Lors d’une vente aux enchères, April, capitaine de cette bande hétéroclite, retrouve la trace d’une ancienne arme, relique de la splendeur fanée de l’humanité qu’elle hérita de sa mère adoptive mais que le destin lui ravit. En route avec son équipage pour récupérer ce qui lui appartient, elle s’attirera les foudres des troupes de la Blue Comet, compagnie de l’espace à la vaste puissance militaire et qui aurait, dit-on, pour but de rendre sa gloire perdue au monde originel…
Voilà une production pour le moins classique sous bien des aspects. Un futur lointain où, à force de coloniser les mondes les plus éloignés, l’humanité a perdu le chemin de la Terre et avec elle les secrets d’une technologie prodigieuse ; un équipage de pirates qui fraye avec les faces les plus sombres de cet avenir déliquescent ; une faction militaire aux objectifs et aux moyens obscurs… Sol Bianca: The Legacy flirte bien avec les thèmes les plus éculés du space opera le plus traditionnel, voire le plus cliché diront certains – et non sans raison. En fait, c’est presque un ode à l’« Âge d’Or » de la science-fiction, cette période du genre qui repoussa le plus les frontières de ce domaine à l’époque encore assez balbutiant.
Pour cette raison, Sol Bianca… recueille des réactions assez contrastées. Alors que les férus de science-fiction lui reprochent son classicisme, les profanes dans le genre regrettent son scénario parfois un peu obscur à force de se voir précipité. Si les deux points de vue se valent, et se complètent même, au moins jusqu’à un certain point, ils laissent hélas de côté ce qui me semble constituer l’essence primordiale de cette OVA : ses immenses qualités artistiques, tant sur le plan pictural que musical. Car en dehors de son animation, hélas souvent lacunaire, Sol Bianca… nous propose néanmoins une exécution d’excellente facture, avec ses designs aussi somptueux qu’originaux et ses images splendides où même la 3D sait se fondre dans l’ensemble.
En fait, Sol Bianca… est une invitation au rêve, au voyage, à la découverte d’un futur comme on en fait plus depuis trop longtemps, dans lequel les constructions cyclopéennes et à présent incompréhensibles d’une humanité au passé glorieux la dépassent et l’éclipsent même parfois, où à force d’être allés trop loin les humains ont oublié ce qui faisait d’eux des pionniers et des explorateurs, des bâtisseurs de mondes, des créateurs d’avenirs. C’est là toute la force de ce type de science-fiction hélas un peu passé de mode mais qui savait susciter l’émerveillement en décrivant ce que les techno-sciences rendaient possible : des lendemains qui scintillent, ou quelque chose de cet acabit – et tant pis si ça peut paraître naïf, au moins un peu…
Car si l’époque où se déroule ce récit reste décadent par rapport à son passé lointain, le souvenir de ce dernier hante bel et bien chaque instant de cette OVA. Non comme un fantôme ou une âme perdue, mais comme un songe de jours enfuis qui n’aspirent qu’à redevenir réalité. En témoigne cette obsession pour les reliques d’antan qui anime chacun des personnages principaux de cette aventure ; au moins indirectement, ils lui consacrent tous une part pour le moins conséquente de leur vie, de leur énergie, de leurs aspirations. Pour des raisons qui leur sont propres, ils veulent tous le faire revivre, et peu importe si leur vision respective ne se montre pas toujours compatible avec celles des autres. C’est le privilège des rêves après tout.
D’ailleurs, ces personnages donnent une texture particulière au récit, en raison principalement de leur facette double. Sans pour autant s’abîmer dans un pathos racoleur, en tous cas pour un certain public, ils présentent tous des cicatrices qui ne laissent pas indifférent mais qu’il faudra laisser à la narration le soin de dévoiler peu à peu. Ici, pirates et militaires se montrent en fait bien moins caricaturaux que dans la plupart des productions de cet « Âge d’Or » évoqué plus haut. Pour autant, et s’ils enrichissent bel et bien cette histoire d’une saveur toute particulière, il ne faut pas croire qu’ils en constituent le squelette mais au lieu de ça un aspect parmi d’autres, comme par exemple le sense of wonder (1) déjà décrit ici.
Le temps d’une soirée ou deux, seul ou accompagné, plongez donc dans les étoiles aux côtés de cet équipage de pirates sans pareil dans ce space opera flamboyant à l’exécution encore stupéfiante, même plus de dix ans après : Sol Bianca: The Legacy compte bel et bien parmi ces perles à découvrir de toute urgence.
(1) cette expression désigne en général le sentiment de vertige, ou ressenti du même ordre, qui saisit le lecteur face à l’exposition de certains faits techno-scientifiques qui bouleversent sa perception du réel et/ou sa compréhension du monde ; c’est un effet typique de la science-fiction. ↩
Notes :
L’équipage du Sol Bianca se compose de quatre femmes et d’une jeune fille dont les prénoms sont des mois de l’année : Janny Mann vient de January (janvier), Feb Fall de February (février), April Bikirk d’April (avril), May Jessica de May (mai) et June Ashel de June (juin). À noter que cette dernière est en fait une androïde en liaison cybernétique constante avec Gi, l’intelligence artificielle qui contrôle le Sol Bianca, un aspect du personnage moins explicite ici que dans la version précédente de ce récit.
Sol Bianca: The Legacy est un remake de l’OVA en deux parties Sol Bianca réalisée par Katsuhito Akiyama et Hiroki Hayashi, respectivement les réalisateurs du premier et du second épisode. Sortie de 1990 à 1997, cette première production restée inachevée se montrait bien moins sombre dans son ambiance et bien moins aboutie sur le plan artistique.
Sol Bianca: The Legacy, Hiroyuki Ochi, 1999-2000
Déclic Images, 2005
Six épisodes, env. 10 € (occasions seulement)