Tour de France, Jeux Olympiques, autant d'occasions pour flâner intellectuellement. Et disserter encore, en ce premier jour d'août, sur les jeux politiques : la dernière fois du foot au vélo, cette fois du vélo aux J.O.
La fin du tour de France a confirmé à quel point il était ennuyeux. Pourtant, le mois de juillet à Paris fut fort agréable : alors que l’hiver les cyclistes (dont je suis) se faufilent dans le flot agressif et dangereux de la circulation, l’été permet une conduite plus dégagée, plus flâneuse. Avec ou sans casque pour les amateurs de liberté (même si à Paris, je n’hésite pas : avec casque ; la majorité des accidents de vélo mortels sont le fait de cyclistes non casqués). Il reste que ces ballades (pour aller au boulot) n’avaient rien de l’effort que menaient nos surhommes. Plus qu’un Tour de France, c’était un tour de force, et ils méritaient leur surnom traditionnel : forçats de la route.
Le début des Jeux Olympiques ne nous rassure pas vraiment. Enthousiasme un peu factice et hymnes nationaux, voici une grande fête « populaire » : en fait, médiatisée. Même le Monde en fait sa couverture, célébrant les médailles d'or.
Grands messes : droit, argent, dopage.
Derrière ces grandes messes, spectaculaires au sens premier, on aperçoit la conjonction de trois éléments, qui sont habituellement évoqués séparément avec le sport : l’argent, le droit, et le dopage. Car le dopage a toujours existé, sur le Tour : disons qu’il a été décuplé depuis qu’il a été professionnalisé. Cette « professionnalisation » passe par l’argent, bien sûr, mais aussi par l’introduction de procédures et de standards, autrement dit du droit : il y a ainsi une liste des produits autorisés et interdits, qui encadrent et normalisent la pratique de ce sport de haut niveau. Les policiers enquêtent, surveillent, et quand ils attrapent un suspect, l’affaire est portée devant le Tribunal arbitral du sport : que du droit. Au fond, on cherche à encadrer une pureté perdue, ou illusoire.
Il n’y a pas de ces enquêtes aux JO, allez comprendre pourquoi. Pourtant, l’argent règne en maître et la distinction traditionnelle entre professionnels (qui n’avaient pas le droit de participer) et amateurs a sauté depuis longtemps: la "pureté" des jeux a disparu, elle aussi. Tout le monde, désormais, a le « droit » d’y aller, pourvu qu’il soit au niveau : mais là, les standards et les normes sont des « seuils de performance ». Il y a bien une chasse au dopage, mais discrète, et pas aussi systématique que lors du Tour de France. Et s’il n’y a pas de tribunal, il y a un comité olympique qui joue le même rôle de juge de dernier ressort. Avec un peu de ménage fait à la veille des jeux (voir ici).
Le public s’en fiche : il semble avoir pris son parti et du dopage, et de l’argent, et des règles. Ou plutôt, il a compris que la seule règle du jeu était d’être suffisamment discret pour ne pas être pris.
Le droit, le dopage, l’argent : trois ingrédients d’une même évolution, celle du sport de « haut-niveau ». Bof.
Pour nous qui sommes des sportifs de bas niveau, contentons-nous des ballades : foncez dans une boutique à vélo, prenez la monture la plus plaisante (surtout, précisez bien au vendeur : surtout pas de compétition, et en fait, ce n’est surtout pas pour le sport), et partez sur les routes. En plus, vous ne regarderez pas la télé. Doublement bienfaisant.
Au fond, à la fin du siècle dernier, le sport était moderne, c’était un instrument d’hygiène : on inventa le Tour de France et les jeux olympiques. Aujourd’hui, l’hygiène consiste désormais à ne pas faire de sport : et si on supprimait le Tour de France et les Jeux olympiques ?
O. Kempf
Réf : accessoirement, cela me fait un peu rire de voir les Brits se traîner à la 21èe place du classement des médailles, alors qu'on avait eu un déluge de chauvinisme anglais, avec les profondeurs de mauvais goût dont ils sont capables, malgré leurs vestes en tweed. Et que Marc Cavendish soit 29ème de sa course, cela réconforte un peu des finish téléphonés du Tour. Mais je suis évidemment de très mauvaise foi, chauvin, tout ça tout ça.