Ils sont arrivés, nombreux, avec leurs chevaux et tout leur équipage.
Ils sont arrivés et se sont installés.
Combien étaient–ils ? On ne sait pas trop. Certains parlent de vingt mille hommes. Vingt mille hommes, c’est énorme !
En tout cas ils étaient là, avec leurs destriers, leurs amures et leurs machines de guerre. Ils étaient là, campant sur les rives de l’Orb. Il y avait des nobles, des chevaliers, mais surtout beaucoup de brigands, tous appâtés à l’idée de s’emparer des belles terres du Sud. Il y avait des prêtres, aussi, venus répandre la Bonne Nouvelle
Ils étaient là, campant devant Béziers et observant.
Puis ils ont exigé qu’on leur livrât les infidèles les plus notoires.
De Béziers, du haut des remparts, on a répondu qu’ il n’y avait ici que de vrais chrétiens et qu’il était vain de savoir si, parmi ceux-ci, il y en avait de bons et de moins bons. On ajouta que tous suivaient l’enseignement du Christ et surtout que tous étaient de Béziers. Jamais un Biterrois n’allait en livrer un autre.
Alors, Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, qui commandait la croisade comme légat du pape, donna l’ordre aux soldats de rentrer dans la ville. Ce qu’ils firent aussitôt, pillant, tuant, violant, brûlant, saccageant tout. On dit que toute la population fut massacrée. Toute la population, c’est terrible !
On dit aussi que les soldats, un peu embarrassés quand même avant de se ruer sur la ville, avaient demandé à l’abbé comment ils allaient reconnaître les catholiques des hérétiques. Et Amaury aurait répondu « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » (1) On ne sait pas si la phrase est authentique ou si elle a été inventée. Cela n’a d’ailleurs aucune importance. Ce qui est sûr, c’est que ce fut un massacre épouvantable qui se perpétra ce jour-là.
On était le 22 juillet 1209.
La croisade contre l’hérésie cathare venait de commencer.
(1) Le texte de Césaire d'Heisterbach dit « Cædite eos. Novit enim Dominus qui sunt eius. »