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L’évangélisation impertinente (recension)

Publié le 03 août 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

L’évangélisation impertinente, dernier livre du frère Thierry-Dominique Humbrecht, prêtre dominicain, se compose en deux parties. Tout d’abord, l’auteur dresse l’état des lieux spirituel de la France contemporaine. Il s’intéresse ensuite aux moyens d’évangéliser cette France contemporaine.

Outre le constat bien connu de la déchristianisation de la société française, l’auteur examine l’état des communautés catholiques. Il met ainsi en lumière la contamination des jeunes catholiques pratiquants par la « civilisation de la fête et du loisir », et démasque le caractère artificiel de nombre de nos fêtes étudiantes : « l’identité de la fête se prend de son occasion et de son but. Au contraire, lorsque l’on “fait la fête”’, on ne fête rien ni personne ».

Le frère Humbrecht pointe également les faiblesses de certains adeptes de la « messe en latin » pour qui le choix de la liturgie traditionnelle relève plus de l’esthétisme que de la réflexion liturgique et du souci du salut des âmes.

Chez les jeunes « tradis » encore, l’auteur fait remarquer l’écart qui existe parfois entre l’idéal de société chrétienne pour lequel ces jeunes militent d’une part, et d’autre part le manque de sainteté de leurs propres vies. Bien sûr, il est naturel de ne pas être à la hauteur de son idéal. Mais cela devient problématique lorsque l’importance accordée à l’engagement militant sert à minimiser le désordre de sa propre vie.

Cependant, que les tradis ne s’offusquent pas, le frère Humbrecht les critique pour mieux les aider. Au demeurant, il partage avec eux un même diagnostic sur la gravité de la crise de l’Eglise : oui la crise des années 70 et 80 a obligé beaucoup de fidèles à essayer de « rester chrétiens, malgré leur clergé ».

La société et les communautés chrétiennes étant ce qu’elles sont, il reste à trouver le moyen d’annoncer l’évangile à cette société, tout en s’impliquant dans la communauté chrétienne pour mieux y vivre nous-mêmes cet évangile.

Première remarque de bon sens : pour annoncer l’évangile, il faut déjà savoir de quoi l’on parle, et donc bien connaître le contenu de sa foi. « L’étudiant chrétien doit devenir bon élève pour conquérir le droit à la parole ». Comme le fait remarquer l’auteur, cela est une bonne nouvelle. Les Dupond-et-Dupond pourraient même dire une très bonne nouvelle. En effet, « si la beauté relève de la loterie biologique, si même l’intelligence (…) ne dépend pas seulement de son exercice mais aussi d’un talent natif, la connaissance est en revanche l’objet d’une acquisition ouverte à chacun. Au point de départ, tout le monde est ignorant. »

L’évangélisation impertinente (recension)
Il faut malgré tout utiliser son intelligence pour discerner quelles sont les connaissances les plus importantes à acquérir.

L’auteur met son intelligence au service de la nôtre pour nous signaler l’importance du Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC), un ouvrage qui « remplacerait plusieurs bibliothèques et permettrait d’en remontrer en matière d’exposé de la foi, à nombre d’universitaires, de pasteurs et même de théologiens de métier… »

Vient ensuite une étape supérieure dans l’acquisition de compétences utiles à l’annonce de la foi : l’écriture. « Il faut avoir écrit un livre pour être convié à parler, et même plusieurs pour espérer se donner le plaisir de s’en ficher en public ».

Réussir à écrire un livre un tant soit peu intelligent n’est pas donné à tous. Néanmoins, chacun peut déjà essayer d’écrire. Et ces tentatives d’écriture seront déjà des aides précieuses pour l’intelligence et l’annonce de la foi.

L’auteur aborde au milieu du livre le cœur de l’évangélisation : une discussion sur la foi avec un incroyant. Cette discussion peut prendre deux tournants très différents selon que l’incroyance de notre interlocuteur est fondée sur un raisonnement intellectuel ou sur des motifs affectifs et irrationnels. L’incroyance est en effet souvent due au refus de se confronter aux exigences morales de l’évangile, ou au refus orgueilleux de remettre en cause des vérités tenues pour établies. Les arguments en apparence rationnels invoqués par l’incroyant ne sont alors que des moyens artificiels d’éviter de se remettre en cause.

Dans ce cas, l’auteur déconseille de se livrer à une discussion argumentée qui ne serait qu’un jeu de dupes. Nul ne peut convaincre quelqu’un qui ne cherche pas la vérité. L’attitude préconisée par l’auteur est d’écouter son interlocuteur, puis de confesser sa foi au Christ en apportant si nécessaire (en particulier si une cause de l’incroyance semble être la révolte devant le mystère du mal) une parole de compassion au nom du Christ.

Mais, si au contraire, l’incroyant fonde son incroyance sur des raisons argumentées, alors il est de la responsabilité du croyant de prendre en compte ces arguments.

Tout d’abord, il s’agit d’écouter attentivement pour être sûr d’avoir bien compris les arguments exposés. Ensuite, il ne s’agit pas pour le croyant de prouver sa foi par la raison. Il s’agit plus simplement de montrer que les arguments invoqués contre la foi sont mal-fondés. Et comme le fait remarquer l’auteur, « la plupart du temps ce n’est pas difficile ».

Le frère Humbrecht ne s’étend pas sur la suite de la discussion. Pourtant, une fois levées les objections à la foi, il paraît bon de montrer les motifs de crédibilité de cette dernière (la confirmation par le Christ de l’annonce des prophètes, par exemple) et de témoigner du changement spirituel que l’on a personnellement expérimenté en vivant de la prière.

Enfin, l’auteur s’intéresse aux lieux et états de vie qui permettent l’annonce de l’évangile.

L’école catholique est ainsi présentée comme le « lieu majeur d’évangélisation ». En effet, l’école catholique est le seul lieu d’importance où l’évangélisateur peut « annoncer le Christ pour la première fois à des générations qui l’ignorent et, tout simplement, à des foules qui ne sont pas venues pour cela ».

Mais, note l’auteur, dans un très grand nombre de cas l’école catholique s’est presque totalement sécularisée. Il en résulte une situation catastrophique dans laquelle des générations d’élèves rejettent la foi chrétienne en croyant la connaître alors même qu’ils en ignorent jusqu’aux prémisses…

De fait, l’Eglise ne dispose pas de suffisamment d’évangélisateurs pour animer la totalité de ses établissements scolaires. Par conséquent, la meilleure solution serait sans doute de ne maintenir que des établissements catholiques dignes de ce nom, qui présentent un projet éducatif véritablement chrétien, quitte à diminuer massivement le nombre total d’établissements catholiques.

S’agissant des états de vie, l’auteur remarque que si un laïc chrétien exerçant un métier profane peut mener une vie toute aussi sainte que celle d’un prêtre ou religieux, en revanche, le temps que ce laïc peut passer à l’évangélisation sera infiniment plus réduit que s’il était prêtre ou religieux.

De même, le mariage du chrétien l’oblige à prendre soin en premier lieu de sa famille, alors que le célibat du prêtre lui permet d’aimer de façon plus universelle.

Pour conclure son livre, le frère Humbrecht réitère sa recommandation de lire le Catéchisme de l’Eglise catholique. On y trouve, nous dit-il, « toutes les vérités à croire et les mots pour les dire ». En outre, à condition de le lire comme un ensemble, c’est-à-dire au moins par chapitre, on y puise « le sens de l’organicité des vérités ».


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