PIERRE D’ANGLE, TABLEAUTINS
I
Le tombeau blanc veille
vaisseau léger vissé au-dessus de la vague
sel et vent
des rochers livrés à la morsure vive
de l'hiver
l'ancêtre embaumée
couchée dessous la dalle
s'est réveillée hurlante de sa mort
les vivants soupçonneux l'ayant
laissée à son dé―lire
d'emmurée vive
bouche noire emplie
de vide
face tournée vers
yeux grand ouverts
sur l'intranquillité
dormante
II
au matin le cadavre
ébloui de tant de lumière
avait chu dans le ruisseau
caniveau gargouillant
des mauvais rêves de la nuit
le caveau éventré
avait laissé s'enfuir
son mort
III
depuis quelque temps
le poupon imberbe
gît dans le fourrage
des fossés
sa tête celluloïd tète la terre
fouille groin immobile foui à même
l'herbe froide du talus
plus tard aux environs de mars
déjanté en tempêtes
le poupon genoux crevés par
la pointe des silex
étire ses membres
dans la feuillée d'un chêne
nudité de plastique
crucifiée
au maquis
IV
crottes d'ours et celles
des chamelles
gercées de millefeuilles
herbes du désert et sables
sa collection d'amulettes
agglomérés de traces
passage pêle-mêle
du temps et de l'espace
s'amenuise ici
dans la coupelle bleue
en verre de Venise
V
elle dit je cherche je ramasse je hisse
sur le dos des chameaux porte-faix
les tibias péronés épaules et mâchoires
des chacals des oryx des fennecs des gerbilles
des damans des rochers ― procavia capensis ―
dévorés par les sables
carcasses des charognes
affûtés de soleil
trophées de lynx
qui gonflent ses récits
et son sac de voyage
VI
Pierre d'angle
la mort à l'œuvre sur les visages
ange du désir immolé dans les chiures d'étable
une figure longue de 22 long rifle
résignée à la grimace absolue
tristesse du monde
pressé d'en finir et de filer à l'anglaise
il piaffe de les entendre chanter glapir gloser
dans leur psytacisme de base
moue désabusée
de diable perçant sous la chasuble
aubaine blanche sans lendemain.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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