Cette première phrase, très longue, annonce la couleur, ou plutôt les couleurs déclinées en toutes lettres tout au long de ce roman dont les mots coulent, harmonieusement :
Irène n'est plus que l'ombre d'elle-même, son corps décharné trahissant le sida qui poursuit son oeuvre, prostituée vieillie trop vite par l'absence d'espoir. Un jour, elle fait monter avec elle un jeune manoeuvre aux yeux verts, Rosalio, qui s'avère ne pas avoir un sou en poche, mais des histoires plein la tête, emportant partout avec lui un coffre rempli de livres qu'il ne peut lire. Avec ses récits, il la transporte loin de cette vie. Elle, telle Shéhérazade, lui lit ces caractères indéchiffrables sur les pages et lui apprend à écrire. A eux deux, ils vont rendre leur vie plus supportable...
Dans un style musical qui nous emporte dès ses premières notes, comme une mélopée douce-amère, Maria Valéria Rezende nous transporte dans les favelas du Brésil, dans les pensées et le parcours hasardeux de deux laissés pour compte, entremêlés aux répertoires populaire ou culturel (Don Quichotte, Les Mille et une nuits). Exceptée l'une des dernières histoires un peu simplette, c'est là un roman particulier, à la fois dur et tendre, entre réalité et fantaisie, dont on sort un peu comme d'un rêve éveillé.
REZENDE, Maria Valéria. – Le vol de l'ibis rouge / trad. du brésilien par Leonor Baldaque. – Métailié, 2008. – 183 p.. – ISBN 978-2-86424-646-6 : 18 €.