Nous devons nous aimer beaucoup moins que nos oeuvres.
Elles sont notre honneur et notre dignité.
Pour elles affrontons les dragons et les pieuvres,
Le doute, la souffrance et l’horreur du Léthé.
Oh ! nous ne serions rien qu’une détresse noire
Sans ce pouvoir qu’un sort splendide nous donna
De modeler le songe en des formes de gloire
Et d’en peupler l’Éden, l’Olympe et le Sina.
Notre seul prix nous vient de notre sacrifice
À la sublimité que conçoit notre coeur.
Et celui-là qui souffre et meurt pour son service,
Les survivants le louent d’une immense clameur.
Ô poète ! nourris de ton sang tes poèmes.
Peintre, brûle tes yeux sur d’intenses accords.
Et toi, musicien, génie aux tempes blêmes,
Pour que résonne l’âme, épuise un frêle corps.
Surmenés d’idéal et consumés de rêve,
Aimés des dieux, entrez jeunes dans l’éternel,
De larges flammes d’or, sans éclipse, sans trêve,
Du fond de vos tombeaux monteront vers le ciel.
René-Albert FLEURY (Né en 1877).
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