Ce mince recueil de poèmes de Bruno Berchoud La beauté du geste se compose de quatre parties : Gestes de père, gestes de mère ; gestes de femme ; gestes d’inconnus ; gestes d’enfant.
En voici trois parmi mes préférés :
Elle a sans réfléchir lâché la corbeille pleine de linge, d’un coup laissé tomber au sol l’entassement de draps froissés, chaussettes et slips enchevêtrés, pantalons retournés, et s’est mise à courir exclamée, à balancer sa joie dans la maison, Mon fils il faut que je t’embrasse.
Lui tant de fois cancre jusqu’aux oreilles et rouge comme lanterne ne saurait dire pourquoi ni comment il a pour une fois décidé d’échapper à cette tendance congénitale (disait l’instituteur) à jouer au crétin.
Ainsi c’était cela pour mettre du soleil à son visage : laisser tomber deux mots en bégayant comme un benêt Premier prix premier pris
dans ses bras.
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Suspendre son pas – c’est cela oui
cette halte soudaine
pied droit qui pointe vers l’arrière
semelle face au ciel
comme un truc à mirer les nuages.
Cet instant d’équilibre
sur la jambe tendue
la trouve belle comme un héron
une cigogne sur son île
quand bien même a les yeux
plantés sur le revers de la chaussure
à cause de son corps qui devance les mots
- Elle a marché dans quoi ?
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Et dieu créa le caillou plat
parti d’un trait sur la rivière
pour bondir un instant vers le ciel
et que mon fils exulte
tandis que j’applau-
dis Vivre c’est lancer
toucher le monde un peu plus loin
que le bout de ses doigts.
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La beauté du geste a paru aux éditions Clarisse dans la collection parcelles.