De nombreux coups de téléphone et quelques réunions discrètes auront suffi. Le clan Sarkozy a orchestré une petite manoeuvre estivale contre François Hollande ces dernières heures.
Avec au coeur du dispositif, Nicolas Sarkozy évidemment.
Acte 1: Geoffroy Didier, secrétaire national UMP, exige publiquement de François Hollande qu'il rembourse son séjour au Fort de Brégançon. C'était crétin, mais avec le recul, on comprend mieux la démarche. Le protégé de Brice Hortefeux cherchait à marquer les esprits d'un message simple: Hollande part se reposer... vacances du pouvoir...
Acte 2: Nadine Morano revient sur la scène médiatique. Elle s'était contrainte à un silence médiatique depuis trois semaines. Lundi matin, elle est sur RTL pour attaquer l'inaction de François Hollande en le traitant d'« hypoprésident ».
Acte 3: Nicolas Sarkozy publie un communiqué de presse commun avec le président du conseil national syrien. Pour dire quoi ? Que la situation est aussi grave en Syrie qu'elle l'était en Libye. Il a tort. Elle est bien plus grave en Syrie, les troubles mués en guerre civile ont débuté début 2011, quand il était président. Mais le fond n'importait pas. L'ancien monarque violait le devoir de réserve du
Conseil Constitutionnel auquel il appartient. Pour le problème syrien lui-même, son intervention ne servait à rien. L'objectif n'était que de la manoeuvre politique interne.
Acte 4: un UMP de permanence lance un énième communiqué qualifiant « l'attentisme de François Hollande » sur la situation syrienne de « criminel ». L'auteur, Philippe Juvin, est un inconnu du grand public. Il est maire de La Garenne-Colombes, et député européen. En 2009, il soutenait l'élection de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD. En février dernier, il a été placé chef des urgences de l'hôpital Pompidou à Paris, un « emploi en grande partie fictif » ont dénoncé certains de ses « collègues », outrés par cette nomination de dernière minute.
Acte 5: Morano réitère et Laurent Wauquiez et Thierry Mariani complètent: « Hollande est en vacances Sarkozy aussi mais comme toujours actif à
s'intéresser au dossier syrien comme en 2008 pour la Géorgie » déclara la première mercredi. « On a un vrai problème d'autorité, on a un président de la République qui ne tient pas son équipe gouvernementale » assura le second ... à propos de Christiane Taubira. « Je suis contre une intervention militaire française mais il y a d'autres moyens d'action » expliqua en substance et maladroitement le troisième.
Le seul hic: l'intervention de Sarkozy fut trop peu reprise. Sans doute a-t-il eu quelque difficulté à joindre suffisamment tôt son interlocuteur syrien. Il rata les éditions matinales de la presse du lendemain. Même le Figaro se contenta de reproduire une brève de l'AFP. On entendit un peu BHL se lamenter de n'être pris au téléphone par le Quai d'Orsay. Et la plupart des commentateurs raillèrent la manoeuvre trop visible.
Que retenir ?
Pour la résolution du conflit syrien, pas grand chose. Ce cirque ne servait à rien. La France devait parler d'une seule voix, mais Sarkozy l'avait oublié. Aucun de ces protagonistes - pas même Nicolas sarkozy lui-même - n'avait non plus osé rappeler un simple fait, pourtant connu de tous: l'intervention libyenne n'avait été rendu possible que grâce à l'aval du Conseil de Sécurité de l'ONU. Sans cet accord, jamais la France ni ses alliés ne se seraient risqués à une guerre contre le colonel Kadhafi.
Or justement, dans le cas syrien, la situation à l'ONU est radicalement différent. Deux pays, dont les chefs furent célébrés en grande pompe à chaque occasion possible par Nicolas Sarkozy quand il était président, la Russie et la Chine s'opposent à toute intervention terrestre avec une régularité et une persévérance criminelle et détestable. Alain Juppé, quand il était ministre des Affaires Etrangères, en a fait l'amère expérience.
En juin 2011 déjà, il regrettait les veto russe et chinois contre tout embargo ou sanction contre la Syrie. Une intervention terrestre n'était pas encore évoquée. Au contraire, en coulisses à l'Elysée, les conseillers de Sarkozy expliquaient qu'il fallait être « réaliste ».
En décembre dernier, nous écrivions sur le blog Sarkofrance: « Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères, tente de convaincre
les Russes et les Chinois du Conseil de Sécurité de l'ONU qu'il faudrait
réprimander la Syrie de Bachar El-Assad. Bien sûr, la France n'ira pas
jusqu'à attaquer la Syrie. Nous n'avons ni l'argent ni l'envie.»
Que retenir alors de cette opération ? Que ce n'était qu'une petite manoeuvre d'un clan d'irréductibles, trop impatients pour trouver une parade contre François Hollande sur d'autres sujets que ceux sur lesquels ils n'avaient pas d'idées - la dette, la crise de l'euro, l'équilibre budgétaire, la relance, l'insécurité ou le pouvoir d'achat.