Nous sommes accueillis dans la magnifique propriété de Bon Pasteur qui a appartenu à la grand-mère de Michel Rolland.
Elle se situe sur le lieu-dit Maillet à Pomerol. L’ancienne bâtisse est complètement refaite dans l’objectif de recevoir. Ainsi la salle principale est-elle somptueusement attirante : une magistrale cheminée de pierre, sculptée, rappelant si besoin était notre belle région de calcaire.
Les meubles sont préservés afin de maintenir le caractère des lieux, et cependant tout est modernisme, tout est du plus bel oxymore entre l’ancien et le neuf, entre le blanc et le noir.
Dany, l’épouse de Michel, a un don de paroles : les mots choisis sont précis et scrupuleusement pesés dans leur acception. Elle fait fi de l’adage des femmes bavardes, qui parlent pour ne rien dire. La dégustation des vins, ouverts avec générosité, élan et bienveillance, est prétexte à parler de leur passion commune à Michel et à elle, de leur conception du vin, de leur vie, de leur famille…
Foisonnant, riche, captivant et envoûtant.
Leur vin est celui né sur les terres acquises par les grands-parents puis les parents. A Pomerol, à Saint-Emilion et à Lalande de Pomerol.
Il est aussi celui de Fronsac, acheté par eux sur un coup de cœur parce qu’ils voulaient un havre de paix, leur propriété viticole, éloigné de Libourne et Pomerol.
Leur conception : travailler le meilleur raisin, lui donner le meilleur potentiel. Ils commencent alors un travail perfectionniste dans les vignes. Et, au chai. Il est donc beaucoup d’investissements et d’innovations. Par exemple Bon Pasteur détient en 1987 la première cuve thermo-régulée !, et c’est le tonnelier Darnajou qui profite des lieux pour faire sécher ses douelles sur trois années, qui expertise les futures barriques avant de les monter.
A propos d’élevage, des premières fermentations malolactiques en barrique aux vinifications intégrales, pas moins de dix-sept ans !, de travail assidu, ardu, sans complaisance aucune pour la production, celle-ci devant être la meilleure.
La parole peut être aussi jouteuse !, rhétorique et victorieuse. Elle sait farouchement défendre son domaine contre les attaques qu’essuie le couple Rolland. Attaques stériles d’un monde jaloux de leur succès, de leur témérité créatrice ( Le Défi de Fontenil)
Histoire à suivre…
Pour une plus belle présentation de notre visite et pour un admirable portrait de notre hôtesse, lire Littinéraires Viniques
Terroirs, Viticulture, et vinification
Le Bon Pasteur est une propriété de 6,62 hectares située au lieu-dit Maillet, sur la commune de Pomerol, à la frontière de l’appellation Saint Emilion. Le vignoble est disséminé en 21 parcelles cadastrées, sises sur les deux appellations. Ce fractionnement a pour conséquence une grande diversité géologique et lithologique des sols et sous-sols (argilo- graveleux, gravelo-sableux, graves profondes, molasses sablo-argileuses à intercalation d’alios dite localement « crasse de fer »). A ceci s’ajoutent les épaisseurs variables du recouvrement (sol sensu stricto), les expositions des parcelles, les qualités variables du drainage naturel, en fonction de la nature lithologique du substrat et de son pendage ( pente).
Les vignes sont âgées en moyenne de plus de 40 ans, avec une densité de plantation de 6500 pieds par hectare. L’encépagement est constitué de 80 à 85% de Merlot, et 15 à 20% de Cabernet (franc dans sa très grande majorité). Ces fourchettes sont dues au fait qu’il y a de vieilles parcelles complantées avec les deux cépages.
L’objectif premier est de vendanger des raisins mûrs et dans le meilleur état sanitaire possible. Les vendanges sont manuelles, les raisins sont triés avant et après éraflage, et vinifiés jusqu’en 2007, en grains entiers, dans des petites cuves de 15 à 70 hectolitres, avec pigeage manuel, et remontages. Les macérations durent jusqu’à 40 jours au maximum, puis les vins sont entonnés (moût tiède) en barriques dans lesquelles sont faites les fermentations malolactiques, et l’élevage dure 15 à 18 mois.
A partir de 2008, la vinification est réalisée, en barriques neuves, la fermentation alcoolique débute, après une macération de 6 jours à basse température à froid (neige carbonique), et les barriques sont tournées toutes les trois heures, sur oxoline, pour casser le chapeau de marc et favoriser le pigeage. L’élevage est mené dans les mêmes barriques. Cette méthode est appelée « vinification intégrale en barriques »
La dégustation
Millésime 2011 (en élevage)
La robe est profonde, de couleur pourpre, le nez, net et pur, évoque la violette, les petites baies noires, finement épicées et réglissées. La bouche est veloutée en attaque, aves tannins fins et mûrs, un peu plus fermes dans un centre rond et bien construit, la finale est allongée, bien tenue par les tannins, avec une chair délicate, fruitée et épicées, avec des notes de zan. Note potentielle 16,5 à 17.
Millésime 2010
La robe est profonde, de couleur sanguine, l’olfaction est avenante et expressive, avec des parfums très floraux ( violettes et roses), de cerises, de mûres, et d’épices douces, La bouche est veloutée, , avec des tannins fins enrobés par une chair de bon aloi, qui se trament en donnant de la consistance au vin dans un centre plein et dense. La finale est fraîche, soutenue, fruitée, florale, mais le vin est un peu mâché par une mise récente en bouteilles ce qui influe sur son allonge, et durcit les tannins, avec une légère amertume en ultime sensation. Note potentielle 16,5 à 17
Millésime 2009
La robe est très soutenue à profonde, de couleur sanguine, le nez est séduisant et intense, avec des arômes de soupe de petits fruits variés mûrs, de violettes de boite à épices et de zan. La bouche est soyeuse, avec des tannins fins et mûrs enrobés par une chair bien formée, le milieu de bouche est sphérique, ample, plein, rehaussé de fruits gourmands. La finale est longue, pulpeuse, harmonieuse, savoureuse (fruits, épices, et réglisse). Noté 17,5
Millésime 1999
La robe, de couleur rubis est légèrement évoluée sur les bords du disque, le bouquet élégant et expressif, évoque la truffe noire, les cerises « au naturel », les épices douces, avec des notes de très légère réglisse. La bouche est veloutée, avec une chair délicate ; le centre est bien construit (dans le contexte du millésime), et rond. La finale est persistante, fraîche, avec des tannins un peu plus fermes, mise en valeur par des saveurs fruitées, truffées, et épicées avenantes. Noté 16
Une dégustation sur fûts, du millésime 2011, de différentes parcelles et cépages a montré des jus à l’aromatique pure, une bonne polymérisation des tannins ( à ce stade), qui accentue le charnu des vins. A noter une barrique remarquable de cabernet franc : un vin complexe, à la fois sphérique et allongé, frais, d’un très bel équilibre. Ceux qui ont un peu vite enterré le millésime 2011 auront des surprises à la fin de l’élevage, du moins dans les meilleures propriétés de la rive droite.
Isabelle et Daniel