Les panisques sont des enfants, mais aussi les compagnons de Pan, grand maître du désir sexuel. Chacun, selon sa tournure d’esprit, pourra donc les tirer plutôt vers le registre de l’innocence rieuse, ou vers celui de l’enfance vicieuse.
Commençons par une interprétation bien pensante.
Jeux de gamins
Le panisque au casque
Il illustre l’adage bien connu : l‘Amour est aveugle.
Le panisque à la lance
Incapable de soutenir la lance, il souligne le côté présomptueux de l’amoureux, toujours prêt à soulever des montagnes.
Le panisque à la conque
Cornant dans l’oreille du dieu endormi, il illustre le caractère tonitruant, impérieux, impatient de la passion : l’Amour n’attend pas.
Le panisque à l’armure
Il voulait se servir de l’armure comme tunnel mais, n’ayant pas le sens de la mesure, il reste bloqué à l’intérieur : inconséquence de l’Amour.
Prises dans un sens bienveillant, les facéties des panisques peuvent passer comme une charge ironique contre l’Amour, en quatre adjectifs :
aveugle, présomptueux, impatient, inconséquent.
Jeux de lapins
Il se peut que les enfants-Pan aient été recrutés au service du thème de la puérilité de l’Amour. Mais peut-être sont-ils également porteurs d’une nuance plus précise, en relation avec le sujet du tableau : l’éclipse de Mars. Car l’idée d’enfance est indissociable de l’idée d’impuissance.
Le panisque au casque
Le casque trop lourd enserrant la tête fournit la métaphore assez précise d’un sommeil de plomb.
Le panisque à la lance
L’incapacité de soulever la lance renvoie directement à la panne virile.
Le panisque à la conque
Il s’époumone sans résultat, impuissant à « regonfler » Mars.
Le panisque à l’armure
Trop petit pour remplir le volume de la cuirasse, il pourrait faire allusion à l’état miniature qui est actuellement celui du Dieu de la Guerre.
En dessous d’un discours général sur la puérilité de l’Amour, les panisques pourraient bien être les interprètes d’une attaque ad hominem, les récriminations de Vénus envers Mars : ainsi, celui-ci serait
aveugle à ses charmes, impuissant à relever la lance, dégonflé, et ratatiné.
Jeux de vilains
Si les mains des grandes personnes se permettent des gestes équivoques, que dire des huit petites mains qui palpent impunément des métaphores sexuelles : la lance, la conque, l’épée, le fruit vert ?
Pour cette interprétation mal pensante, nous parcourrons cette fois le tableau en sens inverse, de droite à gauche.
Le panisque à l’armure
La main droite sur la poignée de l’épée, la gauche sur le fruit, il tire la langue et roule des yeux, grimace exagérée pour une simple gourmandise. En mettant en relation la lame et le fruit, un pôle mâle et un pôle femelle, ses mains créent une sorte de court-circuit érotique, d’étincelle sexuelle.
Son geste pourrait donc faire allusion au premier stade du réveil du désir : celui des caresses manuelles.
Le panisque à la conque
Il pourrait suggérer le stade buccal des préliminaires.
Le panisque à la lance
Maintenant, c’est de guidage manuel qu’il s’agit.
Le panisque au casque
La tête fourrée dans un casque au profil évocateur, et embroché jusqu’à la garde par la lance, le dernier panisque porte doublement, en fin de série, l’emblème de la pénétration.
Lue à l’endroit, la séquence des panisques nous fournit quatre épithètes convenues sur la puérilité de l’amour, à l’usage du spectateur sentimental ; ou quatre récriminations féminines concernant le repos du guerrier.
Lue à l’envers, elle prend un sens plus précis, pour l’instruction des jeunes mariées :
attouchements, caresse buccale, manustupration, pénétration.
Si les quatre petits panisques matérialisent les intentions de Vénus, alors la rêverie de la Déesse de l’Amour se révèle dangereusement technicienne.