Par Michel Dufour
Genres : Procédure policière, thriller
Personnage principal : Julien Stifer, lieutenanr à la SPCUM
Site de l’auteur et résumé : http://www.alire.com/auteurs/bissonnette.html
Nos romans policiers québécois, particulièrement ceux des Éditions Alire, ne sont pas faciles à trouver. J’aimerais bien que ce soit parce que sitôt arrivés sitôt achetés, mais je crains que la réalité ne soit moins encourageante. Je suis loin d’être chauvin et je ne me gêne pas pour mettre des 2.5 à des polars québécois mais force est de constater que, même dans de grandes librairies comme Renaud-Bray ou Olivieri, à côté de dizaines de romans policiers américains ou européens particulièrement médiocres, on peine à trouver des romans du terroir de qualité supérieure comme ce Sanguine de Jacques Bissonnette.
A partir de la page 87, et alors que je venais de me coucher fatigué, je n’ai pas pu le lâcher jusqu’à la fin, trois heures en ligne! Un véritable turning page, comme dirait Spehner. Un coup de fouet! J’aime bien pourtant les romans historiques plus raffinés comme ceux de Peters, Perry ou Parot quand, sans sacrifier le plaisir du dévoilement d’une intrigue mystérieuse, on profite d’un dépaysement temporel en côtoyant des personnages et des modes de vie qui, mine de rien, enrichissent notre culture et notre connaissance de la condition humaine. Toutefois, j’ai besoin aussi de ressentir l’adrénaline produite par un thriller comme celui de Bissonnette, qui secoue notre carcasse et soumet nos nerfs à rude épreuve.
L’enquête du lieutenant Stifer se déroule à Montréal; il appartient à la SPCUM et pourrait connaître Charlie Salter de la police de Toronto (voir les polars d’Eric Wright). Les deux aiment travailler seuls même s’ils se retrouvent souvent en équipe. Stifer est plus costaud et durement stimulé par la disparition de sa fille de 13 ans deux ans auparavant, et qu’il espère toujours retrouver. Il tourne les coins abruptement et s’attache à sa proie comme un pitbull; dans ce cas-ci une jeune femme de l’âge de sa fille et son petit ami. Bref, on l’aime bien. Et l’univers dans lequel il déplace beaucoup d’air est bien décrit : milieu de la drogue dans Côte-des-Neiges, boutiques et bars pornos, milieu bourgeois de Notre-Dame-de-Grâces et d’Outremont. On reconnaît le Montréal de Bissonnette comme le Québec de Chrystine Brouillet.
C’est la composition de l’ensemble qui nous séduit : atrocité des crimes difficilement explicable, personnages crédibles et intéressants, va-et-vient efficace des révélations et des nouveaux problèmes, montré-caché par excellence, et tout ça à un rythme d’enfer, sans oublier de temps en temps une petite mise au point au cours de laquelle le lecteur profite d’un répit pour se remettre les idées en place.
Bissonnette n’a écrit que 5 romans depuis 1986, les trois derniers avec l’inspecteur Julien Stifer. C’est vraiment dommage parce qu’il jouit d’une qualité rare : celle de savoir se mettre dans la peau de son lecteur. D’où l’efficacité des effets qu’il produit.
Ma note : 5 / 5