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Mes tweets n’engagent que moi, mon œil !

Publié le 09 août 2012 par Vogelsong @Vogelsong

“Un grand nombre de méchants écrivains ne tirent leur subsistance que de la sottise du public. (…) Je veux parler des journalistes. Ils sont dénommés à merveille. En d’autres termes, on pourrait les qualifier de “journaliers”" A. Schopenhauer dans Parerga (1851)

“Mes tweets n’engagent que moi”. Cette amusante tautologie fleurit sur les comptes twitter de journalistes. Le journaliste sur twitter fait son métier. C’est-à-dire qu’il se promeut dans un univers professionnel extrêmement précaire. Si beaucoup de gens sur les réseaux s’expriment sans contrainte, ni complexe, ce n’est pas le cas de la grande majorité de la presse. (Les cas du politicien et du militant restent à part, et saugrenue).

Mes tweets n’engagent que moi, mon œil !

Paru dans Politis n°1193 de mars 2012

Twitter est un lieu où la presse observe la presse. Il est instructif de détailler les deux mondes (presse, hors presse) qui se côtoient, sans réellement se mêler, à de rares exceptions bien sûr (@krstv, @JCFeraud, @ldeboissieu et quelques autres). Le monde des professionnels : obnubilés par leur image et leur influence, transie par le regard du confrère, et celui des autres : obnubilés par leur image et leur influence et qui n’ont pas de confrère.

Dans ce biotope très confraternel (donc), les petites sociabilités règnent. On s’aime beaucoup entre journalistes, et on se “retweete”. Le signe primaire de l’affection sur twitter. Certains, même, se gratifient de quelques surnoms, laissant penser qu’ils sont les meilleurs amis du monde depuis le CFPJ (ou l’ESJ). C’est toute une génération qui s’adonne à cet ennuyeux petit jeu.

Un journaliste, par définition, n’a pas d’engagement autre que celui d’informer, et de prendre position pour le bien, le beau et le bon. Le digne métier sur les réseaux sociaux consiste en général à prendre parti, avec finesse, sur des sujets indiscutables. Pas de clivage et peu de politique. Tous sont pour les Droits de l’Homme, la parité, la liberté, contre la guerre, et aussi contre les tremblements de terre. Sur Twitter, les journalistes toujours dans les vents portants vibrent pour la résistance Syrienne, comme pour l’Égyptienne et la Tunisienne… Ceux qui sont réticents, s’il en existe, se gardent bien de s‘exprimer.

Ce que l’on peut qualifier d’avis ”secondaires” (même si les sujets sont cruciaux). C’est à dire non clivants. Peu engageants politiquement. Car finalement la question de l’engagement ne se pose jamais. Dans ce monde à la virginité éternelle, où par exemple E. Gaucher “spécialiste des médias” ne daigne pas mettre en exergue qui est qui, quand il fait une plate présentation du nouveau produit payant de Slate, piloté par un éditorialiste très marqué (pour une fois). Un des rares cas où on aurait pu le faire. Et donner un peu de piment à ce train-train de copains.

Car les prises de position de fond, systémiques ont plus de mal à se faire une place. Droite ou gauche, social ou pas, économique ou pas. Libéral dominant ou pas. Dans le monde calibré de la presse comme sur les réseaux, il n’y a pas de social, il n’y a que du réel, donc de l’économique. La droite et la gauche n’existent pas, il n’y a donc que de la droite. À force de ne pas avoir, ni d’avis, ni d’engagement, on promeut l’avis des dominants et l’engagement des élites libérales. A la fin, on se demande benoitement pourquoi une profession qui elle-même se classe largement à gauche, produit massivement du contenu de droite.

C’est ce que n’ont pas compris beaucoup d’utilisateurs qui considèrent qu’il y aurait une utilisation “normale”, “académique” ou “universelle” des réseaux sociaux et de twitter en particulier. Qu’un journaliste dirait ce qu’il pense, n’engageant que lui. D’où cette phrase absurde… Les journalistes (et professionnels des médias), d’un terrible ennui, ne disent finalement rien.

En dépassant la facilité du « il y a autant d’utilisateurs que d’utilisations » (propos passe-partout pour obtenir un consensus) et bien qu’étant une évidence, il est patent de voir que la façon de “twitter” des professionnels et celle des amateurs n’ont pas les mêmes objectifs, donc pas la même saveur.

PS : Une information contenue dans l’interview n’est pas intégralement exacte.

Vogelsong – 7 aout 2012 – Paris


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