[Critique] TERRI

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Terri

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Azazel Jacobs
Distribution : Jacob Wysocki, John C. Reilly, Bridger Zadina, Creed Bratton, Olivia Crocicchia, Tim Heidecker, Justin Prentice, Mary Anne McGarry, Diane Salinger, Lisa Hoover…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 8 août 2012

Le Pitch :
Terri n’est pas un adolescent comme les autres. Abandonné par ses parents, il vit avec son oncle souffrant, dont il s’occupe. Qui plus est, il se balade tout la journée en pyjama. Au lycée, Terri est victime de brimades de la part des autres élèves et seul M. Fitzgerald, le proviseur, semble se soucier de lui. En décidant d’aider Terri, ce dernier va peu à peu arriver à nouer une relation qui permettra au jeune homme de s’ouvrir aux autres…

La Critique :
Après avoir été présenté en 2011 au Festival de Deauville, Terri, l’adolescent qui traverse la vie en pyjama, arrive enfin dans les salles de France (et de Navarre). Il était temps ! Ceci-dit, à la vue de cette œuvre mélancolique et résolument atypique, ce retard est compréhensible.
Comment vendre une telle histoire à une époque où les types en collants, les beaux gosses, ou les nanas aux plastiques de rêves règnent sur les programmations des cinémas ? Comment imposer un pur long-métrage d’art et d’essai comme celui-là, face à un truc comme Projet X qui, au fond traite du même sujet, à grand renfort de culs, de nichons et de bitures ? Car oui, Projet X et Terri parlent peu ou proue du même sujet, à savoir de l’adolescence vue à travers le prisme de personnages marginaux.
Dans Projet X, des types pas populaires du tout organisent une fiesta pour gagner les faveurs de leurs congénères superstars du bahut. Dans Terri, un garçon solitaire trimballe sa tristesse dans un monde trop étroit d’esprit pour lui. Dans Terri, on apprend à adopter ses différences, tandis que Projet X encourage à l’uniformisation massive vers un modèle de beaufs amerloques bourrés d’ambitions poisseuses.  À l’arrivée, Projet X fait un carton et Terri a de grandes chances de n’évoluer que dans les sphères réduites des amateurs de cinéma confidentiel. Des amateurs qui sauront voir dans le dernier film d’Azazel Jacobs, une petite pépite du cinéma indépendant américain.

À priori, rien de nouveau sous le soleil. Terri aborde l’adolescence via l’expérience difficile d’un personnage trop original, trop gros et trop accablé par la vie, pour vraiment profiter des joies du lycée comme n’importe quel autre de ses camarades. Terri n’est pas en lui-même follement original.
Le long-métrage, adapté d’une série de nouvelles de Patrick Dewitt (qui a écrit le scénario,) ne cherche pas à se démarquer par son histoire. Il cherche surtout à sonner vrai et à raconter une tranche de vie authentique. En cela, Terri est une vraie réussite. Dénué de cynisme, le film est d’une sincérité désarmante, tout spécialement lors de passages clés, qui ont de grandes chances de faire couler les larmes dans les chaumières. Azazel n’évite donc pas quelques clichés. Ainsi, Terri est obèse, il ne parle pas beaucoup et craque sur la belle blondinette, star de son lycée.
Ce qui différencie le long-métrage, c’est son traitement, ainsi que le soin qu’il apporte à dépeindre les relations et les ressentis entre les personnages.
Reposant sur une réalisation laconique (trop certainement), s’inscrivant complètement dans les mécanismes du cinéma indépendant u.s., Terri bénéficie en outre d’une photographie réellement flamboyante. Le héros, ce garçon empoté et mal-fagoté, est presque filmé comme un desperado de western, que l’adversité et les insultes ne touchent pas. Même si évidemment, ce n’est pas le cas.
Les acteurs font tous du très bon boulot. Le casting, dominé par la performance habitée et subtile du jeune Jacob Wysocki, est des plus solides, notamment grâce à la présence du toujours excellent John C. Reilly, ici dans la peau d’une sorte de mentor bienveillant. Le duo qu’il forme avec Wysocki donne au film une grande partie de sa saveur, tant les relations entre ces deux âmes un peu déboussolées, ne manquera pas de résonner chez de nombreux spectateurs.
Et puis il y a les autres. Les adolescents. D’illustres inconnus qui peuplent le long-métrage, à l’image de la jeune Olivia Crocicchia, dont le regard n’est pas sans rappeler celui de Scarlett Johansson, ou encore Bridger Zadina, dans le rôle de Chad, un ado sacrement perturbé.

Parfois mal rythmé, un poil long, conventionnel dans sa construction, Terri est néanmoins une œuvre attachante comme on en voit peu. Une partition poétique portée par un dévouement admirable et par une escouade d’acteurs au diapason. Un film emmené par une poignée de scènes à la justesse admirable qui, à elles seules, justifient le visionnage. Une réussite certes imparfaite mais pour le moins indéniable.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Pretty Pictures