Je l'avais vu dans les rayonnages, je l'avais vu commenté dans des blogs de qualité, alors quand j'ai pu l’emprunter, je n'ai pas hésité. "Les arbres pleurent aussi" de Irène COHEN-JANCA et illustré par Maurizio A.C.QUARELLO est une très belle proposition pour commencer à parler de la seconde guerre mondiale et de la question juive.
Les arbres ne parlent pas, ils restent muets... les arbres ne disent rien et pourtant. Un arbre de la ville, témoin de tous les âges, des jeux, des amoureux, des vieux et des oiseaux, un arbre de plus de cent ans s'apprête à parler. Il va mourir, "un minuscule papillon mine [ses] feuilles".Il va prendre la parole contre l'oubli et c'est tout un pan de la grande histoire qui apparait."Moi, le marronnier dans le jardin de la maison 263, Canal de l'Empereur, j'ai donné à une jeune fille de treize ans, captive comme un oiseau en cage, un peu d'espoir et de beauté."
Dans la grande Histoire, une plus petite, une qui a le pouvoir de l'identification... une émotion enfantine, bien-sûr il s'agit d'Anne FRANCK, cette jeune juive qui a vécu en clandestinité dans un espace caché d'une maison pendant l'extermination des juifs.
Par la voix du marronnier se décrit une politique, une interdiction au départ qui devient même celle d'exister. La violence est ici retranscrite par les illustrations, fortes, de QUARELLO. Des soldats, des bombes, des camps de concentration. Le texte lui est plus accessible, quoique tout est dit. Elle n'est plus libre, elle sera dénoncée, envoyée en camp où elle mourra.
Mais l'angle d'approche est subtile. Sans nous donner tous les détails, certains extraits du "journal d'Anne Franck" sont repris. Ceux où la vue de la lucarne donne de l'espoir aux enfants captifs. Cet arbre, témoin des saisons, de la vie autour. Cet arbre appelant le renouveau du printemps.La marronnier pleure, il veut témoigner avant de tomber abattu. Lui survivra d'une certaine manière grâce à son greffon, comme un double de lui... mais il témoigne pour que l'arbre nouveau fasse siennes les racines et la mémoire humaine.
Les illustrations couleurs sépia et jaune (de l'étoile) donnent des impressions lentes, longues, lourdes, pesantes de sens. Anne FRANCK apparait, en ombre, à travers la vitre, dans une flaque avec déjà son identité et sa vie volées.
Le propos n'est pas expurgé mais reste succinct, ouverture à plus de détails. En cela il est plus accessible que cet autre album jeunesse magnifique, "Fumée" d'Anton FORTES et illustré par Joanna CONCEJO. L'avis tentateur de Lily est ici.