Le zèle législatif de l’Amérique nous transforme tous en criminels d’un nouveau genre.
Par John Stossel, depuis les États-Unis.
Durant les dernières décennies, l’Amérique a mis derrière les verrous de plus en plus de gens. Notre population carcérale a triplé. Nous emprisonnons de nos jours un plus grand pourcentage de notre population que les plus répressifs des pays : la Chine met sous les verrous 121 personnes sur 100 000 ; la Russie, 511. En Amérique : 730.
The Economist déclare que « Jamais dans le monde civilisé autant de gens n’ont été emprisonné pour si peu ».
Et cependant nous continuons de rajouter encore plus de lois et de plus longues peines.
On attribue cette phrase à Lavrentiy Beria, dirigeant de la police secrète Stalinienne de l’ancienne Union Soviétique : « Montrez-moi l’homme, et je vous montrerais le crime. » Staline a exécuté quiconque représentait une menace, et il n’en fallait pas beaucoup pour ça. Beria arrivait toujours à trouver une quelconque loi que la personne visée avait enfreinte. C’est bien facile quand les livres de droit sont remplis de tonnes de lois bien vagues. Staline a ainsi « légalement » exécuté près d’un million de personnes.
Je ne dis pas que l’Amérique est comparable à la Russie Stalinienne, mais considérons un instant nos lois fédérales. Les règles qui nous entravent maintenant compte plus de 160 000 pages. Le Service de Recherche du Congrès a annoncé qu’il était incapable de dénombrer les crimes inscrits dans le code juridique. Cependant, la semaine dernière « les fédéraux » (NdT : « feds » dans le texte) ont rajouté ou proposé un millier de pages de plus. Les avez-vous toutes lues ? Vos « représentants » les ont-ils toutes lues ? Vous connaissez la réponse.
Quand un grave crime est commis, les législateurs exigent dans l’instant que les criminels voient prononcées à leur encontre des sentences encore plus longues et des « peines plancher » (NdT : « mandatory minimums ») à l’attention des récidivistes. C’est électoralement pertinent, mais cela détruit le pouvoir discrétionnaire de la justice et brise les malchanceux.
Dans l’Iowa, un homme avec un passé judiciaire trouva une balle, la rangea dans un tiroir et l’oublia. Un policier l’a vue en cherchant autre chose. Les criminels n’ont pas le droit de posséder de munitions de quelque sorte que ce soit, et ce « crime » fit de cet homme un récidiviste. Il purge maintenant une « peine plancher » pour possession de munition. Oui, vraiment. Il fut fait appel de cette longue sentence, mais la Cour d’Appel des États-Unis du Huitième Circuit dut la maintenir, expliquant qu’elle avait les mains liées par la présence de la « peine plancher » inscrite dans les textes.
La majeure partie d’entre nous ne sera jamais victime de ces « peines plancher » ou des innombrables ambiguïtés de notre code judiciaire contemporain, mais si vous êtes le genre d’individu dont l’Amérique a le plus besoin – un inventeur qui crée quelque chose ou quelqu’un qui monte une entreprise – il y a une plus grande chance que vous soyez victime d’un dédale impénétrable. Les lois qui encombrent les affaires et la finance sont déconcertantes – tout au plus un ramassis des articles du Dodd-Frank. Et même les entreprises dotées de services comptable et juridique bien armés feraient bien de faire attention.
Et puis il y aussi la soi-disant war-on-drugs (NdT : littéralement « guerre contre les drogues »), une guerre contre les peuples en vérité. Nombre de politiciens admettent qu’ils ont consommé des stupéfiants dans leur jeunesse – même les présidents. Dans ses mémoires « Dreams from my father » (NdT : en France « Les Rêves de mon père : L’histoire d’un héritage en noir et blanc »), Barack Obama a écrit : « L’herbe aidait… ; et peut-être un petit peu de poudre (de la cocaïne) quand on pouvait se le permettre. »
Et pourtant, une fois dans le bureau ovale, ces mêmes politiques gouvernent un système injuste qui emprisonne des millions d’américains pour des faits identiques. Et ils ne trouvent pas ça hypocrite ? Non mais s’il vous plait…
Penn Jillette, un artiste libertaire mets le doigt dessus : « Si Obama s’était fait prendre avec cette marijuana qu’il dit avoir consommée et « peut-être un petit peu de poudre »… s’il s’était fait coffré dans ce cadre légal, il se serait pris de la putain de tôle… de la tôle dans une prison fédérale, de la tôle pour son « herbe » et sa « poudre », il ne serait pas président… ne serait pas allé dans sa fac pour cul-pincés, n’aurait pas vendu de bouquins, ni gagné des millions de dollars. Il se serait retrouvé dans une putain de prison, et c’est pas une foutue blague. »
J’attends de mon gouvernement qu’il arrête de vrais criminels, des gens qui violent nos droits, et qu’il les enferme de manière à ce que nous soyons protégés. Mais nos politiciens sont allés bien au-delà. Les gouvernements à tous les niveaux se sont escrimés à interdire des comportements qui ne violent les droits de personne et à entasser des lois pour diriger les comportements qui pourraient causer du tort au gens. Et ils en rajoutent encore.
Ils ont créé un inextricable labyrinthe de lois d’une telle incompréhensibilité que même les spécialistes du droit n’arrivent pas se mettre d’accord sur leurs interprétation. Pendant ce temps, d’ambitieux juristes brisent des vies en les mettant en application. Ces procureurs et législateurs nous disent que c’est pour notre propre bien.
C’est faux.
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Article original titré America, the Law-craze, publié le 25.07.2012 sur reason.com.
Traduction : Édouard A. pour Contrepoints.