Article épatant dans Libération de ce lundi de Pâques, page 14 : « Comme l’artiste, le salarié doit être autonome, flexible, inventif ». Vous trouverez sur le site de Libération, l’interview du sociologue, ethnologue Marc Perrenoud accordé à Sonya Faure. Il ne fait que renforcer mes convictions sur la nécessité de faire entrer plus encore la musique dans la vie de l’entreprise ! Il y a matière à discussion… alors discutons et contestons !
D’abord, il y a la sémantique. Effectivement de plus en plus de mots du domaine artistique sont utilisés dans la vie de nos entreprises : talents, inspiration, liberté, harmonie, battre au rythme des changements, avoir le bon tempo, etc.
Mais, la musique c’est aussi la révolte, la contestation, la volonté de ne pas rentrer dans des cases, des normes. Etre musicien c’est aussi être pauvre, humilié ou enterré dans une fosse commune.
Ensuite, il y aussi des postures managériales qui ne sont pas éloignées, « la remise en cause » et « l’improvisation ». Les propos de Perrenoud font « mouche », notamment quand il se réfère au storytelling management (cf avant dernier post). Raconter des histoires encore et toujours aux collaborateurs pour leur donner l’illusion de croire qu’ils sont les meilleurs. Vous savez déjà ce que je pense de ce discours ! Et je persiste, cher Perrenoud, oui, on peut « emporter » ses collaborateurs sans les manipuler. Je le redis car j’ai de la chance de connaître des manageurs qui ne me demandent pas de manipuler leurs équipes, mais de les aider à mieux expliquer, ce n’est pas la même chose.
Revenons à « l’improvisation »… c’est parce que l’improvisation est la chose la mieux préparée qu’un artiste peut en quelques secondes improviser n’importe quel morceau de musique. Il connaît les notes, il connaît son instrument, et l’inspiration fait le reste ! Pas facile à comprendre, mais tellement vrai ! Et bien il en est de même pour un collaborateur ! S’il maîtrise les fondamentaux de ses sujets, il saura improviser. Pas facile à admettre, non ?
Enfin, il y a tout ce qui est du domaine de l’individuel et du collectif. Là, je diverge complètement de l’opinion du sociologue qui rapproche la loi de modernisation du marché du travail à « l’idéologie du talent, c’est-à-dire une naturalisation des inégalités ». Rien n’est plus égalitaire que la musique. Les musiciens sont avant tous des personnes qui mettent en avant les valeurs de solidarité, de partage.
Je n’évoque pas ici le business autour d’eux, non j’évoque les « musicos » ! Un musicos n’est pas individualiste, un musicos n’aspire pas à prendre la place d’autrui pour le plaisir de prendre sa place.
Les musicos que je connais, ils savent se tenir dans l’entreprise. Ils apportent même de la joie de vivre, des raisons d’espérer. Je me souviens même d’une chorale Métalyrique qui est née, il y a une dizaine d’années pour redonner de la vie, pour enthousiasmer les 1200 collaborateurs du groupe Usinor à l’époque. Pendant la Saint Eloi, pendant les fêtes du personnel, ils étaient avec le moral ou pas, ils redonnaient de l’âme à notre vague à l’âme. Morale de cette histoire, Usinor n’existe plus depuis 2002… Arcelor n’existe plus depuis 2006… et la chorale Métalyrique elle est toujours là…dans le groupe ArcelorMittal… la musique est toujours là, elle ne meurt jamais.