Ces chercheurs mettent en garde, dans l‘édition du 30 juillet du Journal of Bioethical Inquiry, sur l'utilisation de la dexaméthasone, un corticoïde, chez les femmes enceintes à risque de porter un fœtus de sexe féminin affecté par une hyperplasie congénitale des surrénales (HCS). Cette intervention a pour objectif de prévenir une virilisation du fœtus féminin et autres symptômes comme des anomalies des organes génitaux à la naissance ou l'hyperandrogénie dans l'enfance. Problème, ce traitement est hors AMM et n'est étayé, selon les auteurs, par aucune preuve scientifique.
L'hyperplasie congénitale des surrénales (HCS), caractérisée par une insuffisance de production de cortisol et d'une production excessive d'androgènes surrénaliens, regroupe les affections liées à une anomalie de la biosynthèse des hormones surrénaliennes. Elle touche environ 1/14.000 naissances. Chez les filles, elle entraîne des anomalies des organes génitaux dès la naissance et dans l'enfance, une hyperandrogénie chronique qui peut entraîner une accélération de la vitesse de la croissance et de la maturation osseuse pouvant entraîner une perte définitive de taille.
Un traitement « à l'aveugle » : Les femmes génétiquement identifiées comme étant à risque d'HCS sont traitées par dexaméthasone, un stéroïde synthétique, dès la 5è semaine du premier trimestre pour tenter de «normaliser» le développement du fœtus. Parce que le médicament doit être administré avant même de savoir si le fœtus est de sexe féminin ou atteint d'HCS, seul un fœtus sur 8 traités est une cible réelle de traitement. Cette intervention thérapeutique n'empêche pas l'HCS mais permet de normaliser le développement des organes génitaux.
Comme le diéthylstilbestrol (DES) un œstrogène de synthèse prescrit (jusqu'en 1980 en France) pour prévenir de risque de fausse couche et qui sera reconnu comme responsable d'accouchements prématurés et sur la descendance exposée in utero de troubles de la fertilité et de cancers, la dexaméthasone est un stéroïde synthétique connu pour traverser la barrière placentaire et modifier le développement du fœtus. Les experts estiment que la dose de corticoïdes qui atteint le fœtus est de 60 à 100 fois, la dose absorbée par le corps de l'adulte.
C'est un véritable réquisitoire qui alerte aujourd'hui sur
· l'utilisation aux Etats-Unis, hors AMM de ce traitement, sans essais cliniques prospectifs suffisants, à risque élevé et pour des fœtus qui, à 90%, n'en bénéficieront pas,
· en l'absence de preuves de sécurité suffisantes, et pour la mère et pour l'enfant,
· l'absence d'interdiction de l'utilisation de ce traitement par la US Food and Drug Administration (FDA), car recommandé par un clinicien sans aucun lien d'intérêt avec le laboratoire fabricant,
· des données parues dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, annonçant un taux de près de 20% d'événements indésirables graves chez les enfants exposés in utero.
· Sur l'objectif déclaré de certains cliniciens de réduire, avec ce traitement, le risque de lesbianisme et de bisexualité, décrits comme une «masculinisation des comportements »,
· Sur l'incapacité-disent les auteurs- des systèmes de surveillance américains à prévenir d'autres « tragédies » comme celles du distilbène ou thalidomide impliquant des femmes enceintes et leurs fœtus.
Source: Journal of Bioethical Inquiry Online 30 juillet 2012 DOI: 10.1007/s11673-012-9384-9 “Prenatal Dexamethasone for Congenital Adrenal Hyperplasia An Ethics Canary in the Modern Medical Mine”