Hollande et le Barheïn: les vraies questions et le faux procès

Publié le 07 août 2012 par Juan
François Hollande a reçu en juillet dernier le roi du Barheïn, rapidement présenté comme un dictateur aussi horrible que Kadhafi et Ben Ali réunis dans quelques blogs ou même sous la plume d'Armin Arefi du Point qui commentait « l'affaire » ce lundi 6 août.
« Le colonel Kadhafi, Bachar el-Assad..., le perron de l'Élysée croyait la page des dictateurs arabes invités en France tournée. Deux mois après son accession à la tête de l'État, François Hollande semble pourtant perpétuer la tradition présidentielle, en secret.»
Tout était dit. Hollande serait coupable d'une trahison: il reçoit des dictateurs comme ses prédécesseurs, et surtout le dernier d'entre eux, Nicolas Sarkozy. Et l'auteur de continuer: « Pourquoi un tel silence ? Il faut dire que Bahreïn n'est pas n'importe quel pays. Cela fait un an et demi que le royaume réprime dans le sang la révolte chiite : la communauté majoritaire de ce minuscule État de 1 230 000 habitants (dont 550 000 nationaux) exige du pouvoir sunnite des élections libres et la fin des discriminations à son égard.»
La formule est belle, l'accusation est simple.  Le sarkozysme diplomatique était-il si caricatural que certains journalistes en ont perdu tout discernement ? Au risque de passer complètement à côté du vrai sujet...
Quel rapport existe-t-il entre la venue du colonel Kadhafi en grandes pompes - avec panthères et tente dressée dans la cour de l'Hôtel Marigny à Paris - et cette visite sans davantage d'attention que la simple courtoisie diplomatique ?
Comment comparer la visite du couple présidentiel syrien, guidée dans les musées parisiens par le ministre de la Culture de l'époque avec reportage photo officiel dans les pages de Paris Match et de banals entretiens bilatéraux  ?
Comment mettre sur un pied d'égalité les visites officielles et dîners de gala organisés pour l'autocrate-président à vie du Kazakhstan avec ces rencontres presque techniques ?
La visite du roi du Barheïn aurait été « secrète », presque « cachée » à la presse et à la France. A voir la photographie officielle (siglée de la Bahrain News Agency), qui accompagne l'article du moment, rédigé avec 3 semaines de retard, on a peine à croire que cette visite était réellement secrète. Discrète oui, secrète non .
Nadege Puljak, journaliste de l'AFP accréditée à l'Elysée, citée par l'auteur de l'article, expliquait que la presse française n'avait pas été prévenue. Sur son blog Questions d'Orient, Jean-Paul Burdy était revenu longuement sur cette visite le 1er août dernier. Il a vraisemblablement inspiré cette relance du Point. Il s'interrogeait moins sur l'attitude des autorités françaises (« Côté officiel français: mener une realpolitik du  'service officiel minimum'... » ) que sur les raisons du silence médiatique qui suivit. Deux jours plus tard, dans son édition datée du 26 juillet, le Monde publiait un entretien avec le ministre des affaires étrangères du Bahreïn, le cheikh Khaled Bin Ahmed Al-Khalifa, cousin du roi. Le même jour, huit associations humanitaires et/ou de défense des droits de l'homme ont écrit le 26 juillet dernier à la présidence de la République (*)  pour s'inquiéter de la teneur de ces échanges.
Burdy développe une argumentation simple mais fouillée, dont on peut retenir deux points: primo, le gouvernement français a fait le « service officiel minimum ». Secundo, Barheïn est une dictature moins sanglante que les « puissances du Mal » qu'étaient/que sont la Syrie de Bachar el Assad, l'Iran, ou la Libye du colonel Kadhafi. Et la répression des manifestations d'opposition depuis mars 2011 n'a pas faibli, bien au contraire.
La vraie question est moins de savoir si des contacts peuvent avoir lieu avec des dictateurs. François Hollande avait bien rappelé, pendant la campagne qu'il ne couperait pas toute relations diplomatiques avec des dictatures.
La véritable question est le message que l'on envoie à ces dictateurs.

Le reste n'était que paresse ou mauvaise foi.
(*) un courrier reproduit chez Question d'Orient.