Et si la fin du monde ne venait pas d’une menace extérieure (aliens, astéroïde, ère glacière), mais bien de nous-mêmes ? Que se passerait-il si l’espèce humaine perdait, lentement, inéluctablement, chacun de ses cinq sens ? De cette jouissive idée de base, David MacKenzie (My name is Hallam Foe) offre un joyau de poésie désespérée, œuvre-écho au Blindness de Meirelles et au Children of men de Cuaron qui alterne douceur (quelle bonne idée que de suivre un nouveau couple d’amoureux au cœur de la confusion !) et violence. Comment signifier la perte du goût ? La surdité ? La cécité ? MacKenzie déploie tout simplement mille idées par séquence. Via une atmosphère hypnotisante, et faisant de Glasgow le terrain crépusculaire de l’horreur, Perfect sense allie inventivité et sensibilité, singularité et cruauté.
Le cinéaste- à travers ses deux personnages principaux (Ewan McGregor restaurateur et Eva Green épidémiologiste) opte pour une apocalypse intimiste, refusant le spectaculaire, usant du réalisme comme un ressort dramatique redoutablement efficace. Son cauchemar éveillé, se révèle soudainement ode à la vie ; la perte progressive des sens se mue en (r)éveil. Le plus incroyable c’est qu’il réussit sur tous les tableaux en insufflant justesse et crédibilité à ses deux intrigues qui s’étreignent : le début d’un amour, la fin d’un monde. Et, avec son utilisation habile d’une bande son mélancolique, son ambiance froide et sa voix-off qui rythme, de son infinie tristesse, la lente déliquescence du charnel, Perfect sense a des allures d’uppercut, enveloppé de coton.