Cherchez-vous une lecture agréable à emporter dans vos bagages? En voici une que je vous recommande avec enthousiasme, alternant légèreté et gravité: Mon père était très beau, écrit par Francesco Savio, auteur italien né à Brescia en 1974, libraire et lecteur aux éditions Feltrinelli, passionné de sport. Le cyclisme et le football tout particulièrement.
Il signe avec Mon père était très beau son premier récit. C'est l'histoire de Nicola, un garçon de neuf ans qui a perdu son père Guerrino, n'est pas très bon élève en classe, mais en revanche doué pour le sport qu'il pratique avec son copain Andrea; aussi pour épater Aurora, la plus jolie fille de l'école, aux yeux bleus aussi profonds que l'océan.
Avec la mort de son père, il lui semble tout perdre, et pour commencer ses rêves: ne pas devenir matelassier comme ses parents Guerrino et Leonilde, mais un grand footballeur, à l'image de son idole Michel Platini. Ce maillot-là, un jour, ce serait le mien. Après quelques années passées dans l'équipe de ma ville, j'irais jouer à la Juventus. Certains supporters auraient du mal à digérer mon transfert chez les Bianconeri de Turin mais ensuite, l'idée qu'on ne pouvait refuser la Juventus l'emporterait, en particulier chez ceux qui comme moi avaient eu pour idole dans leur enfance Michel Platini.
Les souvenirs de cette famille unie et sans histoires s'entrechoquent dans sa mémoire: il revoit son père - qui lui fait penser à Fausto Coppi - avec sa bicyclette rouge posée contre un mur, dégustant des marrons chauds tirés de son cornet, ou assis sur le canapé du salon, grillant quelques cigarettes en regardant le Giro; Leonilde l'accompagnant dans une Fiat 127 gris métallisé au centre sportif de la Pendolina; le ballon de foot à l'intérieur de l'appartement que Nicola envoie voltiger au milieu des flacons de parfum de sa soeur Camilla; la tragédie du Heysel où trente-neuf personnes ont perdu la vie; le visage de sa mère enfin, avec, au fond de ses yeux - depuis la mort de Guerrino - des nuages prêts à pleuvoir. Et ce temps trop court qu'il n'a pas eu le temps de partager avec son père.
Ce qui rend ce livre particulièrement touchant, tient à ce qu'il se raconte sous le plume d'un enfant qui nous partage son quotidien dans les années 80, à la fois manque du père, mais de même plaisir de la vie, souvenir heureux et protection affectueuse sous les traits de Leonilde et des contours de sa ville. Une histoire simple comme je les aime:
Je voudrais emporter avec moi plus de choses que ce dont j'arrive à me souvenir. Une foule d'images me reviennent maintenant en mémoire, mais je suis trop pressé et j'en oublie. J'aimerais remplir une boîte avec tous les souvenirs que j'ai. Mais j'aurais alors besoin de plusieurs boîtes et puis d'autres encore où mettre chaque événement que je n'aurai jamais le temps de revivre. Les boîtes seraient si nombreuses qu'à la fin, j'aurais besoin de plus en plus de pièces puis de maisons pour les contenir. Toutes ces boîtes, je les scellerais ensuite avec une cire à cacheter qui pourrait se décoller quand tu seras grand, de sorte que chaque jour où je te manquerai, tu pourrais projeter ma vie dans ta chambre, avec un mur pour écran et photogramme, chacun de mes souvenirs.
Francesco Savio - grand amoureux de la littérature - aux dires de son éditeur, regarde tous les dimanches un match de foot au stade ou à la télévision, ce qui n'étonnera personne. L'an dernier, avec Antonio Gurrado, il a publié Anticipi, posticipi, consacré... au football!
Francesco Savio, Mon père était très beau (Le Dilettante, 2012)
image: Michel Platini (oldschoolpanini.com)