Le slasher-movie (ou "tailladeur-film") est un genre cinématographique, sous-genre du film d'horreur, lui-même sous-genre du cinéma fantastique.
Bien.
On y retrouve en général un groupe d'adolescent en proie à un serial-killer. Ceux-ci s'étant réunis dans un endroit bien isolé de la civilisation pour écouter du néo-metal, fumer des spliffs et boire des binches représentent une aubaine pour notre anti-héros qui s'appelle Michael Myers, Freddy Krueger ou Jason Voorhees. On se retrouve étonnamment rempli d'empathie et d'admiration pour le bad guy. (héritage que nous traînons depuis le cinéma d'Hitchcock et sa science de nous faire flipper à l'idée que le flic ne découvre le coupable). Son aura mystérieuse nous captive et nous devenons le complice de ses méfaits, grâce à une savante manipulation dont nous n'avons pas conscience. Il faut dire aussi que les victimes n'y mettent pas du leur pour s'attirer la sympathie du public et on a vite fait de choisir son camp. Bon là, ça va, on est confortablement installé devant l'écran et on se sent totalement rock'n'roll à l'idée de voir ce troupeau de teenager se prendre une raclée et de l'approuver, qui plus est. J'y vois comme un rite de passage, une catharsis même, un bon moyen d'annihiler l'adolescent que nous étions et dont nous avons honte.
Merci Michael!
Mais imaginez trente secondes de passer la journée avec un type pareil: il ne se lave pas, ne parle pas beaucoup, véhicule des idées noires et subversives. Bon, Freddy Krueger a le witz facile, certes, mais se montrera vite un compagnon fatiguant au bout du quinzième running-gag. Et puis ces gars souffrent en général d'une sévère carence affective (une mère absorbée par son travail + un père alcoolique) qui finira bien par se retourner contre vous, et ça, il faut le savoir avant de s'enticher de n'importe quel énergumène. Tu vois, vendredi soir par exemple, je me trouvais au parc des Grottes à Genève et un type bizarre qui se piquait les gencives avec un cure-dent m'invite à le suivre dans un endroit plus tranquille (à savoir: bien isolé de la civilisation) en me répétant: "Le bön tröu... vïns ön vä vär le bön tröu..." où quelque chose s'y rapprochant.
Où en étions-nous?...
Oui, donc, on reproche souvent au groupe d'adolescent de faire les mauvais choix lorsqu'il s'agit de sauver sa peau. Alors que nous atteignons gentiment le climax du film, les gaffes cumulées ayant permis au métrage de nous mener au troisième acte (et donc au film d'exister)(remercions l'incohérence des scénarii). On fait les malins en prétendant que "ouais moi je me serais déjà tiré avec la caisse pis j'aurais appelé les flics", ou alors "ouais j'aurais ramassé le flingue et j'aurais vidé le chargeur sur Michael pendant qu'il était encore assommé par le coup de batte de base-ball que le scénariste avait intentionnellement laissé traîner dans la cuisine afin de favoriser un coup de théâtre laissant supposer un retour de situation débouchant sur un (attention: spoiler) happy-end...) Et...Mais non.
A ce moment là, exactement, on se demande bien ce qu'on est venu chercher en regardant cet énième volet de Halloween ou Vendredi 13, car une part de nous souhaiterait voir le méchant sévèrement puni, alors que notre part voyeuriste en pète de voir tout ce petit groupe prépubère exterminé une fois pour toute, tellement il nous les brise depuis la scène d'ouverture où ils headbanguent joyeusement sur du Linkin'Park, pétés comme des marrons (à l'exception de celui qui est en fac de droit, et qui n'a de cesse de modérer les excentricités de son pote, capitaine du club de foot à l'uni et complètement rilax) dans la voiture qui les mène à l'inéluctable (conduite par icelui, bien évidemment).
En effet, il arrive fréquemment que la victime potentielle, plutôt que de fuire à toute jambes, aille vérifier (et à mains nues, s'il vous plaît, dans un élan de culot pas possible) que le méchant ne soit pas planqué hors-cadre, prêt à lui bondir sauvagement dessus.
Con!!!, se dit-on.
(D'où peut-être le mépris que nous éprouvons depuis le début du métrage, où l'on peut voir un groupe d'ados à bord d'une grosse bagnole bien lustrée, équipée d'une installation American PowerBass (tm)(c) (tout emploi abusif de la marque American PowerBass sera punie d'une sanction exemplaire et dissuasive à tout futur contrevenant)).
Imaginons maintenant que dans un élan de cohérence, notre héros prenne la poudre d'escampette, et retournons voir hors-cadre ce qu'il se passe: Notre boogie-man attend patiemment que sa cible commette l'erreur fatale, le directeur de la photographie décide d'un commun accord avec le réalisateur de multiplier les prises de vues afin de rendre le suspense insupportable.
Bon. Je sais plus où je voulais en venir.
Oui donc le mec attend comme un con avec son couteau (ou tout autre objet contondant) derrière la porte, pendant ce temps notre héros fini par trouver du réseau, appelle les flics, et voilà, fin de l'histoire! (en plein deuxième acte)
Dans un autre registre, après la première attaque du grand requin blanc dans "Les Dents de la Mer", tout les vacanciers décident de renoncer à aller se baigner à la plage et optent pour une partie de minigolf. (Scénaristiquement, ç'aurait été plus cohérent, mais le film en aurait pâti en matière de suspense et de rebondissements).
Bon c'est tout ce que j'avais à dire. Arrêtez de faire les fines bouches: si le scénario est merdique, c'est qu'il y a de bonnes raisons à cela.
Je terminerai par deux citations:
La première sort de la bouche de Martin Scorsese (ou Abel Ferrara, je sais plus):"Je ne connais pas d'oeuvre plus violente que la Bible, alors arrêtez un peu de me dire que mes films soient d'une violence exacerbée."
Quand à la deuxième, elle sort tout droit de l'âme tourmentée de Rob Zombie:"Oui, on me demande de couper les scènes les plus violentes dans mes films, c'est un peu comme si on reprochait à Woody Allen de faire des films trop comiques et de lui demander de retirer les scènes les plus drôles."
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Joe la Noïze est un musicien de cornichon-rock neuchâtelois (à écouter gratuitement sur le site: www.yvanlendl.ch).
Féru de cinéma, il propose chaque année de le retrouver bourré sous la tente du NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival).
Il a déjà visionné de nombreuses fois massacre à la tronçonneuse, son film de chevet, sans pour autant en saisir le sens.