Né en 1973 d'un père brésilien et d'une mère française, Régis de Sà Moreira a beaucoup changé de lieu d'habitation. Son nouveau bouquin, La Vie, est son cinquième roman.
Le livre m’ayant été offert, je n’en savais rien quand je l’ai ouvert ce qui explique ma surprise, car ce n’est pas un bouquin comme un autre. Il ne s’agit pas d’un roman dans le sens classique du terme, avec quelques personnages plongés dans des situations voulues par l’auteur et dont on suit les aventures.
Imaginez plutôt un long et unique travelling du début à la fin de l’ouvrage. Ca m’a rappelé une publicité diffusée par la télévision il y a plusieurs années, pour une banque je crois, dans un long mouvement de caméra et accompagnés d’une belle musique, nous passions d’une saison à l’autre avec des personnes ordinaires dans leurs occupations de vies ordinaires. C’était très beau et très simple. Ce livre de Régis de Sà Moreira, c’est exactement cela. Sous la forme de couplets de quatre ou cinq lignes, c'est-à-dire deux ou trois phrases maximum, nous suivons ce qui ressemble à un relai verbal, chaque couplet étant la voix ou la pensée d’un personnage différent, laquelle entre en résonnance avec le personnage suivant, et ainsi de suite, du début jusqu’à la fin du roman. Et c’est magnifiquement réussi !
Ce petit livre ne fait que 120 pages mais il pourrait en faire 1000 ce serait pareil. Vous pouvez le lire de la première à la dernière page comme un roman « normal », ou bien le prendre en plein milieu, ou plus fort encore, commencer par la fin pour remonter au début ! Ca paraît ahurissant dit ainsi et vous pouvez penser que le texte doit être bien décousu, mais pourtant c’est sensationnel. Ce qui m’épate réellement, c’est que tout est d’une simplicité quasi banale mais le ton employé par l’écrivain est remarquable. Par sa concision d’abord, en deux phrases, un personnage que nous ne recroiserons pas, est campé, une situation est posée, tout est dit et hop ! on passe au suivant. C’est toujours très léger dans la manière – même si parfois s’exprime la voix d’une violée, d’un enfant battu, d’un mort…- et c’est aussi extrêmement drôle « Je me demande pourquoi je garde des tables dans mon restaurant, les clients n’achètent plus qu’à emporter. » De belles réflexions jaillissent aussi comme des pépites, « La réalité n’a aucune chance contre l’imagination » ou bien encore « Je comptais déjà les heures, le bureau quand on est amoureux c’est pire que l’école quand on est petit ». Et dans ce long cortège d’inconnus qui se croisent ou se souviennent, déboulent des vedettes de cinéma comme Scarlett Johansson ou Angelina Jolie, et même le Pape a son mot à dire, tout cela paraît incongru quand vous le lisez dans cette chronique, mais dans le roman ça glisse tout naturellement.
Inutile de vouloir en dire plus, il s’agit d’un pur joyau, pas d’un grand livre avec des majuscules partout et des courbettes plein la bouche quand on en parle, non, plutôt un petit livre délicat qui recèle mille plaisirs simples de lecture à travers les vies de gens comme vous et moi, pour former ce grand tout qu’on appelle la Vie.
« Tous mes frères et sœurs me battent au baby-foot, c’est pas normal, je suis sûr que mes parents m’ont adopté… C’est le seul que nous n’avions pas adopté. Des années plus tard il a tout découvert, il a quitté la maison et il ne nous a plus jamais parlé. C’est dur le silence pour une mère… »
Régis de Sà Moreira La Vie Au Diable Vauvert