Faut-il en finir avec les jeux olympiques ? Étrange interrogation qui se
poserait peut-être par volonté de ne pas faire comme les autres ? Quelques petites réflexions sur le sujet…
Lorsque que j’étais en Troisième, en classe d’histoire, dans une interrogation écrite, mon professeur nous
avait demandé ce que signifiait le sigle "JO". Je crois avoir été le seul à avoir écrit "journal officiel" et j’ai été le seul à avoir mis la bonne réponse car nous étions dans le programme en
pleine instruction civique, nous étudions alors le fonctionnement des institutions (mais je n’avais rien appris de nouveau). Beaucoup de mes camarades avaient répondu "jeux olympiques" et cela
avait amusé l’enseignant.
Mais ils n’avaient peut-être pas tort, car si l’on faisait aujourd’hui un sondage pour savoir ce que
signifieraient ces deux lettres, nul doute que la très grande majorité des sondés répondraient la même chose.
J’avoue que je ne suis pas un grand sportif (c’est un euphémisme !), j’essaie juste péniblement, comme
citadin sédentaire, à en pratiquer un peu, même si c’est encore trop peu, et surtout, j’avoue que je ne suis pas intéressé par l’actualité sportive (sauf si elle a des implications
politiques).
Déjà parce que je considère qu’il y a bien plus important dans les informations à connaître ; je me
souviens avoir dit à un collègue avec qui je déjeunais un lundi midi que je préférais bien plus m’inquiéter des résultats de la cantonale partielle qui venait de se dérouler la veille en
Languedoc-Roussillon, où le candidat du Front national avait obtenu un score très élevé, à énumérer
benoîtement les résultats des matchs de football du week-end.
Ensuite parce que j’ai du mal à concevoir l’esprit de compétition pour le sport. Je me dis que si le mental
peut effectivement se travailler, le physique est souvent un don de la nature, et donc, très inégalement transmis à la naissance. Je ne conçois l’exploit sportif que par rapport à soi-même, être
meilleur qu’avant, se surpasser, aller jusqu’à ses limites, mais pas vraiment par rapport aux autres.
Certes, j’admets l’esprit de compétition pour les études, pour les emplois, pour l’intellectuel, pour le
commercial aussi : les concours des grandes écoles, les concours de recrutement, d’ailleurs, la moindre embauche est une compétition quand le marché de l’emploi est si tendu, les élections
aussi sont des compétitions saines pour la respiration démocratiques, et cela ne me choque pas, alors que l’intelligence, finalement, tout comme le physique, il faut bien le reconnaître, est très
inégalement répartie à la naissance. Tout comme la convivialité, la sympathie, l’honnêteté etc. Disons qu’il y a une part d’inné et une part d’acquis et que le mérite ne provient que de l’acquis,
c’est cela qui devrait être récompensé.
Claude Debussy avait d’ailleurs la formule pour être impeccable : « Être supérieur aux autres n’a jamais représenté un grand effort si l’on n’y joint pas le beau désir d’être supérieur à soi-même. ». Belle
formule !
Alors, oui, ma faible implication personnelle dans le sport, ma détestation des manifestions de masse, le
côté aussi électron libre, oui, tout aurait pu me conduire à vouloir détester ces jeux olympiques, à vouloir cracher dessus, par dépit, peut-être par envie ? par ronchonnement, sans aucun
doute.
Et pourtant, non ! Je trouve que c’est une très bonne manifestation de ce que l’âme humaine est capable
de faire. Réunir deux cent quatre nations est une sorte de communion cosmopolite plutôt rassurante malgré les vicissitudes de la géopolitique (par exemple, on s’entretue encore en Syrie, vingt mille morts depuis un an). C’est aussi un exploit sur les capacités humaines à trouver ce qui
nous unit et pas ce qui nous divise.
Certes, je ne suis pas naïf, j’imagine les enjeux financiers, parfois diplomatiques, de ces jeux, que les
grandes valeurs affichées ne sont pas forcément celles pratiquées. Et puis, ces belles valeurs du sport, qui sont la loyauté, le goût de l’effort, l’acceptation des règles du jeu, le mérite,
etc., sont des valeurs humanistes qui devraient se retrouver partout dans le monde, dans tous les métiers, dans toutes les activités, pas seulement dans le sport.
Ceux qui crachent sur ces jeux oublient à l’évidence ces plus de dix mille athlètes qui se sont entraînés
depuis quatre ans, depuis dix ans parfois, avec une discipline draconienne, avec une endurance longue et pénible, avec un moral oscillant. Il faut respecter au moins ces personnes très
méritantes, et refuser ces jeux, cela serait leur refuser un sens à leur entraînement, peut-être à leur vie, ce serait un peu comme interdire le passage du baccalauréat aux lycéens. Tout le monde
a le droit de recueillir les fruits de son labour, y compris les sportifs de haut niveau.
Regarder les jeux à la télévision, je ne le fais pas, mais j’admets qu’il peut y avoir un certain plaisir à
voir des nageuses nager, des gymnastes faire leurs mouvements, des équipe de volley sur sable (beach volley ?) jouer… en tout cas, pas moins grand qu’à voir des footballeurs courir sur le
gazon après un ballon.
Les JO, ce sont aussi un spectacle, ou plusieurs spectacles. La cérémonie d’ouverture, de fermeture. Oui,
bien sûr, je suis tenté, comme d’autres, de dire panem et circenses (du pain et des jeux) pour faire oublier les soucis de la vie. Mais pourquoi
serait-ce plus que pour les coupes de football, les tournois de tennis, ou le Tour de France ? Pourquoi cracher sur des milliers de gens qui se sont donné du mal à faire un spectacle dont je
ne suis pas capable de juger la valeur esthétique ? Faudrait-il aussi vilipender les concerts de musique classique de la Salle Pleyel ou du Châtelet ? tous les ballets et les opéras,
toutes les pièces de théâtre ? Et puisqu’on y est, faudrait-il vouer aux gémonies le cinéma ? et toutes sortes de divertissements, et commençons par la littérature, et aussi, la
peinture ? Après tout, le Louvre est tellement inutile aux personnes qui meurent de faim… Faudrait-il cracher sur les près de neuf millions de téléspectateurs français qui ont regardé la
cérémonie d’ouverture sur TF1 ? Après tout, neuf millions de personnes, peu de candidats ou de partis politiques peuvent se vanter d’avoir autant d’électeurs…
Et dans ce spectacle, c’est aussi la confirmation que Élisabeth II est une reine adorable, capable
d’autodérision par sa participation à un court-métrage avec James Bond (cela ne m’empêcherait cependant pas d’être républicain au Royaume-Uni).
Le coût de ces jeux serait de onze milliards d’euros. Ce n’est même pas le double de la loi de finances
rectificative que le gouvernement Ayrault a fait définitivement adopter par le Parlement le 31 juillet
2012 (sept milliards deux cent millions). Après tout, ce montant peut être comparé à certains films, comme "Avatar", un budget de quatre cent millions de dollars et près de trois milliards de
dollars de recettes (le dernier Batman, c’est un budget d’un quart de milliard de dollars, c’est, là aussi, énorme, juste pour un film !). Il y a les dépenses, mais l'économie londonienne en
profite bien aussi, il suffit de chercher un hôtel en août pour s'en convaincre.
On pourrait aussi évoquer la Grèce qui s’était beaucoup s’endetter pour les JO d’Athènes en 2004 et on
pourrait bien sûr estimer que les JO n’ont pas aidé le pays à sortir de la corruption et de la faillite, au contraire...
Et puisque je parle de la Grèce, faudrait-il que les athlètes grecs renoncent à jouer parce que leur pays est ultra-endetté ? Faudrait-il que les Grecs n’aient plus le droit de s’entraîner, de faire
du sport, et même, de rire, de vivre ? Qu’en diraient les habitants des (nombreux) pays pauvres ? Faudrait-ils qu’ils gardent une tête d’enterrement jusqu’à une improbable prospérité
qu’ils ne connaîtraient de toute façon pas car ils auraient déjà disparu de cette planète ? La gravité des situations interdirait-elle la futilité de la vie ? Faudrait-il ainsi
culpabiliser à tout bout de respiration ?
Enfin, dernière réflexion que j’ai lue ici ou là, les jeux olympiques seraient une manifestation des
puissances occidentales, ou des puissances de l’argent, ou encore du monde capitaliste. Cette idée, issue d’un cheminement idéologique arc-bouté sur un dogme dépassé de deux siècles, est
complètement erronée puisque justement, les jeux olympiques réunissent l’ensemble des nations du monde (sauf le Vatican).
Et si l’on en juge par le nombre de médailles d’or (prenons un critère comme un autre), c’est la Chine qui en
a obtenu le plus grand nombre la dernière fois, en été 2008 (certes à Pékin), mais elle était déjà deuxième en été 2004 (à Athènes), avec respectivement 51 et 32 médailles d’or. La Russie a été
également bien classée (troisième à Pékin et à Athènes), respectivement avec 23 et 27 médailles d’or. À Athènes, Cuba a même eu 9 médailles d’or (classé onzième) et le Brésil 5. Le trio de deux
derniers jeux, c’était donc Chine/États-Unis/Russie. Entre 1936 et 2004, le premier pays a toujours la Russie ou les États-Unis. L’argument du caractère capitaliste de l’événement ne tient
vraiment pas longtemps la route.
Il y a donc un certain snobisme à vouloir contester les JO par le simple fait que c’est un événement
médiatique qui occupe un long temps d’antenne. Si vous êtes agacés par tant de brouhaha (je peux vous comprendre), alors, faites comme moi, ne tombez pas dans le piège, éteignez votre téléviseur
et profitez de l’été. D’autres sont passionnés, et c’est aussi leur droit.
Bref, vous l’avez compris, je n’aime pas vraiment le sport mais vivent les JO !
Et que les meilleurs gagnent !
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (2 août
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La Grèce.
Le Royaume-Uni.
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-jo-2012-de-londres-et-le-beau-120733