La Ligne de Sang - DOA

Par Woland

Extraits

Eh ! bien, voici l'un des livres les plus brillamment menés - et l'un des plus frustrants que j'aie jamais lus. Peut-être même LE plus frustrant !

L'intrigue se situe à Lyon, ville autour de laquelle a toujours flotté un certain parfum au mieux d'ésotérisme, au pire de magie noire. Elle prend ses racines dans un accident de la route, l'un de ces accidents dont la stupidité prodigieuse enclenche toujours une série d'évènements dont les protagonistes - les méchants comme les bons - se seraient tous bien passés. Ici, la conductrice de l'automobile s'en tire - c'est très bien parce que, de toutes façons, elle n'était pas dans son tort. Le motard, lui, un certain Paul Grieux, quarante-deux ans, est gravement amoché : traumatisme crânien prononcé et coma sévère. Il est immédiatement transporté à l'hôpital adéquat tandis que l'officier de police Priscille Mer, épaulée par son collègue Marc Launay qui passait par là tout à fait par hasard, entreprend les recherches habituelles.

A partir de là, DOA développe une véritable petite merveille - et je pèse mes mots - d'intrigue qui combine avec une habileté diabolique le policier et le fantastique. Il n'est évidemment pas le premier à avoir tenté l'essai mais là où il réussit un authentique tour de force, c'est non seulement en installant une ambiance atrocement glauque, inquiétante, pour ne pas dire carrément effrayante, dans un quotidien absolument routinier mais aussi - mais surtout - en maintenant le suspense jusqu'à la dernière page de son livre - qui en comporte pourtant six-cent-quarante.

C'est bien simple : d'un bout à l'autre, je n'ai pas pu décrocher. Quand on sait le scepticisme avec lequel j'accueille les romans fantastiques contemporains, et particulièrement les français, on comprendra tout de suite que "La Ligne de Sang" sort de l'ordinaire.

Le problème, pour moi, c'est la fin : abrupte, comme si toute la part fantastique de l'intrigue, acculée, se jetait droit à la mer, du plus haut de la plus haute des falaises.

Maintenant, cela fait bien deux jours que j'ai refermé le livre et je me dis que certains trouveront du charme à cette brutalité qui laisse au lecteur le soin de trouver les réponses aux questions restées en suspens : Grieux était-il ce qu'il prétendait être ou n'était-ce qu'un pauvre garçon sans père, dominé par sa mère et probablement abusé par des adultes quand il était encore un enfant, et qui a fini par se réfugier dans la folie ? nous-mêmes, lecteurs, n'avons-nous pas cédé à notre subjectivité en voulant voir de la magie noire - et pas n'importe laquelle - là où il n'y avait qu'une lamentable tragédie familiale ?... La fin reste ouverte : est-ce un bien, est-ce un mal ? peut-être y aura-t-il autant de réponses que ce livre aura de lecteurs.

Un dernier mot sur les critiques que vous pourrez lire sur certains sites marchands, déposées par des internautes plus avides de polars purs et durs que de tentatives hybrides aussi déconcertantes que passionnantes : il n'y a pas de longueurs inutiles dans "La Ligne de Sang", c'est même un texte sacrément maîtrisé. Certes il diffère sensiblement des deux opus qui ont assuré la célébrité de leur auteur - "Le Serpent aux Mille Coupures" et "Citoyens Clandestins" mais il n'en reste pas moins un excellent roman.

... A la fin frustrante. Mais bon : nul n'est parfait.