Umar TIMOL : "L'homme qui voulait rire" (suite).

Par Ananda

4.

Mais avant d’aller plus loin il vous faut quelques éléments de contexte. Sinon vous risquez de ne rien y comprendre. Pas de texte sans contexte, comme le dirait l’autre. Je me propose donc de parler de ma vie, de vous expliquer les tours et détours de ma vie somme tout sobre mais qui est depuis peu du plus grand comique. Avant de procéder je me dois, cependant, de vous donner un deuxième exemple. C’est un fou rire qui est survenu très récemment et je me dois d’en parler.

Un fou rire qui m’a, à vrai dire, traumatisé.

Il y a quelques jours de cela j’étais à Port-Louis, je me rendais an travail et en route j’observais les visages des gens. J’avoue que j’aime bien décortiquer les visages. Ils nous permettent de mieux appréhender la complexité de l’humain. Merde, voilà que je me mets à parler comme mon enseignant de français à l’université. Cet exercice n’est pas encore un pêché et j’espère que la cour ne me condamnera pas. Je suis innocent monsieur. J’observe les gens mais à leur insu. Oui à leur insu. Je suis donc innocent. J’observais donc ce matin-là les visages de quelques jeunes qui patientaient dans un bus. Et soudain une crise de fou rire rompit les amarres de ma raison. Je ne parle pas d’un rire frisquet, d’un rire timide, d’un rire sous cape, mais d’un rire grossier et gras, d’un rire comme un vent cyclonique, d’un rire qui tonne et détonne jusqu’aux confins de la terre. Je n’arrêtais pas de rire. Je ne pouvais plus m’arrêter. Des gens se sont attroupés autour de moi. Un policier est même intervenu. J’avais peur qu’il ne me casse la gueule et c’est cela, plus que tout, qui a mis fin à cette symphonie. Mais j’étais plus que confus. Je voulais me terrer sous terre, de préférence dans un bunker anti guerre nucléaire. D’autant plus que je décelais dans le regard des autres la réflexion suivante, pauvre fou ou pagla ( qui a exactement le même sens mais qui est plus savoureux ) ou sinon moins généreux, pauvre con.

Je crois avoir oublié l’essentiel.

Pourquoi ai-je donc ri ?

Pour une raison toute simple. Parce que les jeunes avaient l’air de vaches qui se rendent à l’abattoir. Visages bovins de ceux qui doivent travailler mais qui auraient préféré être ailleurs.

On peut, en effet, trouver cela du plus haut comique mais il ne s’agissait pas de se donner en spectacle.

Je tente tant bien que mal de me remettre de cette mauvaise expérience. Mais je suis franchement inquiet. Le rire n’est jamais très loin. Il risque à tout moment de me tomber dessus. Et comme je ne suis pas un super héros, je ne dispose pas d’une cape anti-rire pour me protéger.

Umar Timol.

(à suivre)