Il y a quatre ans, peu de personnes auraient pu prévoir que l’un des héritages du président Obama serait une militarisation croissante de la politique étrangère américaine en Afrique.
Par Gene Healy, depuis les États-Unis.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.
Un récent rapport des Nations-Unies montre que les vols de drones militaires américains au-dessus de la Somalie sont désormais suffisamment fréquents pour mettre en danger le trafic aérien local. Appelant l’Afrique « la nouvelle frontière en termes de lutte contre le terrorisme et de lutte contre le trafic de stupéfiants », la Drug Enforcement Administration américaine a commencé à entraîner des équipes paramilitaires chargées de lutter contre le trafic de drogue au Ghana, et prévoit d’élargir le programme au Nigeria et au Kenya.
Dans le même temps, le gouvernement Obama envisage une intervention au Mali, en Afrique de l’Ouest, où des rebelles islamistes inspirés par Al-Qaïda ont saisi des territoires dans le nord du pays. Ces insurgés sont « une menace imminente » selon un représentant du Pentagone, et « toutes les options sont à considérer ».
Il y a quatre ans, peu de personnes auraient pu prévoir que l’un des héritages du président Obama serait une militarisation croissante de la politique étrangère américaine en Afrique – mais cela semble s’être réalisé.
Durant un temps, la théorie favorite des conservateurs, concoctée par Dinesh D’Souza, et à laquelle a adhéré le candidat aux primaires républicaines Newt Gingrich, établissait que « l’idéologie anti coloniale » du père Kenyan du président influençait toutes les actions d’Obama. Les rêves du père absent d’Obama auraient conduit Barack Junior « à voir l’armée américaine comme un instrument d’occupation néo-coloniale » imaginait D’Souza – ainsi, « de façon surprenante, les États-Unis sont gouvernés selon les rêves que faisait un membre de la tribu des Luo dans les années 1950 ». Newt Gingrich a en fait trouvé l’idée assez crédible, « d’une profonde perspicacité », a-t-il dit à la National Review en septembre 2010, « le modèle le plus juste, le plus prévisible du comportement [d’Obama] ».
Six mois plus tard, le modèle s’est trouvé quelque peu remis en question lorsqu’Obama a commencé à faire pleuvoir des missiles Tomahawk sur la Libye, en Afrique du Nord. Que penserait un authentique anticolonialiste afrocentriste des nouvelles bases de drones en Éthiopie et en Égypte, des vols espions à partir d’une douzaine d’installations à travers l’Afrique, ou de la décision du président de déployer des forces spéciales en Afrique centrale pour aider à chasser « l’Armée de Résistance du Seigneur », étrange groupuscule adepte du culte de la mort ? Obama senior verrait-il d’un bon œil la mission qu’a l’United States Africa Command « d’assurer un environnement sécurisé propice à la bonne gouvernance et au développement » ?
Probablement pas. Au lieu d’envisager des théories farfelues sur les prétendus problèmes paternels d’Obama, nous devrions nous tourner vers la notion d’« enlisement » bureaucratique pour trouver une explication plus raisonnable du comportement du président.
L’été dernier, lors de son premier discours après son départ de Langley pour le Pentagone, le ministre de la Défense Leon Panetta remarquait que la défaite d’Al-Qaïda était « à portée de main ». Quand nous aurons tué ou emprisonné les 10 ou 20 responsables restants, disait Panetta, nous aurons vraiment « mis Al Qaïda hors d’état de nuire à ce pays ».
Cette menace prétendument « existentielle » n’a pas réussi à faire exploser une seule bombe aux États-Unis en dix ans. Al Qaïda semble bien en effet être hors d’état de nuire.
Pourtant, la guerre contre la terreur continue et s’étend. Dans quelle mesure Al Shabab, Al Qaïda au Maghbreb Islamique, Boko Haram, et les autres groupes que nous surveillons et que nous ciblons constituent-ils une menaces pour la sécurité américaine ? En juin, le Washington Post annonçait que certains responsables du département d’État craignaient un enlisement militaire : « ils ont soutenu que la plupart des cellules terroristes en Afrique poursuivent des objectifs locaux, non mondiaux, et qu’elles ne représentent aucune menace directe pour les États-Unis. » Concernant la guerre de drones élargie menée par l’État américain, un ancien fonctionnaire de la Défense nationale commente : « ce qui se passe, c’est que nous sommes en train d’utiliser des technologies pour cibler des gens que nous n’aurions jamais pris la peine de capturer ».
Faire la guerre de façon excessive est une stratégie qui conduit à des conséquences inattendues. Par exemple, l’intervention militaire américaine en Libye a nourri la guerre civile au Mali, les Touareg servant dans l’armée de Kadhafi ayant rejoint les combats après la chute du dictateur.
Il n’est pas certain que la présence militaire américaine élargie en Afrique serve d’une quelconque façon les besoins de la Défense nationale américaine. Mais les interventions génèrent leurs propres justifications. Très vite, « le retour de boomerang » de l’aventurisme en Afrique pourrait générer de nouvelles crises, que ce gouvernement, ou un prochain, devra résoudre.
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Un article du Cato Institute, publié dans le Washington Examiner le 30.07.2012.
Traduction : UnMondeLibre.
(*) Gene Healy est vice-président du Cato Institute et l’auteur de The Cult of the Presidency: America's Dangerous Devotion to Executive Power.