Je m’étonne parfois des réactions de mes correspondants ….Et inversement c’est de leur absence de réactions aussi parfois que je m’inquiète ! Voici par exemple deux choses qu’ils auraient dû me reprocher ;
1 « Voyons Olivier, à quoi cela rime-t-il de vouloir condenser des bosons telsque des photons par exemple….Tout le monde sait maintenant que dans un rayonnement laser tous les photons sont dans le même état quantique et marchant, comme vous le dites, au même pas cadencé ! Qui a-t-il donc de si nouveau ? »
2 « On a l’impression que ce sujet ,c’est un peu l’invention du fil à couper le beurre !On se doute bien que la condensation par un froid extrême de quoi que ce soit de matériel va amenerles atomes à se retrouver dans l’état quantique fondamental ou peu s’en faut et forcémentse regrouper? Et au fond la vraie difficulté physique expérimentale ne résidait elle pas dans l’astuce à en trouver les moyens ?( E t c est le mérite de notre françaisC.COHEN TANNOUDJI) »
Je vais donc essayer de vous montrer aujourd’hui davantage l’intérêt scientifique et industriel de ce type de condensat……..
Ne croyez pas chers amis lecteurs qu’ on peut réaliser facilement et économiquement des lasers puissants avec n’importe quoi et surtout installés sur N’IMPORTE QUELLE longueur d’onde précise …. C’est pourquoi tous les moyens sont bons pour développer la technique …L’idée d’utiliser le principe de BOSE- EINSTEINétait intéressantemais refroidir les photons c’est difficile car si chaque photon transporte une faible quantité de mouvement, lorsque un photon est absorbé par un atome, il donne cette quantité de mouvement à l'atome et il disparait !
Les physiciens de Bonn Jan Klärs, Julian Schmitt, Frank Vewinger et le Professeur Martin Weitz ont surmonté ce problème et créé un « milieu émollient mais ajustable ».Pour ce faire ils ont utilisé des miroirstrès réfléchissants entre lesquels ils ont projeté en continu un faisceau de lumière.( pas obligatoirement un laser) Il y avait entre les surfaces réfléchissantes des molécules de colorant dissoutes qui entraient régulièrement en collision avec les photons. Lors de ce processus des transitions se produisent et les photons abandonnent ou reçoivent de petites quantités d'énergie. Ces interactions finissent par les refroidir à la température ambiante ! Puis les physiciens ont augmenté la quantité de photons entre les deux miroirs en stimulant au laser la solution de colorant. Ils ont ainsi obtenu une concentration de corpuscules de lumière si forte que ceux-ci se sont condensés de manière à former une sorte de «macrophoton froid».
Alors là, mon candide de petit fils (qui passe ses matinées de vacances à dormir ici ,dans notre ile)se réveillerait : « Mais PAPY ? Tu m’as toujours dit que ce qui donne l’énergie à tes photons, c’est leur vitesse et surtout la petitesse de leur longueur d’onde !! »
« -Et alors PIERRE , en quoi cela les empêcherait-il de se compacter en bon ordre comme ces régiments en blocs profonds au 14 juillet ? »
Ce condensat photonique de Bose-Einstein est en effet une toute nouvelle source de lumière présentant les mêmes propriétés que le laser. Mais contrairement au laser il a un avantage de taille : « A l'heure actuelle nous ne sommes pas en mesure de fabriquer facilementtout type de laser qui produise de la lumière à ondes courtes –comme les UV par exemple- ou la lumière utilisée en radiographie », ajoute Jan Klärs. « Avec un condensat photonique de Bose-Einstein cela devient possible »
Disposer d’un laser à ondes très courtes ouvre de nouvelles possibilités, en microélectronique notamment. Les puces sont par exemple sculptées avec un laser et plus sa longueur d’onde est petite et plus la gravure sera fine. Avec ce nouveau dispositif, il devrait être en principe possible de caser sur la même surface de silicium, matière première des puces, des circuits électroniques bien plus complexes. Cela donnerait naissance à une nouvelle génération de puces hautement performant
Venons en a la deuxième remarque :refroidir les atomes par laser , ce n’est pas le fil à couper le beurre puisqu’on a utilisé au contraire les lasers pour couper des matières solides en les brulant !
La température des atomes est liée à leur vitesse. Plus un atome se déplace rapidement, plus il est chaud. Refroidir un atome c’est donc avant tout savoir ralentir un atome. Or à température ambiante, la vitesse d'un atome lambda dans un gaz est de l'ordre de 150 m/s (500 km/h).
Ainsi que je l’ai dit, chaque photon d'un laser transporte une faible quantité de mouvement. Lorsqu’un photon est absorbé par l'atome, il donne cette quantité de mouvement à l'atome. En d'autres termes, si un photon rencontre de front un atome, celui-ci est ralenti: on appelle cette force la force due à la pression de radiation.
Les millions de photons par seconde délivrés par un laser suffisent à freiner un atome. L'effet peut être comparé d’abord aux molécules d'air freinant un parachute …..Ces photons sont réémis dans une direction aléatoire, si bien que leur contribution à la vitesse de l'atome s'annule.
Mais une fois les atomes arrêtés, l’effet est directionnel :la force continue de s'appliquer. Par conséquent, l'atome fait demi-tour et accélère. Pour refroidir les atomes (c'est à dire les arrêter) on utilise l’effet Doppler. Quand l'atome est en mouvement, on utilise deux lasers de sens inverse ! L’effet Doppler modifie la fréquence apparente des deux ondes. L'onde qui va dans le même sens que l'atome voit sa fréquence diminuer, tandis que celle qui va en sens opposée voit sa fréquence augmenter. Comme la fréquence des lasers est décalée vers le rouge, l'atome absorbe préférentiellement les photons opposés à son mouvement, et donc quelle que soit le sens dans lequel il se déplace, il est ralenti. On appelle cela d’un terme de cuisine : une « mélasse » Doppler !
De surcroit, il faut utiliser des astuces supplémentaires : le piège magnéto-optique. Car la principale faiblesse de la mélasse Doppler vient de l'absence de force de rappel qui permettrait non seulement de ralentir les atomes, mais aussi de les confiner dans une région précise de l'espace. L'ajout d'un gradient de champ magnétique judicieux permet de remédier à ce problème.
Au centre du piège, le champ magnétique est nul, les deux forces de radiation se compensent exactement: un atome immobile au centre du piège y reste. En revanche, lorsque l'atome n'est pas au centre, l'effet Zeeman lui fait préférer les photons de l'onde qui le pousse vers le centre. On a ainsi créé une force de rappel qui regroupe les atomes au centre du piège
Grâce à ces techniques de refroidissement laser, le physicien sait maintenant ralentir certains atomes à des vitesses de l'ordre du cm/s, voire moins (quelques dizaines de mètres à l'heure). Croyez-moi : ça valait bien un Nobel !