Magazine Beauté
A Rouen, mobilisation gagnante pour une famille chinoise
Par Sébastien Bailly (Journaliste) 00H37
29/05/2007
M. et Mme Pan vivent en France depuis 1999. Ils ont trois enfants, Nathalie (7 ans), Aristide (4 ans) et Karine (3 ans), nés en France. Mardi dernier, ils ont dormi au Centre de rétention
administrative d'Oissel, près de Rouen. Sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, ils auraient dû être reconduits dans leur pays d'origine. Mais le Tribunal
administratif de Rouen en a décidé autrement lundi 28 mai: M. et Mme Pan peuvent rester en France.
Entre temps, on a assisté à une mobilisation massive, notamment via le Réseau éducation sans frontière (RESF). Ce lundi matin, les
personnes mobilisées occupaient ainsi un wagon presque complet du train de Paris. Et, à l'heure de l'audience, la salle était comble et débordait même dans le couloir. Des allées et venues et
des bruits de conversations qui détonaient avec la solennité du Tribunal administratif.
Comment a-t-on pu en arriver là? On se souvient de la circulaire de juin 2006 de l'alors ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui devait permettre de régulariser, au cas par cas, les
parents étrangers d'enfants scolarisés en France. Il semble que, malgré ces bonnes intentions, les préfets n'hésitent pas à ordonner la reconduite à la frontière de parents qui auraient pu,
pensait-on, bénéficier de plus de compréhension. Que les Pan semblent finalement avoir trouvée du côté du Tribunal administratif.
Addendum, lundi soir, 23 heures:
Interview de Nicolas Rouly, avocat des requérants
Qu'éprouvez-vous à l'annonce de la décision du Tribunal Administratif?
D'abord, un vrai soulagement pour cette famille attachante, dont les trois enfants sont nés et ont grandi en France, où ils sont parfaitement intégrés. J'ai compris, en rencontrant M. et Mme
PAN, la sympathie qu'ils inspirent, et je me réjouis de savoir qu'ils vont pouvoir faire sereinement réexaminer leur dossier par le nouveau Préfet de Paris. Il y a aussi la satisfaction d'avoir
été entendu et compris. C'est encourageant pour les autres dossiers de familles d'enfants scolarisés, malheureusement nombreux. Cette décision pourrait confirmer l'émergence d'une juriprudence
dans les tribunaux administratifs, en faveur des familles d'enfants scolarisés.
Quels arguments avez-vous soulevés pour contester la reconduite de vos clients à la frontière?
Le moyen principal était "l'erreur manifeste d'appréciation". Le Préfet n'est jamais obligé de reconduire à la frontière un étranger sans papier, car il peut décider au contraire de le
régulariser, si la situation le justifie. Il dispose d'un pouvoir d'appréciation, dont le magistrat peut sanctionner le mauvais usage. Pour la famille PAN, j'ai souligné les circonstances
suivantes: présence en France depuis plus de sept ans; naissance en France des trois enfants; situation régulière de la sœur de M. PAN, mère d'un enfant français; intégration parfaite de la
famille; soutien des élus locaux, des enseignants, des voisins et des parents d'élèves... J'ai aussi évoqué les risques de répression en cas de retour en Chine, car les autorités de ce pays
sanctionnent les familles qui ont eu plusieurs enfants, qui plus est à l'étranger, alors que la règle reste l'enfant unique.
Vous semble-t-il normal qu'un Préfet puisse prendre de telles décisions alors qu'il s'agit de parents d'enfants nés et scolarisés en France ?
Ce qui n'est pas normal, c'est d'abord que M. et Mme PAN n'aient pas obtenu la régularisation qu'ils avaient demandée en 2006, au moment où le ministre de l'intérieur de l'époque avait promis
des papiers pour les familles d'enfants scolarisés. Pour seule réponse, M. et Mme PAN ont reçu un courrier dépourvu d'explication, et qui n'a d'ailleurs été suivi d'aucune autre initiative de
l'administration, jusqu'à l'arrêté de reconduite à la frontière de ce 23 mai 2007.
A ce propos, il n'est pas normal non plus de vouloir reconduire une famille que la France a accueilli dès 1999 et qui s'est parfaitement intégrée depuis. Pour ce qui est précisément de la
scolarité des enfants, il faut savoir qu'elle constitue un critère suffisant pour ouvrir un droit au séjour permanent aux ressortissants européens vivant en France. Comme pour d'autres
questions (ex: droit de vote aux élections locales), ce constat pourrait inspirer une réflexion pragmatique sur les familles non européennes dont la scolarisation des enfants démontre qu'elles
partagent le projet de la République française. Je crains malheureusement que le prochain parlement s'oriente vers une autre direction, puisqu'il est déjà question de durcir le regroupement
familial.
Photo: Guillaume Painchault
Source : http://www.rue89.com