Aujourd’hui, on va « démaquiller » un produit culte que vous avez forcément déjà utilisé, le décrypter, analyser sa composition, regarder d'un peu plus près si c'est du lard ou du cochon : la Biafine.
L’histoire commence cet après-midi. Légèrement hâlée, sous un arbre à 15h dans la fraîcheur alpine, je me délecte d’un bouquin (le fameux pavé Les Piliers de la Terre). Je n’ai pas mis de protection solaire, car même si l’astre brille de mille feux, il fait assez frais, je suis à l'ombre, je me sens à peu près l’abri.
Évidemment, ça ne loupe pas : le soleil alpin est toujours plus dangereux que l’on ne croit, et même si je suis la mieux placée – vus ma formation et mon métier - pour éviter les coups de soleil, bim, un beau spécimen me tombe dessus.
Je me sens un peu bête de cette sous-estimation, voire ridicule, et devant l'ampleur des dégâts, ma mère me lance : « Va vite mettre de la Biafine ! ».
Ma réponse, probablement à son grand étonnement : « Non, la Biafine c’est de l’eau et du gras, j’ai bien mieux, j’ai un après-soleil formulé spécifiquement pour les coups de soleil, avec des actifs apaisants. ». Celui de Capital Soleil de Vichy, pour ne pas le citer, mais ça aurait pu être un autre, n’importe quel autre.
Car oui, la Biafine, ce n’est qu’une bête émulsion d’eau et de gras (de mémoire, essentiellement de paraffine – c’est-à-dire un dérivé pétrochimique et d’un chouïa d’huile d’avocat). Et c’est tout. Zéro actif anti-inflammatoire. En fait : zéro actif tout court. Il y a bien de la TEA (triétanolamine ou trolamine), qui parfois est présentée par des défenseurs de la Biafine comme « l’actif anti-inflammatoire » mais croyez-moi, elle n’est là qu’à très très faible dose et uniquement pour stabiliser la formule – à une époque, on en mettait dans toutes les émulsions, aujourd’hui beaucoup moins, me semble-t-il parce qu’elle a quelques effets secondaires.
Bref, la Biafine, ce n'est pas grand-chose de plus que si vous vous vaporisiez sur la peau un peau d'eau minérale puis appliquiez de la paraffine.
Ce qui n'empêche pas que ça marche quand même ! Vous en avez fait tous l’expérience, oui.
Ça marche parce que le simple fait d’appliquer un « cataplasme » d’eau et de paraffine suffit à apaiser « physiquement » la peau enflammée. Essayez avec de la crème Nivea, ça marchera aussi (plutôt la version Soft si elle existe encore car la classique est peut-être un peu grasse, et le secret de l’apaisement réside peut-être dans la proportion eau/gras, sait-on jamais). Essayez avec un démaquillant à bas coût aussi. Ou n’importe quel lait hydratant de base.
(et tiens, entre parenthèses, la texture d'un lait cosmétique sera de toutes façons plus travaillée et agréable que celle de notre bonne vieille Biafine dont la formule date déjà de quelques décennies et a été développée à des fins pharmaceutiques pas censées être "sensorielles"...)
La Biafine, ça marche, donc, mais ça marche forcément moins bien qu’un après-soleil qui a été précisément formulé pour cette indication, qui contient de l’eau, du gras pétrochimique (important pour la fonction « cataplasme »), mais aussi du gras végétal (important pour apporter des acides gras pour aider à réparer la fonction barrière endommagée – monoï, huiles végétales diverses et variées, et le peu d’huile d’avocat de la Biafine ne suffit probablement pas à cette fonction) et surtout des actifs anti-inflammatoires (pardon, disons « apaisants » car le terme précédemment cité appartient exclusivement au domaine de la médecine) et « réparateurs ».
Et c’est là que se fait la différence : le gras pétrochimique et l’eau, c’est bien pour l’effet « cataplasme » physique, mais ce qui va vraiment accélérer la réparation de la peau, la disparition de la rougeur et de l’échauffement, ce sont bien les actifs apaisants et réparateurs.
Sur ce, je vais me remettre une couche d’après-solaire Vichy, ça commence à chauffer… Et quand il n’y en aura plus, je sortirai quand même la Biafine du placard, allez ;).
PS : désolée d’avoir cassé un mythe (encore une fois : c'est quand même un produit efficace même s'il est ultra-basique), et la prochaine fois, je vous parlerai du Père Noël.
PPS : cette analyse m’a été confirmée (entre autres) il y a quelques temps par un scientifique qui a bossé pour la marque Biafine.
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