- Intuition = sympathie par laquelle on se transpose à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et par conséquent d'inexprimable. Exemple : la métaphysique est la science qui prétend se passer de symboles.
La connaissance de soi-même
- Il n'existe qu'une réalité que nous pouvons saisir absolument, par intuition : notre propre personne dans son écoulement à travers le temps = notre moi qui dure = la durée pure.
- La durée est une succession d'états dont chacun annonce ce qui suit et contient ce qui précède. Aucun ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent les uns dans les autres. On ne peut percevoir la multiplicité de ces états qu'après-coup, puisque sur le moment, on ne peut que les vivre.
- La mémoire est ce qui permet l'unicité sans cesse renouvelée de la durée : il n'y a pas deux moments identiques chez le même être conscient. En effet, chaque moment contient toujours, en sus du précédent, le souvenir que celui-ci a laissé. Une conscience qui aurait deux moment identiques serait une conscience sans mémoire.
- "C'est, si l'on veut, le déroulement d'un rouleau, car il n'y a pas d'être vivant qui ne se sente arriver peu à peu au bout de son rôle, et vivre consiste à vieillir. Mais c'est tout aussi bien un enroulement continuel, comme celui d'un fil sur une pelote, car notre passé nous suit, il se grossit sans cesse du présent qu'il ramasse sur sa route, et conscience signifie mémoire."
Les erreurs méthodologiques de la connaissance de soi.
- La vie intérieure (la durée) ne peut pas se représenter par des concepts, ni par des images.
- L'image a l'avantage de nous maintenir dans le concret. L'image ne peut pas remplacer l'intuition de la durée. En revanche, elle peut diriger la conscience sur le point précis où il y a une certaine intuition à saisir (la conscience doit ensuite faire elle-même l'effort d'arriver à l'intuition).
- Les concepts se réduisent à des symboles qui se substituent à l'objet qu'ils symbolisent. Ils représentent un réel danger car ils donnent l'illusion de reconstituer intellectuellement, par la juxtaposition de concepts, un équivalent de la durée. Mais cette recomposition est artificielle et ne peut servir l'investigation métaphysique de la durée.
- Critique de la psychologie qui procède par analyse, comme toutes les autres sciences, en séparant les différents états psychiques d'une personne et ainsi en négligeant la coloration spéciale de la personne qui ne saurait s'exprimer en termes connus et communs. Les états de conscience ne sont que des abstractions arbitraires.
- La recomposition d'une durée par l'analyse (concepts et images) se caractérise par le paradoxe suivant : on peut extraire d'une intériorité particulière une infinités d'états différents (parties composantes), mais ces états sont tellement génériques qu'on ne peut pas reconstituer l'intériorité particulière dont on les a extraits à partir de ces états uniquement. De l'intuition on peut passer à l'analyse, mais pas de l'analyse à l'intuition.
- Petite image de Bergson qui permet de bien comprendre : "un artiste, de passage à Paris, prendrait par exemple le croquis d'une tour de Notre-Dame. La tour est inséparablement liée à l'édifice, qui est non moins inséparablement lié au sol, à l'entourage, à Paris tout entier, etc. Il faut commencer par la détacher : on ne notera de l'ensemble qu'un certain aspect, qui est cette tour de Notre-Dame. Maintenant, la tour est constituée par des pierres dont le groupement particulier est ce qui lui donne sa forme. Mais le dessinateur ne s'intéresse pas aux pierres, il ne note que la silhouette de la tour. Il substitue donc à l'organisation réelle et intérieure de la chose une reconstitution extérieure et schématique. De sorte que son dessin répond, en somme, à un certain point de vue sur l'objet et au choix d'un certain mode de représentation. Or il en est tout à fait de même pour l'opération par laquelle le psychologue extrait un état psychologique de l'ensemble de la personne. Cet état psychologique isolé n'est guère qu'un croquis, un commencement de recomposition artificielle. Ce n'est pas une partie, mais un élément. Il n'a pas été obtenu par fragmentation, mais par analyse. Maintenant, au bas de tous les croquis pris à Paris, l'étranger inscrira sans doute "Paris" en guise de mémento. Et comme il a réellement vu Paris, il saura, en redescendant de l'intuition originelle du tout, y situer ses croquis et les situer ainsi les uns aux autres. Mais il n'y a aucun moyen d'éxécuter l'opération inverse ; il est impossible, même avec une infinité de croquis aussi exacts qu'on voudra, même avec le mot "Paris" qui indique qu'il faut les relier ensemble, de remonter à une intuition qu'on n'a pas eue, et de se donner l'impression de Paris si on n'a pas vu Paris."
- L'empirisme et le rationnalisme reposent sur le préjugé qui consiste à se dire qu'on conçoit la conscience avant d'en faire l'expérience : on a donc des connaissances a priori qui ne sont pas fondées sur les principes de l'action. La vraie métaphysique bergsonienne source de vérité, c'est celle d'un empirisme sans préjugés.
La connaissance de la durée : la métaphysique
- Ordinairement, nous avons donc tendance à penser le monde qui nous entoure à partir de concepts (abstractions arbitraires juxtaposées). Or pour Bergson, il faut procéder à un renversement du travail habituel de l'intelligence : il faut aller des choses aux concepts et non pas des concepts aux choses. Le concept altère la chose. Il l'appauvrit.
- Pour Bergson, philosopher signifie se placer dans l'objet-même par un effort d'intuition pour en éprouver la durée pure.
- L'état psychologique pris en lui-même est un perpétuel devenir. L'intuition se place toujours dans la mobilité, dans la durée. On connait le réel, le vécu, le concret à ce qu'il est la variabilité-même. Qu'est-ce que le mouvement ?
- "Je puis, tout le long de ce mouvement, me représenter des arrêts possibles : les points par lesquels le mobile passe. Mais avec ces différentes positions, fussent-elles en nombre infini, je ne ferai pas du mouvement. Elles ne sont pas des parties du mouvement. Elles sont autant de vues prises sur lui. Jamais le mobile n'est réellement en aucun des points : tout au plus peut-on dire qu'il y passe. Mais le passage, qui est un mouvement, n'a rien de commun avec l'immobilité, qui est un arrêt. Un mouvement ne saurait se poser sur une immobilité car il coïnciderait avec elle, ce qui serait contradictoire. Les points ne sont pas dans le mouvement comme des parties, ni même sous le mouvement comme des lieux du mobile. Ils sont simplement projetés par nous au-dessous du mouvement, comme autant de lieux ou serait, s'il s'arrêtait, un mobile qui, par hypothèse, ne s'arrête pas. Ce ne sont donc pas, à proprement parler, des positions, mais des suppositions, des vues, ou des points de vue de l'esprit."
- "On prétend aller de l'espace au mouvement, de la trajectoire au trajet, des positions immobiles à la mobilité, et passer de l'un à l'autre par voie de composition. mais c'est le mouvement qui est antérieur à l'immobilité."
Les principes de la métaphysique
La dernière partie de l'introduction à la métaphysique résume les neuf propositions fondamentales sur lesquelles repose la métaphysique selon Bergson. Il ne s'agit pas de postulats mais de propositions démontrées ou démontrables.
1) Il y a une réalité extérieure et pourtant donnée immédiatement donné à notre esprit.
2) Cette réalité est mobilité. Il n'existe pas de choses faites, mais seulement des choses qui se font, pas d'états qui se maintiennent mais seulement des états qui changent.
3) Notre esprit cherche des points d'appui solides : il se représente des états et des choses fixes. Il transpose dessus des sensations et des idées. Ainsi il substitue au continu le discontinu, à la mobilité la stabilité, au changement la fixité. Cette substitution est nécessaire au langage, au sens commun et à la vie pratique.
4) Nous appliquons à la connaissance désintéressée du réel (but de la philosophie) les procédés dont nous nous servons couramment dans la vie pratique. Cela explique que la métaphysique tombe dans des contradictions et soulève des antinomies. On comprend que des concepts fixes puissent être extraits par notre pensée de la réalité mobile ; mais il n'y a aucun moyen de reconstituer, avec la fixité des concepts, la mobilité du réel.
5) Mais cette erreur est originelle : pour les dogmatiques toute connaissance doit nécessairement partir de concepts aux contours arrêtés pour étreindre avec eux la réalité qui s'écoule.
6) Pour Bergson, par un effort intellectuel, il est possible de s'extraire de ce schéma pour effectuer la marche inverse. Notre esprit peut s'installer dans la réalité mobile et la saisir intuitivement. Philosopher consiste à invertir la direction habituelle du travail de la pensée.
7) Cette inversion a bien été pratiquée en science et en métaphysique et nous lui devons les plus grandes découvertes, mais elle n'a jamais été effectuée de manière méthodique. Cette inversion est la plus puissante méthode d'investigation dont l'esprit humain dispose.
8) L'intuition, une fois prise, doit trouver un mode d'expression et d'application conforme aux habitudes de notre pensée : qui fournisse des concepts bien arrêtés. C'est à cause de cela que nous prenons le système logique de la science pour la science même en oubliant l'intuition métaphysique d'où les idées ont pu sortir. Dans l'idéal bergsionien, la science et la métaphysique se rejoignent dans l'intuition.
9) Récapitulatif historique de l'évolution du statut de la métaphysique.