Titre original : Seeking a Friend for the End of the World
Note:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Lorene Scafaria
Distribution : Keira Knightley, Steve Carell, Melanie Lynskey, Martin Sheen, Patton Oswalt, Derek Luke, Gillian Jacobs, Connie Britton, Adam Brody, William L. Petersen, Nancy Carell, Rob Corddry, Melinda Dillon, Rob Huebel…
Genre : Comédie/Drame/Romance
Date de sortie : 8 août 2012
Le Pitch :
La dernière tentative pour arrêter l’astéroïde qui se dirige droit sur la Terre vient d’échouer. La fin du monde est programmée pour dans 3 semaines. Dans ce contexte apocalyptique, Dodge, un quadragénaire mélancolique, qui vient de se faire larguer par sa femme, décide de prendre la route pour retrouver son amour de jeunesse. Au dernier moment, il embarque avec lui Penny, sa voisine, avec qui il n’a eu jusqu’ici aucun contact…
La Critique :
D’habitude, fin du monde au cinéma, rime avec explosions, scènes de destructions massives et héroïsme exacerbé. Rien de toute cela ici. Lorene Scafaria, qui signe son premier film en tant que réalisatrice, prend la tangente et s’intéresse à des gens plus ordinaires. Il n’y a dans le film aucun soldat surentrainé, ni plan stratosphérique à grand renfort d’effets-spéciaux spectaculaires. Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare est un film plutôt intimiste, qui mixe harmonieusement plusieurs genres, comme le road movie, la comédie et la romance. En cela, plus inspirée que pour le script d’Une Nuit à New-York (long-métrage avec Michael Cera), Lorene Scafaria arrive à dépeindre une apocalypse douce-amère, en créant une vraie ambiance.
Constat : Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare est un vrai miracle de cinéma.
Vous savez, parfois, lorsqu’on lit le script d’un film, on se dit que si les mecs derrière le truc ne se plantent pas, le film pourrait être vraiment bon. Que si tous les bons choix ont été faits à un moment ou à un autre, la magie pourrait bien opérer. Que le résultat pourrait sortir des sentiers battus et pourquoi pas nous bouleverser à un point que même plusieurs heures (jours) après la projection, le souvenir du film persisterait dans notre esprit. Et bien, dans le cas présent, c’est exactement ce qu’il se passe.
On voit cette affiche où Steve Carell, Keira Knightley et un petit chien ébouriffé semblent attendre que l’astéroïde, qui apparaît au coin, touche le sol et réduise toute forme de vie à néant. On se dit que forcement, il doit y avoir un truc entre les deux personnages, qui quelque-part, doivent se retrouver dans leur solitude et leur mélancolie. On espère qu’il ne s’agit pas d’une énième comédie romantique et que le concept, puissamment séduisant, aura été exploité à fond. Le titre lui seul fait rêver, même si l’histoire du septième-art nous a appris, au fil de nombreuses déceptions, à quel point une belle idée peut parfois déboucher au mieux sur un truc tout fade, au pire sur une immonde purge.
Mais non, ici tout va bien dans le meilleur des mondes. Ou plutôt non, tout va mal dans un monde qui s’apprête à partir en morceau…
Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare mélange les genres, sans forcement se soucier d’embrasser au passage les clichés qui leur correspondent. Après tout, c’est la fin du monde, tout est permis. À l’écran, les humains, conscients que leur règne touche à sa fin, font tout et n’importe quoi. Il y a ceux qui s’adonnent à la drogue et au sexe dans un état d’esprit libertaire un poil forcené. Ces mecs bien sous tous rapports qui prennent de l’héroïne et ceux qui se jettent par la fenêtre de désespoir. Il y aussi ceux qui donnent dans la bonne vieille émeute et qui pètent tout. Le script du film analyse avec légèreté, recul et humour, les réactions possibles et imaginables d’une espèce au pied du mur. Sans verser dans le fanatisme sectaire, dans l’outrance visuelle ou dans une quelconque radiographie trop plombante, la réalisatrice suit son protagoniste principal, le bien nommé Dodge (Steve Carell), qui lui, ne trouve pas sa place. Ni parmi les accros (au sexe, à l’alcool…), ni parmi les résistants, qui accumulent des armes et des vivres dans des abris anti-atomiques. Dodge prend conscience des choses et accepte la réalité. Steve Carell, qui prête donc ses traits à ce personnage ordinaire mais très attachant, est formidable. C’est dingue à quel point cet acteur peut être touchant. À lui seul, avec son regard posé et triste, son sourire un peu perdu, il perfore le cœur et habite ce road movie existentialiste qui, tout en empruntant à droite à gauche, ne finit par ressembler qu’à lui-même.
Pour ce qui est de Keira Knightley, c’est du tout bon. On pense de prime abord que la jolie anglaise va nous resservir son numéro d’agitée de la cafetière, mais non. Elle aussi très attachante, forcement mignonne et pétillante, elle forme avec son partenaire un duo aussi improbable que pourtant évident. Les autres acteurs, qui traversent telles des étoiles filantes, la trajectoire de ses deux âmes retrouvées, livrent tous de jolis numéros. Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare est un film rare. Une œuvre qui émeut, qui fait rire, sourire et qui parfois effraie. Un long-métrage tellement juste, pertinent, sensible et décalé qu’il en est exceptionnel. Une sorte de Melancholia plus léger et du coup, plus immersif et sympathique, qui n’en reste pas moins puissant au niveau des émotions qu’il dégage.
Et puis il y a la musique qui déroule une suite de partitions au diapason. De quoi emballer avec goût un petit bijou comme on en voit peu.
Dans son film, Lorene Scarafia parle de ces habitudes qui ont la vie dure, de la routine, de l’importance de la musique, de celle de l’amour, de l’amitié, du pardon et de la rédemption. Elle ne se refuse pas un petit soupçon d’absurdité et touche en plein dans le mille. Elle souligne le dérisoire de l’être humain pour finalement mettre en exergue ce qui compte vraiment. Sans tomber dans la guimauve, ni la démagogie. En toute simplicité, en laissant couler. Avec poésie et tact. Bravo !
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Mandate Pictures