Le vieillissement de la population et la chute démographique attendus dans les principaux pays riches, loin de rester indolores, font peser une bien sombre menace sur notre avenir. Nous tentons, dans cet article, de mettre en perspective ce phénomène et l’incapacité des décideurs politiques à comprendre les grands enjeux du siècle.
Par PLG.
Nombreux sont les articles, chroniques et autres romans d’anticipation qui, chacun à leur manière, tentent d’imaginer avec plus ou moins de talent ce à quoi ressembleront les sociétés humaines à la fin du XXIè siècle. En la matière, nul ne surpassera jamais le Grand Devin Jacques Attila, qui avait tout prévu : la mondialisation, l’éveil de la Chine, la crise. Même la fin des Dinosaures. Il avait aussi prévu le contraire. Passons. Il ne s’agit donc pas ici d’imaginer surpasser le Maître mais simplement, à partir des éléments que nous connaissons, de mettre en perspective le phénomène de vieillissement de la population et l’incapacité des décideurs politiques à comprendre les grands enjeux du siècle. Catastrophe en vue !
C’est un fait, nous vieillissons. Pas seulement nous, mais les populations en général. Ce phénomène est connu de l’ensemble des pays développés, rejoints depuis par les pays émergents, la Chine étant l’exemple le plus souvent cité. Rappelons brièvement les deux raisons fondamentales qui expliquent l’augmentation de l’âge moyen des individus :
- L’augmentation de l’espérance de vie tout d’abord : nous vivons de plus en plus vieux, gagnant en moyenne un trimestre par an. Ceci nous mène à une espérance de vie moyenne pour les hommes de 80 ans en Suisse, presqu’autant pour le Japon, et près de 78 pour la France. Pour les femmes, rajoutez de deux à 7 ans. Les progrès de la médecine, l’absence de carences alimentaires, etc., bref le progrès continu des sociétés riches et émergentes depuis 50 ans a conduit à repousser sans cesse l’heure fatidique
- La baisse de la natalité : si la France, avec près de 2 enfants par femme, s’approche du renouvellement démographique (fixé à environ 2.1, du fait que certains individus meurent avant d’avoir des enfants, sans compter ceux qui n’en auront pas/ne peuvent en avoir), d’autres pays comme la Suède ont un indice de 1.66 seulement. Allez savoir si les inventeurs d’IKEA ont oublié le mode d’emploi des bébés ! L’indice le plus faible est celui de nos voisins allemands, à peine 1,3. En Chine, le cas est un peu particulier puisque la politique de l’enfant unique a artificiellement bridé la natalité, qui s’établit malgré tout à 1,7, mais avec une surreprésentation masculine.
Pour plus de détails, vous pouvez consulter ce rapport complet du CNRS.
Il serait parfaitement illusoire d’essayer d’anticiper l’ensemble des bouleversements attendus d’ici la seconde moitié du XXIè siècle. Dessinons simplement les grandes lignes de ce qui nous attend, et de ce qui ne nous attend pas.
- Pardon pour les optimistes, mais non la baisse de la natalité ne conduira pas à une amélioration de l’emploi. Ce pur sophisme économique que Bastiat aurait pu détricoter repose sur une vision « stock » du travail, tel un butin que l’on partagerait entre nous. L’idée est simple, il est vrai : avec la baisse de la natalité, les bras vont finir par manquer sur le marché du travail, ce qui conduira mécaniquement à faire baisser le chômage. Sauf que cette vision simpliste, à l’origine de bêtises comme les 35h, ne résiste pas à l’analyse. Le travail est un flux. Travailler entraine un effet d’entrainement. En clair, travailler entraine les autres à travailler.
- Quant à ce qui nous attend, cela dépendra de nombreux paramètres. Le premier élément fragilisé, c’est bien sûr les systèmes de retraite. Si les systèmes par capitalisation sont relativement déconnectés des structures démographiques, ce n’est évidemment pas le cas pour les systèmes par répartitions, où les actifs d’aujourd’hui cotisent pour les inactifs de la même période. En la matière, la réforme des retraites initiée par le Gouvernement Fillon en 2008 ne fait que légèrement repousser l’échéance, sans régler la question. L’incapacité des « décideurs » (sic) politiques à apporter les bonnes réponses à cette épineuse question ne concerne malheureusement pas que la France, mais la plupart des pays développés (cf. les exemples de la Belgique, ou encore du Canada).
Mais tout ceci, nous le savons déjà, me direz-vous. Alors pourquoi cet article ?
Le problème est qu’au-delà des problèmes techniques que pose le vieillissement des populations, personne ne semble poser une question importante : comment vont réagir les États face à la décroissance qui s’annonce. Mais quelle décroissance ? Imaginons, pour une année donnée, que le PIB par tête d’un pays augmente faiblement, 1.5%. Dans le même temps, la population qui a dépassé son pic, diminue de 2%. Le calcul est simple : le PIB global baisse d’environ 0.5%. La richesse par individu a bien augmenté, et l’effet de décroissance n’est qu’un trompe-l’œil.
Or, à force de ne penser qu’au collectif et jamais à l’individu, les hommes politiques ont fondé toutes leurs politiques sur des données macroéconomiques, PIB en tête. Et comme la crise l’a une fois de plus démontré, le réflexe épidermique des Gouvernements, en cas de baisse du PIB, est de vite concocter un plan de relance, si possible massif et ruineux, conduisant à une intervention encore plus grande de l’État, donc à un marasme encore plus grave. L’on pourrait donc se retrouver avec une situation absurde où le niveau de vie de chacun s’accroît, mais entraine une intervention néfaste, doublement injustifiée, de l’État.
Certains répondront peut-être que le PIB d’une nation n’est pas sans importance, puisqu’il contribue à définir la puissance diplomatique de celui-ci. Or, un plus grand pouvoir de négociation entraine plus de chances de remporter les bras de fer qui se jouent régulièrement à l’OMC. Mais là encore, l’analyse se confronte difficilement aux faits. Le Luxembourg, aussi petit soit-il, n’a jamais particulièrement subi les contraintes de sa taille. Il en va de même de la Suisse, et ce ne sont que les exemples les plus connus. Vaut-il mieux vivre comme un Luxembourgeois moyen ou un Chinois moyen ? Le choix semble vite fait. Seule devrait être prise en compte la richesse produite par habitant.
Quelle serait alors la bonne réaction ?
Bien que l’exemple donné plus haut puisse sembler très hypothétique, des pays comme la Chine ou l’Allemagne pourraient y faire face aux alentours de 2040-2050, soit d’ici une génération. Mais même sans cela, il y a fort à parier que de nombreux pays développés, notamment en Europe, vont passer par des périodes intermédiaires de transition, marquées par une diminution de la population et une croissance faible du PIB global. Celles-ci vont demander aux principaux acteurs de revoir leur schéma de pensée. Les États devront faire accepter l’idée que, parallèlement à la baisse du nombre d’emplois dans le secteur privé, le secteur public devra, lui aussi, réduire ses effectifs. Malheureusement l’actualité ne prête pas à rêver car même dans des situations d’extrême urgence comme en Grèce, où la réduction d’effectifs publics est une nécessité absolue, celle-ci n’a pas lieu, contrairement à tout ce qui est faussement étalé dans les grands médias.
Et que penser des grandes entreprises, telles Renault, PSA ou tant d’autres ? Dans un monde idéal, celles-ci réduiraient petit à petit leurs effectifs. Mais ce cas de figure semble optimiste tant les blocages et rigidités sur le marché du travail semblent fortes. Une chose est certaine, le vieillissement de la population, et la chute démographique attendus dans les principaux pays riches, loin de rester indolores, font peser une bien sombre menace sur notre avenir…