Ces suggestions permettront à ceux qui veulent échapper à l'actualité le temps d'une soirée de se divertir en ce mois d'août politisé. Je ne prétends pas faire une critique détaillée ici, mais plutôt de faire un survol des raisons qui me font dire que ces films méritent votre attention.
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Action
Pour ma part, quand vient le temps de mettre le cerveau au ralenti, il n'y a rien comme un bon film d'action. Évidemment, comme je suis généralement plus exigeant que le spectateur-moyen, il est rare que je trouve de quoi me mettre sous la dent dans cette section du club vidéo. Mais ça arrive, et en voici deux exemples.
J'avais beaucoup aimé cette relecture de Sherlock Holmes par Guy Ritchie lors du premier film mettant en vedette l'excellent Robert Downey jr et Jude Law. Cette nouvelle aventure utilise donc la même recette; une intrigue cohérente saupoudrée d'humour et d'éléments volontairement anachroniques, des scènes d'action originales, des mouvements de caméra inventifs et un excellent travail de réalisation et d'interprétation. L'ensemble procure un certain sentiment de déjà vu, et le procédé de démonstration des raisonnements de Holmes perd un peu de son originalité après plusieurs utilisations. Malgré ces réserves mineures, ça reste un film pleinement satisfaisant pour l'amateur du genre, un très bon moment de divertissement que cet affrontement Holmes-Moriarty, que les amateurs des livres de Conan Doyle apprécieront fort probablement. Le fait que j'aime beaucoup les films de Guy Ritchie ne nuit pas à la bonne note que je donne à ce film, même si le réalisateur se répète avec le temps, la fluidité de ses images fait toujours plaisir à voir.
Pour apprécier ce film, il faut d'abord accepter que cette franchise-cinéma s'est éloigné complètement de la franchise-télé dont elle s'inspire à l'origine. Il faut aussi accepter de suspendre son incrédulité quand à la vraisemblance de points importants de l'intrigue; par exemple, qu'une équipe improvisée arrive à infiltrer le Kremlin avec moins de 4h de préparation, ou encore que les protagonistes traversent la planète en quelques heures ou presque (alors qu'il est parfois ardu de se rendre au Lac St-Jean de Montréal en moins de huit heures en transport collectif!). Une fois cet exercice effectué, Ghost Protocol est un film d'action qui se laisse regarder avec plaisir et qui est réalisé avec compétence et un assez bon sens du rythme. On n'y cherchera rien de révolutionnaire, mais si c'est votre tasse de thé, cet épisode se compare sans rougir aux précédents de la série. La désinvolture humoristique qui accompagne désormais tous les films d'action américains y est présente, mais sans trop prendre de place, et est essentiellement assurée par Simon Pegg, qui réussi à bien faire passer ces moments plus légers sans qu'ils ne paraissent ridicules.
Drame
L'avantage des drames est que leur scénario, règle générale, est mieux peaufiné que les films d'action, puisqu'ils n'ont pas à prendre en compte le rythme infernal souhaité par les amateurs d'action lors de l'écriture et du montage. Le désavantage des drames et que parfois, quand on veut relaxer et oublier les drames réels de l'actualité, un drame au cinéma peut d'avérer difficile, voir déprimant. Ceci n'enlève rien à la valeur artistique de ces films, comme le prouvent les quatre exemples suivants.
Voici un film superbe à plusieurs points de vue. D'abord, son histoire, celle d'un troisième assistant réalisateur engagé pour le tournage d'un film de Lawrence Olivier et qui se voit soudainement en charge de Marilyn Monroe, dont les agissements sont erratiques et problématiques pour l'ensemble de la production et dont les relations avec Olivier sont tendues. Ensuite, la mise en abîme que l'histoire permet sur le tournage de The Prince and the Showgirl, le regard sur Lawrence Olivier et celui sur Marilyn, évidemment. Aussi, sa direction photo, qui en font le plus beau, visuellement, des dix films dont il est question ici. Si ceci n'était pas suffisant, le film offre deux des meilleures performance d'acteurs que j'ai vu récemment. Kenneth Brannagh, que l'on ne voit jamais asse à l'écran, incarne un Lawrence Olivier aux sentiments ambigus, prisonnier de ses désirs et de son film, qui n'arrive pas à saisir Marilyn et provoque sans cesse des conflits avec son actrice vedette.
Michelle Williams est absolument parfaite dans son incarnation de Marilyn. Sans tomber dans l'imitation ou la caricature, l'actrice arrive à faire vivre une Marilyn belle, fragile et touchante malgré ses angoisses et ses défauts, le spectateur est vissé à l'écran à chacune de ses scènes. Ce n'est pas un hasard si Brannagh et Williams ont tous deux été en nomination aux derniers Oscars. Un film à voir absolument pour tout amateur de cinéma. Pour ma part, ayant beaucoup lu sur Marilyn à une certaine époque, j'ai trouvé fascinant de replonger dans cet univers avec un film aussi beau qu'émouvant.
Racontant l'histoire réelle de Katryn Bolkovac, une coopérante internationale s'étant attaqué à un scandale sexuel immédiatement après de la guerre de Bosnie, The Whistleblower est définitivement le film le plus dur et le plus dérangeant que j'ai vu depuis longtemps. Dur parce que ce qu'il montre et dénonce est arrivé pour vrai - et arrive encore sans aucun doute. Dur parce qu'il s'agit d'un domaine (la coopération) qui me touche particulièrement. Dur parce qu'il offre peu d'espoir malgré la dénonciation publique. Dur parce que ce qu'il dénonce touche aux sentiments les plus profondément mauvais de l'être humain. La prémisse du film est assez simple: Katryn arrive en Bosnie avec les meilleures intentions du monde pour faire son travail de formation de la police locale. Elle tombe sur des cas d'abus sexuels impliquant le trafic de prostituées venues d'Europe de l'Est; ces cas impliquent plusieurs autres coopérants, membres de l'armée ou de la police américaine et internationale, et toute l'affaire est connue et camouflée par les plus hautes instances, jusqu'à l'ONU. Déprimant, psychologiquement violent et révoltant comme histoire, mais nécessaire comme témoignage et comme film, dont nous connaissons l'histoire grâce à Kathryn. D'un point de vue cinématographique, le film est d'une redoutable efficacité, et m'a vissé sur mon siège tout le long du visionnement, sans me donner une seconde de répit. Et Rachel Weisz y est particulièrement brillante dans le rôle principal.
Un autre film difficile, mais peut-être un peu moins dur et déprimant que le précédent, portant sur un sujet tout aussi sérieux. Trust raconte l'histoire d'une jeune fille de 14 ans séduite par un prédateur sexuel, ses réactions, celles de ses parents et l'impact de cette relation qui s'est créée entre elle et son assaillant sur la psyché de la jeune fille. Lourd programme, mais qui est mené avec intelligence par le cinéaste David Schwimmer, que l'on associe généralement aux comédies et aux sitcoms télé. Il signe ici un film tout en subtilité, mené avec tact, et qui met en scène d'excellentes performances d'acteurs, Clive Owen en tête, mais aussi Catherine Keener et la jeune Liana Liberato. L'intérêt de Trust repose sur la réaction de la jeune fille, littéralement séduite, qui prend la défense de son agresseur et reste persuadé qu'il l'aime. Un coming of age dramatique et intense, mais qui n'est pas dépourvu d'espoir malgré tout. Ce film est donc, malgré le sujet dramatique, une belle découverte.
Ce film inclassable est certainement un des films les plus étranges que j'ai vu cette année, autant au niveau de ses idées, de son histoire, de ses personnages que sa réalisation. On parle évidemment d'un film de Pedro Almodovar, qui se spécialise toujours dans les personnages tordus et originaux, mais j'avoue qu'avec La piel que habito, il se surpasse. Je ne tenterai même pas un résumé, mais disons que nous suivons les expériences d'un chirurgien esthétique (joué avec intensité par Antonio Banderas) sur de la peau synthétique résistante, qu'il teste sur une patiente gardée prisonnière dans sa maison, dont le sous-sol lui sert également de laboratoire et de clinique. Comme c'est souvent le cas chez Almodovar, le scénario est déconstruit, on se balade dans le temps, les personnages ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être, et quand on comprend un pan de l'intrigue, c'est qu'un autre élément viendra nous surprendre quelques minutes plus tard. Il ressort de l'ensemble un film assez froid malgré les nombreuses scènes chaudes, racontant une histoire profondément dérangeante questionnant nos relations sur l'identité, l'attirance et la personnalité, selon l'allure que nous avons, la peau que nous habitons. Fascinant est un euphémisme en ce qui concerne ce très bon, mais très étrange film.
Comédie dramatique
L'offre de bonnes comédies légères abondent généralement l'été, au cinéma, donc l'automne en DVD. Reste que l'on peut toujours se rabattre sur deux excellentes comédies dramatiques, qui traitent avec humour des sujets autrement sérieux.
J'avoue que j'ai longuement hésité avant de louer ce film. Les histoires de cancer me dépriment généralement et il est rare de pouvoir revisiter cette thématique sans tomber dans le cliché, le mélo ou refaire carrément ce qui a été fait. Les excellentes critiques du film et un peu de pression de mon amie Suze m'a convaincu de lui donner une chance. Je n'ai pas regretté ce choix. Voilà un film lumineux sur un sujet dramatique. Le titre fait référence aux chances que le personnage principal a de s'en sortir après avoir reçu un diagnostic de cancer de son médecin. Comme nous parlons d'un jeune homme en santé, qui a de bonnes habitudes de vie, et qui adopte une attitude sereine face à ce qu'il vit, le film explore quelques avenues que je n'avais que rarement, sinon jamais, vues dans d'autres films sur le sujet. Mais c'est surtout dans le ton, définitivement comique mais d'une grande intelligence, que ce film se démarque totalement des productions habituelles sur les victimes du cancer. Une sorte de feel good movie sur un sujet aussi dramatique, c'est une rareté qu'il faut saluer pour son audace et son équilibre.
La prémisse de ce film est beaucoup plus légère que celle de ceux qui précèdent: deux écoliers se chamaillent, l'un d'eux frappe l'autre avec un bâton. Les parents du fautif rendent visite aux parents de la victime pour s'entendre sur la manière civilisée de régler le conflit. Carnage raconte cette visite et la discussion qui suit entre les quatre adultes, qui vivront toute une gamme d'émotions imprévues au programme de la soirée. Carnage est donc un huis-clos, avec un des maîtres du genre au commande: Roman Polanski, qui laisse ici toute la place à ses talentueux interprètes, Christoph Waltz, Kate Winslet, Jody Foster et John C. Reilly, tous absolument merveilleux dans une histoire surprenante et tordante où les petites alliances entre les personnages passent par divers stades, de même que leurs sentiments les uns envers les autres. Ce scénario fin offre surtout des dialogues coupés au couteau, ce qui fait de Carnage un des films les plus drôles que j'ai vu cette année.
Politique fiction
On y échappe pas vraiment, avec les récentes élections en France, le printemps Érable et les élections au Québec, la longue campagne américaine, la politique prend beaucoup de place. Si vous n'êtes pas encore tanné d'en entendre parler, je suggère deux regards en arrière; l'un récent et français, l'autre historique et américain.
La Conquête raconte l'ascension de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP de ses débuts sous Jacques Chirac à sa candidature à la présidence, jusqu'à son élection en 2007. Même pour ceux qui ne s'intéressent pas à la politique française en particulier, ce film mérite d'être vu si vous avez un peu de curiosité politique. Loin d'être une biopic glorifiante, le film nous montre surtout les tractations et les guerres internes dans le milieu politique français. Cette plongée intimiste au coeur du pouvoir en place est déjà une expérience fascinante, mais c'est surtout, pour un spectateur étranger à la politique française, un rafraîchissant rappel qu'il existe des endroits au monde où les ministres ne sont pas nécessairement d'accord avec le chef de leur parti, qu'ils ne se gênent pas pour exprimer leur opinion, qu'ils prennent des décisions sans que celles-ci ne fassent obligatoirement l'affaire de la tête du parti, bref, qu'ils sont de vrais ministres. Enfin, bien qu'il raconte l'ascension professionnelle de Sarkozy en parallèle avec les problèmes de sa vie personnelle, le film ne tente pas de rendre le personnage plus sympathique par ce détour, mais donne l'impression d'une honnêteté qui lui confère encore plus d'intérêt.
J'avoue que je n'aurais pas été très excité à l'idée de voir un film sur la vie de J. Edgar Hoover, célèbre patron du FBI américain. Mais voir un film réalisé par Clint Eastwood avec Leonardo Dicaprio avait de quoi attirer mon attention. Eastwood demeure un réalisateur américain parmi les plus intéressants et Leo est définitivement un des meilleurs acteurs actuels au cinéma, en plus d'effectuer des choix de scénarios impeccables. J. Edgar ne vient pas contredire ce que je pense de l'un et de l'autre, au contraire. À partir d'un personnage que je connaissais somme toute assez peu (à part le mythe, la légende, le cliché), ils réussissent à brosser un portrait humain et ma foi assez touchant, d'un personnage troublé et coincé sans pour autant nous le rendre plus sympathique qu'il ne l'était. Le film met plutôt en parallèle le mythe construit autour des actions de Hoover avec la réalité, et met en lumière la déchirante (il n'y a pas d'autre mot) histoire d'amour ayant marqué sa vie et sa personnalité. La caméra de Eastwood est toujours aussi fluide, et l'ensemble, sans être génial, offre un film d'une grande qualité artistique, ce qui n'est pas si courant en politique-fiction. Naomi Watts et Judi Dench, toujours très bonnes, complètent une excellente distribution.
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