Festival Beauregard, Hérouville-Saint-Clair, du 6 au 8 juillet 2012
Le constat est de plus en plus incontestable et consternant : chaque été, les line-up des grands raouts estivaux français sont de plus en plus insipides et surtout atteints d’une gémellité témoignant d’un cruel et croissant manque d’imagination. À partir de là, il devient aisé de s’intéresser à ceux qui osent ajouter un peu de piment et quelques gouttes d’exigence dans leur programmation. Dans ce contexte, le Festival Beauregard s’était quelque peu démarqué à mes yeux de ses congénères. Je ne vais pas vous mentir, on était quand même très loin du sans faute : il fallait sérieusement séparer le bon grain de l’ivraie, mais la présence des Tindersticks, de Death In Vegas ou encore d’Other Lives, ajouté à mon désir de sortie au grand air en ce début d’été, auront suffi à me faire passer le pas. Et si vous ajoutez à cela le fait que le festival est organisé dans le parc d’un château gothique du 19ème siècle, qui servit jadis à l’ORTF pour ses colonies de vacances, ma curiosité s’en retrouvait tout de même un peu aiguisée.
Rendez-vous fut donc pris pour une petite escapade musicale en Normandie, avec des objectifs très simples : profiter des quelques concerts que nous avions ciblés, et éviter ceux qui nous donnaient la nausée par avance, en en profitant pour découvrir l’ambiance générale et l’environnement de ce festival qui nous était encore inconnu. La mission sera donc, en fin de manifestation, partiellement remplie.
Avec un seul concert noté dans notre agenda le premier jour, on n’allait, en tous les cas, pas être débordés. On en profita donc, en attendant le passage de The Kills, pour baguenauder à droite et à gauche et profiter des réjouissances habituelles : autrement dit, le bar. Le premier constat sera positif : nous bénéficierons d’une part d’un accueil sans faille du festival, qui sait recevoir. D’autre part, le site se révèle effectivement superbe – parc verdoyant, nombreux arbres, vue sur le château – et on s’y sent forcément plutôt bien. Dommage que les momies de Killing Joke aient décidé dès ce vendredi de nous polluer les oreilles – et les yeux – avec leurs chansons lourdingues et datées. Les Kills, bien plus tard dans la soirée, réussiront heureusement à nous livrer un peu de contenu musicalement parlant : si on a craint le pire au départ avec la présence de percussionnistes semblant tout droit débarqués d’une galère romaine, VV et Hotel déploieront ce soir-là une énergie et une complicité qu’on n’avait plus vues depuis un bon moment. Une setlist sans surprise mais vouée à une certaine efficacité, qui trouvera son climax avec un Black Balloon ravageur. Ce sommet des Kills sera aussi pour nous celui de la soirée, tant Metronomy, sensé clôturer par la suite les hostilités en surfant sur la vague du succès de son récent second album, ne provoquera chez nous qu’une indifférence polie : cheap, désincarné, ce groupe, sur scène, nous laissera définitivement de marbre, comme au premier jour lors de leur passage inaugural aux Transmusicales de Rennes, il y a déjà quelques années. Gageons même que si Hot Chip n’avait pas annulé sa venue au festival, ces derniers auraient donné aux nouvelles stars du Devon une sacrée leçon…
C’est sur ces profondes considérations qu’il sera temps de plier bagage ce soir-là, avant une seconde journée un peu plus consistante, avec un programme déjà plus copieux.
Tout commencera d’ailleurs plutôt bien, avec le passage d’Other Lives, qui nous livrera un concert tel qu’on l’attendait de leur part : fin et délicat, à l’image de celui donné un an plus tôt à La Route du Rock. Les Américains rendent justice sans problème à leur récent et très bel album Tamer Animals, et ravira le public restreint qui fut assez curieux cet après-midi-là pour venir les écouter dès l’heure du goûter. Dominique A, lui aussi, réussira à nous embarquer dans les méandres de son nouvel album, soutenu sur scène avec brio par des cordes et autres instruments à vent donnant une belle patine à ses récents titres. On retournera sans problème l’écouter dans quelques jours à Saint-Malo… Il fut alors temps d’organiser notre évasion avant l’arrivée de l’horrible Izia, pour mieux revenir, après un apéro vite expédié, vérifier si les Kaiser Chiefs étaient toujours aussi survoltés. Non pas que leur dernier album, plutôt très moche, ait provoqué chez nous une envie irrépressible de les ré-écouter. Mais ce groupe a tellement servi la cause pop avec deux premiers opus en forme d’usine à tubes qu’il aurait été injuste de ne pas leur prêter attention. Grand bien nous en ait pris : les nglais enfileront sans relâche leurs perles passées, qui n’ont décidément pas pris une ride. C’est sans surprise, mais c’est efficace, fédérateur, ça fait du bien, et on ne boudera pas notre plaisir.
Puis vint la tragédie de la soirée : alors que les merveilleux Tindersticks se présentaient sur scène pour nous faire profiter de leur dernier chef d’œuvre, The Something Rain (lire la chronique ici), une pluie battante nous obligera à nous réfugier à l’abri, et gâchera sérieusement le moment de magie qui nous était promis. Saleté de pluie. Dégoûtés par ce coup du sort, on restera par la suite bien planqués au bar, noyant notre chagrin dans la dive bouteille. Ça n’était de toute manière pas Jean-Louis Aubert qui allait réussir à nous sortir de notre torpeur… Mais finalement, peu importe : un autre grand moment nous attendait le lendemain : Death In Vegas, de passage un dimanche à 16h, ça allait valoir son pesant de tarte normande…
Et on était donc forcément au rendez-vous, pour ce qui restera pour nous LE concert du festival : malgré l’heure, Richard Fearless livrera un set puissant, radical, apocalyptique, comme s’il était trois heures du matin, devant un public familial et médusé qui n’avait pas l’air de vraiment comprendre ce qui lui arrivait. Surréaliste et jouissif. Avec une mention spéciale à une Aicha méconnaissable et hypnotique. Il ne nous restait plus alors qu’à profiter sagement de nos dernières minutes sur place, soulagés que nos attentes dominicales n’aient pas été déçues. On aura tout juste le temps de croiser les fossiles de Garbage qu’on écoutera, même si l’extase ne sera pas au rendez-vous, avec un certain plaisir coupable, notre cerveau associant les vieux tubes du groupe à nos lointaines – mais pas forcément regrettées – années adolescentes : rendez-vous compte, je me rappelais des paroles de Stupid Girl…
Remerciements : Vianney (Disc Over) , Laurent.