Titre original : Bel Ami
Note:
Origine : Royaume-Uni/Italie
Réalisateur : Declan Donnellan et Nick Ormerod
Distribution : Robert Pattinson, Uma Thurman, Christina Ricci, Kristin Scott Thomas, Philip Glenister, Colm Meaney…
Genre : Drame/Romance/Adaptation
Date de sortie : 27 juin 2012
Le Pitch :
Georges Duroy, ex-soldat analphabète vivant dans la pauvreté, revient à Paris et retrouve un vieux compagnon de régiment, Charles Forestier. Rédacteur politique à La Vie Française, celui-ci décide de l’aider. Georges devient chroniqueur, fréquente les milieux mondains, rencontre des hommes influents, et se rend vite compte que le meilleur moyen de s’enrichir et de conquérir le pouvoir, est de séduire les épouses de ces derniers : parmi elles, Madeleine Forestier, Clotilde de Marelle et Virginie Rousset. Mais alors qu’il gravit les échelons de la société via le lit des femmes, il découvre que l’ascension au pouvoir ne sera pas sans quelques conséquences sur sa vie personnelle…
La Critique :
Vous vous souvenez de Bel Ami ? Pour beaucoup de personnes, Il s’agit du bouquin qu’utilisent les professeurs de français pour bassiner leurs classes. Mais il s’agit aussi d’une œuvre fascinante du célèbre auteur Guy de Maupassant, qui retrace l’ascension sociale d’un journaliste ambitieux, à travers la finance, la presse et la politique, grâce à ses idées et à son pouvoir de séduction qui l’aident à conquérir des femmes aristocrates. Entre satire d’une société corrompue par l’argent, scandales politiques du XIXème siècle et anecdote réaliste sur la presse parisienne et l’influence des femmes dans des domaines qui leur était quasi-inaccessibles à l’époque, Bel Ami reste un roman important, dont le message est encore d’actualité aujourd’hui.
Mais la leçon de culture s’arrête là, puisque l’adaptation 2012 ne s’intéresse pas à de telles choses, mais plutôt à l’énigme qu’est Robert Pattinson et à cette question mystérieuse qui le suit depuis la saga Twilight. Pourquoi un acteur dont le jeu par défaut consiste à tirer passivement la tronche se voit-il toujours confié le rôle de l’homme irrésistible aux yeux des femmes ? On a déjà beaucoup de mal à accepter qu’une teenager qui patauge dans sa propre naïveté, tombe inexplicablement amoureuse de sa version vampirique de James Dean, mais dans Bel Ami, il séduit les trois beautés les plus puissantes de la société parisienne -no problemo- malgré le fait que son personnage n’a pas un rond, ne possède aucun talent, et a le niveau de conversation d’une planche en bois.
En surface, Bel Ami a tout du drame historique ennuyeux à se tirer une balle, mais rien ne prépare le spectateur au désastre qu’est le résultat final. Les seuls points positifs qu’on peut réellement attribuer au film sont les décors. C’est clair que tout le monde dans l’équipe de production a vraiment bossé un max. Une équipe qui peut être fière de sont travail : d’un point de vue strictement, Bel Ami est un chef-d’œuvre. L’attention perfectionniste apportée aux détails de la période, permet aux personnages de peupler un monde qui est d’une crédibilité élégante. Mais on ne juge pas les long-métrages uniquement sur leurs valeurs techniques, et si le meilleur qu’on puisse dire à propos d’un film se résume à ses qualités visuelles, c’est qu’il y a un sérieux problème quelque-part.
L’argument est peut être un peu facile, mais la faute en revient surtout à l’erreur de casting qu’est Robert Pattinson. Il faut certainement applaudir les efforts de l’acteur pour s’introduire dans le cinéma indépendant, mais de telles tentatives donnent inévitablement l’impression que Robert essaye juste de sauver sa carrière post-Twilight. Le fait que son talent s’est montré jusqu’ici très limité, n’arrange pas les choses : son air inexpressif est au mieux adéquat pour ses rôles dans le désastreux Cosmopolis ou dans l’émouvant mais néanmoins malavisé Remember Me, et au pire lamentable, comme pour son interprétation de ce cher Edward. Dans Bel Ami, R-Patz (apparemment, c’est comme ça qu’on l’appelle, maintenant) déçoit affreusement, transformant ce qui devrait être un personnage séducteur et rusé, en pervers dénué de charme et de profondeur. Même sourire, c’est trop dur pour le pauvre Pattinson : par la faute à la paralysie musculaire qui semble tourmenter son visage, on dirait que la grimace maladroite qu’il fait aux dames est sa propre façon inquiétante de dire « ouistiti ».
Le trio des trois excellentes actrices que sont Uma Thurman, Christina Ricci et Kristin Scott Thomas fait ce qu’il peut avec l’acteur et le film. Ricci et Thurman en particulier, bénéficient de rôles bien plus étoffés que d’habitude et surprennent avec des prestations matures et chaleureuses. On ne peut pas en dire autant de Kristin Scott Thomas, qui a bien montré son talent extraordinaire ailleurs, et qui se voit ici bien mal servie, avec son personnage potiche, naïf et transparent. Dans le cadre du film, Georges Duroy séduira les trois femmes, aura deux mariages (un avec la fille de l’une des dames), piquera sa crise et se comportera généralement en gros connard. Les femmes sont toutes élégantes et intelligentes, elles savent comment fonctionne le monde, et connaissent bien les (més)aventures de Georges. Alors pourquoi le trouvent-elles beau gosse ? Pattinson est plein de choses dans Bel Ami, mais certainement pas séduisant. Et c’est cet échec qui fait chavirer le film.
Concernant l’intrigue, elle reste peut-être assez fidèle au bouquin, mais se contente simplement d’en tracer les grands traits. Le scénario est comme un brouillon de l’histoire, privilégiant les liaisons amoureuses de Duroy et des scènes de sexe pudiques qui manquent cruellement d’érotisme, en oubliant le reste. Des références sont faites timidement aux préparations de l’invasion française au Maroc, mais la façon dont cette sous-intrigue politique est représentée à l’écran, embrouille et déconcentre le spectateur. On ne ressent pas l’impact de qui fait quoi, et pire encore, on s’en fout. Dommage, puisque c’est un fil narratif qui devient crucial pour le dénouement, et on sent qu’il y a au moins quelqu’un derrière ce bordel, qui a voulu faire passer une réflexion sur la prédominance de la réputation au détriment du talent, ainsi que sur le profit de la guerre. Mais la mise en scène « vite-fait-mal-fait » et le désintérêt qu’apporte le film à nous donner une raison de s’investir est un bel exemple de narration bâclée.
Bel Ami enchaîne les séquences décousues, peuple son monde magnifique avec des personnages détestables, et raconte une histoire qui, pourtant riche dans le monde littéraire, s’avère ici inintéressante. À la fin, seule demeure l’apathie. Plus qu’une adaptation pourrie, Bel Ami est une opportunité manquée, surtout lorsque son message de décadence sophistiquée est encore pertinent aujourd’hui. Pour bien comprendre un tel bordel, revenons au début du long-métrage, où le plan d’ouverture pompe gratuitement sur les œuvres de Chaplin, parmi d’autres : l’homme sans un sou qui regarde avidement les riches en plein repas à travers une vitrine de restaurant. Dans son petit grenier, une croûte de pain, une piètre chandelle, et la rancune sont ses seuls amis. Brillant de subtilité, le film balade la caméra sur des plats chauds de crevettes et d’homards pour ensuite les contraster avec le cafard dans l’appart de Georges qui lui sert de colocataire. Histoire de s’assurer que les débiles au dernier rang ont bien compris…
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Redwave Films