Avant de devenir le roi de la comédie US, que ce soit en tant que producteur ou en tant que réalisateur, Judd Apatow a débuté par la case télévision. En 1999, il se lance avec son compère Paul Feig (futur réalisateur du génial Mes Meilleures Amies) dans la production d’une série TV, Freaks and Geeks. Malheureusement, malgré d’excellentes critiques, cette série ne connaitra qu’un succès mitigé, et sera annulée au bout de la première saison de 18 épisodes. Il est néanmoins intéressant de redécouvrir aujourd’hui cette série, tant elle pose les bases de l’univers d’Apatow.
Freaks and Geeks se passe au début des années 80, et suit la vie quotidienne d’un frère et d’une sœur, Lindsay (Linda Cardellini), 17 ans, et Sam (John Francis Daley), 14 ans. Lindsay est une jeune fille sérieuse et intelligente, toujours première de la classe, et qui, suite au décès de sa grand-mère, décide de changer de vie. Elle commence dès lors à fréquenter les « freaks » du lycée, le groupe des cancres rebelles du lycée. Sam est lui aussi un garçon sérieux et intelligent, qui découvre à ses dépends qu’il est difficile de survivre au lycée en étant un geek passionné de ciné, comics et jeux de rôle…
Au travers de ces deux personnages, Apatow et Feig créent une très jolie chronique adolescente, dont la justesse tranche avec les autres séries ado des années 90. On est en effet ici très loin de Beverly Hills ou autres Melrose Place et de leurs ados fortunés incarnés par des acteurs de 25 ans, dont les mésaventures se résument à des triangles amoureux. De même, Freaks and Geeks ne tombe pas non plus dans l’excès inverse, représenté par Hartley, Cœurs à vif et ses ados tourmentés auxquels il arrive tous les malheurs du monde. Lindsay et Sam sont des ados normaux, qui font une crise d’adolescence classique, certes avec des larmes mais pas de sang ni de fureur. Leurs mésaventures et autres peines de cœur sonnent juste, et on se prend souvent à sourire en se remémorant avoir soi-même connu tel ou tel événement.
Si Freaks and Geeks peut sembler parfois un peu décousue, la série s’apparentant plus à une suite de tranches de vie qu’à une histoire continue (malgré plusieurs fils rouges courant le long de la saison), elle réussit néanmoins à dresser le portrait crédible d’ados très attachants. Une grande partie de cette réussite tient sans aucun doute au casting assez exceptionnel du show. En tête de liste, Linda Cardellini (qui incarnera plus tard la fameuse infirmière Sam Taggart dans les dernières saisons d’Urgences, mais aussi Velma dans l’adaptation live de Scoobi-Doo) et John Francis Daley (qui a bien grandi depuis et a rencontré le succès en incarnant l’excellent personnage de Sweets dans la série Bones) portent sans effort apparent le show sur leurs épaules. Les deux jeunes acteurs sont d’une justesse rare et constituent des référents crédibles, auxquels il est impossible de ne pas s’attacher. Autour d’eux gravitent tout une galerie de personnages hauts en couleur, dont une grande partie est interprétée par les futurs membres de la grande famille Apatow : James Franco (Délire Express, 127 Heures), Seth Rogen (En cloque, Mode d’Emploi, The Green Hornet), Jason Segel (Les Muppets, le Retour, How I met your Mother) et Bijou Philips constituent la bande des Freaks, tandis que Samm Levine (Inglorious Basterds) et Martin Starr (Adventureland) sont les amis geeks de Sam. La série propose aussi quelques cameos savoureux, notamment un tout jeune Ben Foster en élève handicapé, ou encore Ben Stiller en agent des services secrets désirant changer de carrière.
Outre ce casting fondateur, il est assez amusant de découvrir à quel point Freaks and Geeks est une œuvre matricielle du reste de la carrière d’Apatow. Au-delà des gags repris plus tard tels quels dans certains de ses films, on retrouve déjà dans la série cet amour immodéré pour des personnages multi-facettes, ou ce mélange de crudité et de finesse si caractéristique du cinéma du réalisateur de Funny People. On passe souvent du rire aux larmes, de gags énormes (la course de Sam tout nu dans les couloirs du lycée, le visionnage du porno, la fête alcoolisée à la bière sans alcool) a des moments de tendresse inattendus (le très joli personnage du prof de sport, au premier abord bourrin et crétin, mais qui révèle une finesse surprenante dans son rapport avec ses élèves).
Malgré sa courte durée, Freaks and Geeks est un petit bijou, et constitue donc une étape impérative de visionnage pour tout fan d’Apatow qui se respecte, ainsi que pour les adeptes de séries de qualité.
Note : 9/10