Pendant la période estivale, il est fait peu de cas des personnes en difficulté. Pourtant, certaines associations caritatives fonctionnent aussi en été. C’est le cas de certains centres des Restos du Cœur et de l’association l’Étape à Valence, qui distribuent régulièrement de la nourriture aux nécessiteux. Reportage.
Le barème des Restos du Cœur n’est pas divulgué pour ne pas freiner l’accès aux personnes qui seraient au dessus. Ce qui est sûr, c’est que l’intersaison, comprenez l’été, « il est coupé en deux ». En clair, les critères d’attribution d’une carte de bénéficiaire sont plus stricts. La saison estivale est aussi difficile à gérer que l’hiver pour les Restos car les fournitures en denrées alimentaires sont réduites. Et Valence ne déroge pas à la règle. Moitié moins de familles est accueillie dans les deux centres (Fontbarlettes et rue Vinay) et le nombre de bénévoles est divisé par trois : une trentaine de personnes pour 300 familles. Résultat : le nombre de distributions passe de deux par semaine entre décembre et mars à deux par mois en juillet et août. Avec les conséquences imaginables.
« L’été, c’est très dur de tenir »
Pour l’intersaison, 10 des 13 centres de la Drôme sont ouverts. Malgré la baisse du nombre de demandeurs, les stocks diminuent beaucoup trop vite et les finances vont mal.
Jean-Luc vient aux Restos du Cœur de la rue Vinay depuis décembre, après avoir été escroqué et ruiné par son associé. Il a tout perdu et décidé de changer de ville. « J’étais commerçant et je n’ai donc pas le droit au chômage. Le RSA me permet de payer mon loyer et mes charges. Heureusement que ma mère a pu se porter caution. S’il n’y avait pas les Restos en été, je devrais faire la manche. » Ce mardi 7 août, il repart de la distribution avec deux paquets de pâtes, du pâté, du pain, des biscuits secs, un sachet de légumes surgelés, des côtes de porc, du café et de la crème dessert. « Il faut tenir deux semaines avec ça. Il va falloir faire super-attention et ce sera très dur. L’été, c’est particulièrement compliqué de tenir. On ne mange pas à sa faim, c’est sûr. Je ne fais qu’un repas par jour ». Avec cette chaleur, pas facile de se contenter d’un repas quotidien. « Les Restos ne sont qu’un complément alimentaire, on ne peut pas donner l’équivalent de trois repas par jour à quelqu’un. Ce qu’on donne, c’est un repas quotidien par personne » reconnaît Ève Dechandol, la directrice Drôme-Ardèche. Et avec l’augmentation quasi continue du nombre de demandeurs (+5% par rapport à l’an dernier), difficile de faire autrement. « En hiver, on a presque toujours du poisson et de la viande à proposer. En été, on n’a souvent que de la viande. Et l’an dernier, on n’avait même pas de surgelé » explique Chantal, une bénévole à la distribution. La distribution d’été n’est possible que grâce à “l’opération Charriot” mené tous les ans début mars. « On a récolté 11 tonnes de nourriture et aujourd’hui, il n’y a presque plus rien…» déplore Marinette Legrand, responsable du centre. « Il va falloir attendre le 10 septembre et la livraison de Paris ». En attendant, il y a encore une distribution à assurer, le 21 août. Avec des dons qui ont chuté de 20 % et un déficit de 18 000 euros.
A l’Étape, deux distributions par semaine sans justificatif de revenus
Dans le sous-sol du Foyer Saint-Didier, mercredi soir, les cartons de riz, brioches, pâtes, crème et plats préparés et les sacs de pain sont prêts. Au pied de la cathédrale Saint-Apollinaire, un rassemblement. Des habitués, pour la plupart. Quand Henri Rebatel, fondateur de l’association l’Étape, et Olivier Duron sortent avec les bénévoles, les bénéficiaires aident à sortir les sacs. « On les connaît tous, on les appelle par leur prénom. Pour la majorité, ils viennent à toutes les distributions » explique Olivier Duron. En clair, chaque mercredis et vendredis soirs, à 18 h 30. Été comme hiver. Sans justificatif de ressources. Les distributions alimentaires de l’association existent depuis une dizaine d’années mais « cela fait quelque temps que le nombre de personnes augmente » déplore Jacques Despesse, un bénévole. Ce soir-là, il y aura moins de monde que d’habitude : une trentaine de personnes contre cinquante à soixante d’ordinaire. « En début de mois, il y a moins de monde car le RSA tombe » explique Henri Rebatel. Comme les denrées proviennent à 90 % de la Banque Alimentaire, il n’y a pas de difficultés particulières l’été. « Il y a un peu moins mais on garde le même rythme. On prépare des sandwichs et des plats tout prêts pour les personnes qui vivent dans la rue » car elles ne peuvent pas entrer au Foyer. Pour les autres, ce sera des pots de crème liquide, des pâtes, un émincé de poulet, du pâté, du pain donnés par des boulangeries et des légumes fournis par les agriculteurs locaux. Sandrine vient depuis deux ans. Elle a trois enfants et ses quelques heures de ménage par semaine ne suffisent pas. « Ça dépanne de venir ici. Quand les enfants sont avec leur père, je me débrouille, je fais des salades… ». Pas facile de franchir le pas de venir tendre la main. Mais « Sandrine, je l’ai connu seule, avec un, puis deux et trois enfants » reconnaît Olivier Duron.
Les Restos du Cœur de Valence
- En été, 30 bénévoles se mobilisent ; une centaine en hiver.
Plus d’une trentaine de SDF et de personnes en difficulté viennent deux fois par semaine à la distribution alimentaire de l’association l’Etape, y compris en été.
- Tous sont bénévoles sauf la secrétaire.
- De décembre à mars, il y a 2 distributions par semaine ; tous les mardis d’avril à juin ; tous les 14 jours en juillet août.
- Il n’y a plus de coiffeur bénévole depuis 2 ans.
- 200 familles sont accueillies l’été ; près de 800 en hiver.
- Cette année, le centre de Fontbarlettes ouvre à l’intersaison.
- 10 des 13 centres Drômois sont ouverts en été.
- Prochaine distribution le 21 août rue Vinay, de 9 h à 12 h.
Les dons
- 11 tonnes de marchandises ont été récoltées pendant l’opération “Chariots” qui a lieu tous les ans début mars.
- Les dons faits sur le site internet vont à Paris. Pour faire un don aux centres de Valence, mieux vaut l’envoyer par la Poste.