Huntington. Pour les fans de Dr House, c’est un nom de maladie. Pour certains étudiants, c’est le nom d’un théoricien de science politique. Mais en ce 4 août, pour les new-yorkais amateurs de gros son, c’est surtout le nom de la petite bourgade qui accueille pour la soirée Slash, son comparse Myles Kennedy et les Conspirators. La déco brute de décoffrage du Paramount Theater, briques nues et plafond métallique se marie parfaitement avec la programmation du soir et, par chance, je me retrouve plutôt bien placé, à deux mètres de la scène. La soirée s’annonce pleine de promesses.
19h55, Monster Truck arrive sur scène avec cinq minutes d’avance. Pour une première partie, on peut dire que le groupe envoie du lourd. Le bassiste/chanteur, avec ses cheveux blonds, longs et frisés se la joue un peu Led Zeppelin, et même si les solos de guitare ne sont pas du niveau de ceux de Jimmy Page, le son est propre et plaisant. Pendant les quarante-cinq minutes qu’a duré leur set, les quatre musiciens achèvent de chauffer une salle qui se transforme peu à peu en chaudron. Les verres de bière jonchent le sol, le type derrière moi s’allume un joint, dont les effluves gagnent rapidement les narines du chanteur.
« Hum, it smells like weed. Please keep me some ! ».
L’arrivée de Slash
21h, Slash arrive sur scène en jouant les premières notes de Halo. Grosse ambiance en fosse, sans pour autant qu’il n’y ait de mouvements de foule, de pogos ou de crowdsurfing. Le public américain semble pour le coup assez sage.
Tedd Kerns, le bassiste des Conspirators, groupe qui accompagne la tête d’affiche, a rapidement trouvé son pote du soir : au premier rang, un gamin d’à peine trois ans, portant un haut de forme et des lunettes de soleil, perché sur les épaules de son père, échange avec le musicien une poignée de main saluée par toute la salle.
En cette première partie de concert Kennedy assure le show, Slash restant sur le côté, jouant ses morceaux sans pour autant les sublimer. L’ambiance n’a pas pour autant le temps de retomber, et lorsque les premières notes de Nightrain (des Guns & Roses) se font entendre, les spectateurs donnent encore un peu plus de voix. Mon voisin de derrière profite de l’euphorie ambiante pour s’allumer un second joint. Mais ce coup-ci, les vigiles sont plus réactifs, et le sortent assez rapidement… Il sera resté trois chansons et demie, virilement reconduit à l’extérieur au son de Standing on the sun. Sur le coup, j’ai souri devant le paradoxe, car c’est sous le clair de lune qu’il va devoir attendre ses copains restés à l’intérieur.
Slash alterne les chansons de ses albums solos avec d’autres des Guns & Roses ou des Velvet Revolver. Après quarante-cinq minutes, il n’a toujours pas dit un mot, et on ne peut pas dire qu’il ait été des plus expressifs. On passe certes un bon moment, mais la star du soir, la tête d’affiche, celui qu’on est venu voir, c’est le guitariste au haut de forme, pas Myles Kennedy qui commence à un peu trop se la jouer à mon goût. Patience petit, patience.
Les solos du guitar hero
Lorsque le chanteur quitte la scène en laissant le micro au bassiste pour Doctor Alibi, un nouveau concert commence. Slash suait déjà à grosses gouttes ; mais à partir de là, c’est un filet continu de transpiration qui s’écoule le long de la Les Paul. Le guitar hero est bien là. Les chansons se font plus longues car ponctuées de solos dont il est le seul à avoir le secret. Portant sa guitare à la verticale, calée sur la cuisse, il montre que s’il n’est pas des plus bavards, ne fait pas de duck walk et n’est pas non plus très à l’aise avec un micro, il assure avec sa gratte. Pas besoin de courir partout pour faire le spectacle.
Il est là, juste devant moi, tenant sa guitare de cette manière qui lui est si caractéristique. Calmement, méticuleusement, avec une certaine forme de respect envers sa Gibson, il la fait crier devant un auditoire qui a enfin ce qu’il attendait vraiment. L’ambiance monte encore d’un cran, on ne doit pas être loin du dix sur l’échelle de Richter.
Le meilleur moment du concert arrive un peu plus tard, lorsqu’il reprend le thème du Parrain. Les premières notes, très aigües, jouées devant un auditoire encore sous le choc du solo qui vient de se terminer, résonnent d’une manière vraiment inquiétante. On est littéralement envouté. Certes le morceau est magnifique à la base, mais il gagne ici encore un peu plus de profondeur, devenant encore plus sombre et violent. Une merveille.
Myles Kennedy revient pour Anastasia, mais difficile dès lors pour lui de prendre le relais après ce qu’on vient d’entendre. Ce temps mort ne dure qu’un morceau, les premières notes de Sweet child of mine redonnent au public toute sa fougue. Après une heure quarante-cinq de show, Slash et son groupe quittent la scène avant de revenir pour Fall to pieces et surtout Paradise City qui conclue le set en beauté.
« Je regrette qu’on ait détruit mon billet »
D’un naturel peut-être matérialiste, je regrettais qu’on ait détruit nos billets en entrant dans la salle. Qu’à cela ne tienne, je l’aurai mon souvenir ; et maintenant que j’ai récupéré un médiator pendant le rappel, je n’ai plus aucune excuse pour ne pas me mettre à la gratte. Peu après le show, je partage mes impressions à la buvette avec un type, visiblement déçu. Selon lui, le spectacle était inexistant, et la star du soir trop discrète, n’ayant pris le micro qu’à deux ou trois reprises, pour présenter son équipe et chanter le refrain de Paradise city.
Il n’avait pas complètement tord, mais mec, si tu veux voir un guitariste gesticuler sur scène, va voir AC/DC. Avec ses Ray Ban et ses cheveux lui couvrant la moitié du visage, difficile de déceler une quelconque émotion chez le guitariste durant le spectacle. Mais pour l’avoir vu exécuter ses solos de près, je pouvais assurer à mon interlocuteur aviné que le guitar hero vivait ses morceaux de manière aussi intensive qu’Angus Young vit les siens.
Pour résumer, « Slash », c’est aussi le son fait par une gifle, et on peut dire que ce soir, on en aura prises quelques unes.