APRES L'ARTICLE SUR LA REMISE EN CAUSE DE L'AUTO-ENTREPRISE
VENONS EN A L'ETUDE ACOSS ET A MON ANALYSE :
Bonjour,
Rappelons le lien vers ce rapport ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) sous forme de communiqué de presse, établissant le bilan du dispositif auto-entrepreneur à fin décembre 2011.
Ce rapport de 15 pages va servir de base de réflexion pour lancer la réforme de l'auto-entreprise par le gouvernement et son ministère du redressement productif (on se demande pour l'heure en quoi "redressement" et même "productif", mais bon, passons !...)
Sur plus d'un 1,1 million de personnes, ayant été séduits par le dispositif mis en place d'auto-entreprise depuis 2009, l'ACOSS dénombre 750 828 auto-entrepreneurs administrativement actifs fin décembre 2011 (c'est à dire ayant déclaré un chiffre d'affaires à cette date. Il faut moduler en fonction du décalage de déclaration pour les nouvellement inscrits qui ont plusieurs mois de plus que la normale pour déclarer leur premier trimestre de CA).
Cela donne 68,26 % d'auto-entreprises ayant déclaré un chiffre d'affaires. Assez positif non, pour un statut qui a déjà trop souvent été remis sur la sellette ?! En effet lorsque l'on compare aux chiffres avancés par l'APCE, et confirmés par l'INSEE, ils indiquent que 66% des entreprises créées en 2002 sont toujours en activité en 2005, soit 3 ans plus tard, seuil de durée pour qualifier les entreprises de pérennes. Ce qui démontre que les auto-entreprises sont plus nombreuses à déclarer un chiffre d'affaires, alors même que nous sommes en pleine crise économique que les entreprises traditionnelles en période d'activité économique "normale.
Concernant ce premier constat positif, nous ne nous attarderons pas sur le chiffre d'affaires réalisé entre ces deux chiffres. La crise économique mondiale n'était pas encore là et, par ailleurs, les conjoints collaborateurs n'étant pas comptabilisés comme force de travail, il est difficile de connaître le vrai taux de personnes travaillant pour l'entreprise (seuls les salariés sont pris en compte dans les statistiques de personnes travaillant dans l'entreprise).
Dans le rapport ACOSS 2011, la très forte augmentation du nombre de radiations constatée en 2011 (+95%) provient :
- des radiations automatiques (auto-entrepreneurs n'ayant pas déclaré de chiffre d'affaires positif depuis 24 mois).
- Suite à des contrôles, certains ont pu également requalifiés en salariés, car il faut avoir plus d'un seul client pour ne pas confondre salariat déguisé à moindre coût et entrepreneuriat. Ces personnes ont de ce fait été radiées de l'AE.
- Rares sont ceux d'après cette étude qui passent à un autre statut d'entreprise.
Cela peut s'expliquer dans la mesure où nous n'avons que 3 ans de recul sur le lancement de l'auto-entreprise, que les entreprises ne sont déclarées pérennes qu'au delà de cette durée. Les entrepreneurs sont prudents, encore plus en cette période de crise économique mondiale.
Egalement à prendre en compte :
- Le fait que les autres statuts ne les avaient pas séduits, pour cause entre autres critères, de cotisations évaluées et perçues avant même de réaliser un quelconque chiffre d'affaires et le mille feuilles administratif.
- La comptabilisation à postériori des chiffres d'affaires des auto-entrepreneurs démarrant leur auto-entreprise. Ceci car ils ont alors la possibilité de déclarer leur premier CA dans un délai minimum de 90 jours suivant la date de début d'activité et s'ils déclarent en trimestriel, en tenant compte des dates 31 janvier - 30 avril - 31 juillet - 31octobre. Exemple : un auto-entrepreneur démarrant son activité au 15/7/2011 peut très bien ne faire sa 1ère déclaration que (90 jours + tard que le 1er trimestre ayant généré le chiffre d'affaires = 31/12) + date trimestrielle qui suit soit le 31/1/2013. Cela donne un décalage de 5 mois et demi suite au début d'activité pour la prise en compte du chiffre d'affaires en statistiques et payer les cotisations (plus tôt si l'auto-entrepreneur a choisi la mensualisation).
- Le fait que lorsqu'une personne change de structure, elle change de Siren et cela peut être constitué dans les chiffres comme une cessation, or ce n'est qu'une évolution. Exemple : passage d'entreprise individuelle ou d'auto-entreprise vers EURL ou SARL.
- Le net ralentissement des immatriculations du nombre de comptes administrativement actifs, en parallèle de la forte augmentation du nombre de radiations depuis le 2ème trimestre 2011. Ceci peut s'expliquer par le fait que des personnes ont eu l'opportunité de tester une activité, mais n'ont finalement pas trouvé de clientèle suffisante, ou le temps de mener à bien leur entreprise et son développement, et par ricochet, la radiation naturelle. Egalement la cessation dûe au paiement de la CFE (contribution foncière des entreprises, remplaçant la taxe professionnelle, mais calculée sur la valeur du bâti et non sur le chiffre d'affaires, et avec un seuil minimum de taxation suivant les communes où sont installés les auto-entrepreneurs). Cette contribution étant exigible à compter de la 3ème année d'exercice, pour ceux qui ont démarré en 2009, elle va être effective. Ce qui fait que pour les auto-entrepreneurs qui ont fait leurs calculs de marge trop serrés, leur seuil de rentabilité est trop juste pour un petit chiffre d'affaires au regard de la charge, non déductible (contrairement aux entreprises pouvant déduire leurs frais professionnels) de la CFE ; d'où la cessation plutôt que travailler à perte.
Fort ralentissement des immatriculations au premier trimestre 2012 : là aussi normal au vu de l'attentisme avant les élections présidentielles et législatives.
Ceci posé, penchons nous sur les chiffres d'affaires déclarés par les auto-entrepreneurs : grosse différence entre les AE pouvant déclarer un chiffre d'affaires et ceux déclarant effectivement un chiffre d'affaires. Ces chiffres sont à pondérer, du fait des premières déclarations de CA par les AE nouvellement inscrits qui déclarent en trimestriel, mais également en fonction de la saisonnalité de certaines activités. La page 4 du rapport ACOSS fait état de ces décalages en ajoutant que le délai peut aussi être dû au délai de traitement des procédures d'affiliation et de radiation, pouvant aller jusqu'à 34% du stock de dossiers en trimestriel.
6.300 auto-entrepreneurs dépassent le seuil de chiffre d'affaires du micro-social et devront donc, si cela perdure, passer d'emblée à un autre statut d'entreprise. Ils font partie de la frange de 8,1% d'AE (60.000) dont leur CA dépasse les 20 K€ pour 2011.
L'analyse du rapport ACOSS indique que les activités relevant des BNC (Bénéfices Non Commerciaux) tirent mieux leur épingle du jeu que les autres activités : 8.265€ annuels moyens déclarés de CA contre 7.715€ pour les activités de prestations et 8.166€ pour les ventes.
Ceci s'explique aisément car l'auto-entrepreneur ne pouvant déduire ses frais et n'étant pas assujetti à la TVA, ceux qui choisissent de faire de la vente, doivent inclure la TVA payée sur les marchandises dans leur prix de vente, sans pouvoir la déduire comme une entreprise assujettie à la TVA. De même ceux qui ont des déplacements, ou une formation et/ou une assurance obligatoire, ou encore de gros frais, ne peuvent pas forcément prendre ces contrats et se cantonnent à une zone locale où ils peuvent réduire leurs frais, mais la contrepartie est le chiffre d'affaires pas forcément au rendez-vous sur leur bassin de chalandise.
En 2010 10% des auto-entrepreneurs qui ont cessé leur activité l'ont fait pour opter pour un autre régime d'entreprise, tandis que 23% proviennent d'auto-entrepreneurs bénéficiant de l'exonération ACCRE (Aide aux Chômeurs à la Création et Reprise d'Entreprise).
La mesure d'exonération ACCRE (portant sur un an d'exonération), si l'expérience d'installation n'est pas concluante, les chômeurs n'étant pas forcément préparés à un rôle de chef d'entreprise, à la concurrence, au démarchage commercial, ou ayant une idée porteuse, il est normal qu'ils cessent leur activité. Cela aura permis de faire baisser artificiellement les chiffres des chômeurs pendant un an et leur aura donné une chance de créer leur propre emploi.
Les autres radiations proviennent pour la plupart d'auto-entrepreneurs n'ayant réalisé aucun chiffre d'affaires. Il est vrai que nous avons pu constater sur les réseaux sociaux les nombreuses questions posées, leur inexpérience du monde de l'entreprise côté entrepreneur et non plus salarié, comment déterminer leur prix de prestation/produit, comment commercialiser et gagner en visibilité sans avoir de budget pour cela. Certains ont même inconsciemment non respecté la loi qui pose qu'on ne doit pas vendre à perte, cela parce que ces AE ne réalisaient pas qu'il leur fallait évaluer dans leurs tarifs les frais qu'ils ne peuvent déduire, le % de cotisation et ainsi de suite et que de vendre à perte était illégal, et jouait également contre eux, s'ils pensaient faire un prix d'appel car ils pouvaient difficilement faire comprendre le prix "normal" par la suite.
De cette expérience une leçon est tirée : apprendre à tous à apprendre, un bel avenir pour le tourisme industriel ou le partage d'expérience entre chefs d'entreprises et jeunes aspirants à le devenir ?
Pour la 1ère fois dans l'histoire de l'entrepreneuriat, les entrepreneurs en herbe provenaient de toutes les couches de la population et de tous les âges et l'engouement, l'espoir d'être l'acteur de sa vie professionnelle a soulevé les foules et fait encore de la résistance !
Le plus grand nombre s'est lancé grâce à la facilité des démarches, au risque très faible par rapport aux autres statuts d'entreprise. De même cela a permis pour beaucoup de créer pour cumuler avec un autre emploi ou une autre activité non rémunérée et ainsi trouver ou retrouver un équilibre et une place dans la société (salarié à temps partiel ou même à temps plein dont le SMIC à 35h ne suffisait pas, retraité n'ayant pas suffisamment avec sa pension, étudiant tentant de gérer études et entrepreneuriat, conjoint collaborateur cumulant avec sa propre activité comme j'ai été la pionnière sur le créneau au départ refusé, mères de famille souhaitant avoir leur activité d'appoint...)
Certains ont tenté le régime pour bénéficier de la couverture sociale quasi gratuite et abusaient de ce fait du dispositif. D'où la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 où les auto-entrepreneurs sont radiés d'emblée en cas de chiffre d'affaires nul sur 24 mois ou 8 trimestres consécutifs.
D'autres y ont vu une manne moins chère que le coût des cotisations patronales trop lourdes et ont poussé leurs salariés à s'installer en auto-entreprise pour le même poste. Ceux ci se sont vu faire l'objet de contrôles et radiés pour cause de salariat déguisé.
Je ne porte aucun jugement sur de telles pratiques, elles en peuvent voir le jour que pour deux raisons : le coût du travail de + en + lourd (voir les augmentations encore prévues par le gouvernement actuel promettant pourtant un avenir meilleur, un "changement"), le malaise salarial suite au passage aux 35h qui a certes donné plus de congés aux salariés mais pas plus de pouvoir d'achat. Ce n'est pas avec la suppression de l'exonération de charges sur les heures supplémentaires qui vient de passer que cela va s'améliorer !
J'attire juste l'attention des lecteurs sur le fait que lorsqu'une personne s'installe en affaire personnelle (traditionnelle, micro-entreprise ou auto-entreprise) en cas de dettes trop lourdes à porter, ces personnes ne pourront pas déposer de dossier de surendettement auprès de la banque de France, car le surendettement est une affaire de droit privé tandis que l'installation à son compte relève du droit commercial. Ces mêmes personnes n'auront pas non plus de prestations chômage si elles se sont lancées pour bénéficier des aides à l'installation puis reviennent au chômage, car là aussi elles ne feront plus partie des salariés chômeurs.
Les radiations de 2011, d'après les tableaux du rapport ACOSS, sont plutôt constatées dans les secteurs du commerce 27,1%), des télécommunications (39,5%) et les activités financières et d'assurance (34,9%). De même que les radiés sont plutôt des jeunes et des hommes.
Ceci s'explique aisément, les femmes cherchent plus à s'installer en investissant peu et en tentant de préserver l'équilibre de la famille et de leur rôle en son sein, tandis que les hommes cherchent plutôt à rentabiliser et à se créer une bonne retraite, pas forcément à long terme le bon plan avec l'auto-entreprise dans le secteur du commerce.
Les secteurs télécommunications, finances et assurances sont très concurrencés, quel que soit le statut d'entreprise.
L'auto-entreprise n'étant pas répertoriée au registre du commerce (sauf cas particulier par exemple sur Reims où la CCI a décidé d'inclure dans ses listes d'entreprise les AE relevant du secteur commercial), ni à celui des métiers, ne pouvant donc pas bénéficier de la publicité de ces catalogues d'entreprises, il leur faut investir sans pouvoir déduire leurs frais dans la publicité, la communication.
On remarque dans le tableau du rapport ACOSS (page 6) la décomposition par tranche d'âge des auto-entrepreneurs. On peut voir que les tranches d'âge s'étalent jusqu'à 70 ans et plus ! Ainsi cette tranche d'âge comptait en 2011 8.275 auto-entrepreneurs, dont 1.806 ont été radiés (21,82%). Il faut espérer que cette radiation est dûe au fait qu'ils avaient alors suffisamment pour vivre et prendre une retraite paisible à la suite de leur expérience d'AE !
Nous sommes loin de la retraite à 60 ans cheval de bataille sur lequel François Hollande est revenu pour plus de justice d'après lui. La justice serait de ne pas être discriminé à l'embauche dès 40 / 50 ans ou débauchés dans cette même tranche d'âge par les plans sociaux !
Dans les tranches de jeunes qui se sont radiés, cela peut coïncider avec un manque de formation au rôle de chef d'entreprise, comme un manque de fibre commerciale ou encore l'entrée dans la vie active suite au cumul avec les études qui les mènent à un emploi salarié.
Mais est ce pour autant négatif de voir toutes ces radiationsau regard des auto-entreprises pérennes à 3 ans ?
Reprenons une étude qui a été faite sur l'entrepreneuriat par le DECAS (Devenir des Entrepreneurs Ayant Cessé l'Exploitation de leur Entreprise) menée sur des entrepreneurs étudiés entre 1998 et 2003 pour pouvoir évaluer la pérennité des entreprises, les raisons de leur pérennité ou le devenir des entrepreneurs.
On y constate que nombre d'entrepreneurs ayant tenté leur chance ne cessent pas forcément leur activité pour cause d'échec professionnel. Nombre sont ceux qui ont des soucis personnels ou de santé qui entrent en ligne de compte, ou encore ils se sont trompés sur le concept d'entreprise mais reprennent par la suite une autre entreprise, une autre activité. Même ceux qui reprennent un poste salarié mentionnent ce passage en entrepreneur et ça les valorise.
L'auto-entreprise est donc à plus d'un titre une aide à la progression : création de son propre emploi, appoint ou cumul de revenus, apprentissage sur le terrain de la vie d'entrepreneur, apprentissage des aspects juridiques, fiscaux, commerciaux, de communication que beaucoup autrement n'auraient pas dans leurs compétences.
Pour terminer l'analyse du rapport de l'ACOSS, l'annexe 4 (page 11 et suivantes) donne des tableaux de répartition des auto-entrepreneurs en fonction du chiffre d'affaires et du secteur d'activité :
Il s'en dégage qu'en 2011, 93.100 déclaraient deux activités en auto-entreprise,
159.500 auto-entrepreneurs exercent une activité de vente,
220.400 exercent une activité de prestation
185.200 exercent une profession libérale (BNC)
Total 565.100 auto-entrepreneurs génèrent du chiffre d'affaires en 2011 et ces sommes ne sont pas neutres pour l'Etat (page 3 du rapport ACOSS) :
Pour 2009 : 988,8 millions d'€ de CA pour 156.971 cotisants
Pour 2010 : 3.090,3 millions d'€ de CA pour 371.617 cotisants
Pour 2011 : 4.364,2 millions d'€ de CA pour 472.122 cotisants (là on remarque la distorsion avec le total ci dessus qui s'explique avec le décalage pour les primo-déclarants mais on ne connaît pas le CA de ceux ci)
Soit un Total global entré dans les caisses de l'Etat depuis 2009 de 8.443,3 millions d'€ !
Alors Monsieur le Président Hollande, sont-ce ou ne sont-ce pas de "vraies" TPE ?
Ceux qui font un chiffre d'affaires de ventes, le montant de CA se situe pour 70% en dessous de 3.000€ annuel ou entre 2.500 et 3.000€ pour 6.000 AE. Très certainement, ces types de ventes sont des activités d'appoint ou des tests de lancement de produits ou d'activité avant de passer à un statut plus traditionnel si la cible semble correspondre aux produits proposés.
Il est important de rappeler que ceux qui font de la vente à domicile (style Tupperware) normalement devraient prendre le statut de VDI et relèvent de la FEVAD (fédération des ventes à distance). Egalement à rappeler, la vente sous forme pyramidale, aussi appelée à la boule de neige ou MLM (multi level management) est peut être alléchante pour certaines personnes à qui on fait miroiter de gagner beaucoup sans travailler beaucoup. Ils oublient que ce sont uniquement ceux qui sont en haut de la pyramide qui touchent le pactole et par ailleurs ce type de commerce est interdit en France.
Les auto-entrepreneurs exerçant une activité de prestation ont une courbe de chiffre d'affaires plus lissée que ceux qui font des ventes, sans doute parce que les prestations n'ont rien à voir avec la mode, la saisonnalité de certaines ventes qui jouent pour ce secteur d'activité.
Pour les auto-entrepreneurs ayant une activité relevant du champ des professions libérales, là leurs résultats de chiffre d'affaires sont plus élevés sur l'ensemble par rapport aux autres secteurs pour 2011.
Normal car ces professionnels n'ont pas besoin de beaucoup d'investissement pour exercer, pas beaucoup de frais, pas trop de risques non plus, ni de saisonnalité. Très souvent, nous pouvons le constater sur le terrain auprès de la FEDAE ou des réseaux sociaux en général ou des réunions d'information des CCI, des personnes peuvent cumuler leur emploi de fonctionnaires ou assimilés pour offrir leurs compétences dans le domaine privé, ou encore profiter de leur expérience précédente dans leur vie de salarié pour s'installer sur un secteur qui ne leur demande pas de grosse formation et leur permet ainsi de faire du chiffre d'affaires de manière plus homogène et à moindre coût.
Pour tordre le cou aux idées de réformer en profondeur l'auto-entreprise de Monsieur Hollande pour n'avoir plus que de "vraies" TPE, il suffit de regarder le rapport ACOSS dans son annexe 5 page 13, où nous pouvons y trouver un tableau comparatif de la population des nouveaux auto-entrepreneurs à celle des nouveaux travailleurs indépendants :
Ce tableau compare les 750.800 auto-entrepreneurs aux 679.100 nouveaux travailleurs indépendants (hors auto-entreprise) immatriculés depuis le 1/1/2009 et encore actifs à fin décembre 2011.
En fait quelques secteurs d'activité semblent attirer plus les personnes vers le statut d'auto-entreprise que vers les autres statuts de travailleurs indépendants. C'est le cas de :
L'éducation 7% d'AE contre 1,7% autres indépendants
Autres activités scientifiques et techniques 7,1% d'AE contre 2,1% autres indépendants
Autres activités de services 12,5% d'AE contre 4,7% autres indépendants
Arts, spectacles et activités récréatives 4,6% d'AE contre 1,4% (là l'écart est moins grand car beaucoup d'artistes ont plus d'intérêts à être inscrit à la maison des artistes et pouvoir déduire leurs frais (achats de matériels notamment, voire même DOIVENT s'y inscrire. Exemple : quelqu'un qui peint sur un meuble fait du commerce, s'il peint sur une toile il doit être inscrit à la maison des artistes, parfois la nuance est subtile, attention donc !
Activités informatiques 4,5% d'AE contre 1,8% autres indépendants. Là aussi facile à expliquer ceux qui font de la réparation informatique doivent acheter les pièces, avoir un atelier, une assurance, de même que les développeurs informatiques décrochent plus facilement de gros contrats que ceux qui sont community manager ou créateur de sites vitrines pour des associations. Du coup le choix du statut, passé la phase de test évolue rapidement soit pour dépassement de seuil, soit pour pouvoir tenir compte des frais et investissement.
Activités de services administratifs et de soutien 6,6% d'AE contre 3,3% autres indépendants : là aussi simple à expliquer, activité soit de cumul avec une activité à temps partiel, soit recherche pour créer son propre emploi de façon simple à gérer et ne nécessitant pas beaucoup d'investissement car à l'heure actuelle tout ceux qui travaillent dans ce secteur sont dotés d'un ordinateur personnel, d'une connexion Internet, très souvent ont un accès illimité au téléphone et peuvent télétravailler.
Habillement, textile et cuir : faible % mais bon nombre d'AE 7.154 AE représentant 1% du total des AE contre 1.849 des autres indépendants représentant 0,3% du total de ces indépendants. Cela fleure les ventes de lingerie ou de cosmétiques en e-commerce ou à domicile. Dans tous les cas, le commerce n'est pas ce qui est le plus porteur pour voir grossir son revenu en AE, les autres indépendants l'ont bien compris qui très souvent se mettent en société pour rassurer leur banquier comme pour protéger leurs biens en cas de défaillance. Mettez vous en rapport avec la FEVAD pour savoir dans quel cas vous pouvez vous inscrire en AE ou dans quel cas vous relevez de la FEVAD en tant que VDI (vendeur en direct indépendant).
Un secteur semble atypique, celui des activités juridiques, de conseil et d'ingénierie : 8,6% (6.731 personnes) d'AE contre 7,3% d'autres indépendants (49.365). Le % des formules en indépendants sont proches en % mais en nombre total d'autres indépendants là il y a distorsion. Très certainement dû au fait que les autres indépendants s'installent au sein de cabinets de groupes, ont en plus de leur statut d'indépendant une place dans une SCM, une SCP, une Selarl ou autre formule qui prend en compte les frais globaux des cabinets pour les partager et s'épauler les uns les autres. De même que souvent ces professions ont l'obligation d'avoir une formation et un diplôme pour pouvoir exercer, l'auto-entreprise n'est donc pas la formule à retenir sur le long terme. Elle touche très certainement plus les personnes dans le domaine du conseil que dans les deux autres activités de juridique et d'ingénierie.
Dans l'industrie peu d'AE, dans la construction, bête noire des artisans et montée de bouclier de Madame la ministre Sylvia Pinel, et pourtant !!!
En effet regardons les chiffres :
Très peu d'AE et un % quasi insignifiant sur le total des AE dans le domaine de l'industrie. Il y a fort à parier que dans ces cas cela sent la sous traitance !
La construction donne un % identique entre auto-entrepreneurs et autres indépendants : 13,9%. Cela représente 104.389 AE et 94.676 autres indépendants.
Est-ce que cela peut faire de l'ombre réellement au point de mettre la profession d'artisan au bord de la faillite et de justifier l'accusation de concurrence déloyale, relayée par Mme la ministre Sylvia Pinel ?
Pour y voir clair, rien de tel que des faits, des statistiques indiscutables : voir les rapports sur les sujets de l'artisanat en ligne sur le site de l'INSEE statistiques à fin 2010 fournies en septembre 2011.
Le statut juridique des entreprises artisanales est passé entre 2000 et 2010 de 63,9 à 54,2% des entreprises artisanales créées. Chiffre qui aurait donc tendance à prouver que le chiffre des auto-entrepreneurs n'a pas été chambouler les données dans une hausse exponentielle des entreprises personnelles, bien au contraire ! Bon nombre d'artisans comprennent maintenant qu'ils ont plus intérêt à s'installer sous forme d'EURL ou de SARL pour protéger leur patrimoine en cas de faillite.
La répartition des entreprises artisanales en fonction du nombre de salariés donne une augmentation entre le 1/1/2009 et le 1/1/2010 de 100.456 entreprises (non précisé sous quel statut juridique sur le tableau INSEE). Le total des entreprises artisanales passe de ce fait de 968.377 à 1.068.833.
Difficile d'en tirer une quelconque affirmation que cette augmentation correspond à l'avènement des artisans auto-entrepreneurs. Nous pouvons juste observer que ceux qui n'emploient pas de salarié et qui se sont créés entre ces dates de l'année 2009 sont en augmentation de 107.368 (de 486.818 le chiffre passe à 594.186), mais sont-elles encore actives à début 2012 ? Tout ce dont on peut être sûr c'est du % plus élevé de progression des artisans n'employant pas de salarié contre la progression de l'ensemble des entreprises artisanales, % plus élevé pour les premiers que pour les seconds.
Alors est-ce dû à la création d'auto-entreprises artisanales ou à l'utilisation d'auto-entrepreneurs en sous-traitance ou en salariat déguisé ?
Pour sûr certains auto-entrepreneurs ne sont pas forcément réglo et parfois utilisent à tort les outils ou la camionnette de leur entreprise pour cumuler avec des chantiers en plus de leurs 35h en auto-entreprise. Sont-ils bien conscients des risques qu'ils prennent, de la concurrence déloyale montée actuellement en épingle pour une toute petite minorité de cas effectifs ? N'est ce pas le rôle du chef d'entreprise de vérifier sa flotte de véhicules et exiger que les outils restent dans l'enceinte de l'entreprise ? Les personnes qui tentent ainsi d'arrondir leurs fins de mois ont ils assez de leur salaire de 35h ? Il faut croire que non, sinon ils préféreraient profiter de leurs RTT que d'aller travailler en dehors.
Le problème de fond est-il :
- Dû à la concurrence déloyale ?
- Dû à des cotisations trop lourdes pour l'ensemble des entreprises traditionnelles (d'autant qu'elles doivent payer ces cotisations avant même d'avoir réalisé leur chiffre d'affaires) ?
- Dû à des personnes poussées à travailler plus pour gagner plus ?
- Le problème ne vient-il pas aussi des travailleurs étrangers venus en France sous contrat de leur pays et donc moins chers que les salariés français ?
Nous avons pu voir dernièrement un reportage sur les espagnols poussés par la crise récoltant 30% des contrats d'artisans dans le sud de la France, ce ne sont pas des auto-entrepreneurs et ce sont pourtant les auto-entrepreneurs qui sont montrés du doigt et qui poussent le gouvernement devant la grogne des artisans installés sous un autre statut de crier à la concurrence déloyale.
Alors Messieurs et Mesdames les politiques de gauche, au lieu d'être les artisans du recyclage ou de la mise au rebut de l'auto-entreprise, commencez plutôt à vous demander quels sont les VRAIS problèmes et trouvez de VRAIES solutions.
Ne pédalez pas en roue libre comme avec l'annonce du soutien du secteur automobile en lançant que l'avenir est la voiture électrique qu'il faut soutenir et qui est propre alors même que vous êtes contre le nucléaire qui pourtant alimenterait vos batteries en location de voitures électriques.
Artisans en colère, posez vous les VRAIES questions :
Le rapport ACOSS vous donne les chiffres de la construction : 104.389 comptes d'auto-entrepreneurs de ce secteur sont administrativement actifs (donc déclarant un chiffre d'affaires), soit 13,9 % du total des AE actifs ; 22,2% des comptes ont été radiés dans ce secteur. La radiation comme nous l'avons vue, est dûe pour beaucoup à des abus de salariat déguisé ou d'abus constatés lors des contrôles.
Messieurs les artisans non AE, qui passe des contrats avec les AE en sous traitants ? Qui passe bon nombre de frais, y compris d'aménagement de portail, de garage, de maison, sur les frais d'entreprise pour contrebalancer le chiffre d'affaires et payer d'impôts ? Qui fait appel à des travailleurs étrangers sous contrat de leur pays ? Qui pense réellement qu'en supprimant les auto-entreprises cela résoudra le problème de fond de la crise économique actuelle ? Qui refuse de se déplacer pour une soudure qui lâche sur mon radiateur ou qui ne souhaite pas d'un chantier chez une mamie qui ne sait/ne peut pas déboucher son siphon d'évier et autre petit bricolage ?
D'accord avec vous les auto-entrepreneurs ont besoin de formation et d'une assurance décennale s'ils s'installent pour faire de gros chantiers ou prennent des risques et ils se doivent d'être aussi professionnels que vous et moi.
Cependant, est-ce réellement leur faute et est-ce réellement systématique qu'ils ne sont pas formés ? Pour beaucoup ils se lancent en connaissance de cause quant à leurs compétences, sinon ils ne seraient pas pris même pour de la sous traitance.
Ne pourrait-il alors pas simplement y avoir une validation des acquis de l'expérience pour tous ? Au lieu d'un stage obligatoire qui recouvre des choses que certains aimeraient approfondir mais n'en auront pas l'opportunité, comme la gestion ou le commercial et la communication, former ceux qui le souhaitent par les organismes qui ont un vrai trésor de guerre pour cela et pour lesquels les AE cotisent eux aussi.
La polémique est ouverte depuis un moment, mais attention à ne pas confondre les cibles !
Madame la ministre Sylvia Pinel a accordé dernièrement une interview au journal le Monde analysée sur le site création d'entreprise. Elle "confirme sa volonté d’ajuster fiscalement le régime de l’auto-entrepreneur de telle sorte que les problèmes de « concurrence déloyale » qu’il induit au détriment des autres entreprises soient réglés".
Selon elle, « Des problèmes de concurrence existent car les règles fiscales ne sont pas identiques entre un auto-entrepreneur et un dirigeant de société 'ordinaire' », d’où la nécessiter de « l’ajuster aux difficultés rencontrées par certains professionnels ».
La différence entre une entreprise "ordinaire" à la mode présidentielle actuelle consiste au non assujetissement à la TVA et bénéficie, en plus, d’une exonération de charges sociales tant que son chiffre d’affaire est égal à zéro. Après la création de son entreprise, il est dispensé d'immatriculation administrative au Registre du Commerce et des Société ou au Répertoire des Métiers, et n’est pas tenu de suivre une formation à la Chambre des Métiers.
Mais à ceci Madame la Ministre, il est aisé, lorsqu'on connaît le monde de l'entreprise, de savoir que déjà des entreprises ordinaires, les micro-entreprises sont sous ce régime de non assujetissement de la TVA et personne n'en rêve ou ne crie à la concurrence déloyale !
Le progrès est justement de ne pas payer de cotisations d'avance, lorsqu'on ne génère pas de chiffre d'affaires !
Mais bien entendu et hélas, ce n'est pas la gauche qui va reconnaître et mettre en place le souhait de Monsieur Sarkozy de tester sur l'auto-entreprise et de passer ensuite au même système pour les autres entreprises de paiement de cotisations au fur et à mesure de la création de valeur au lieu de payer d'avance et de régulariser un ou deux ans ensuite et ceci sur toute la vie d'une entreprise, ce qui pose problème de financement, mais également de complications de paperasses.
Par ailleurs Madame la Ministre, votre raccourci est erroné, toutes les entreprises, bien avant l'avènement de l'auto-entreprise, n'avaient pas les mêmes règles fiscales, ce n'est pas pour autant que cela déséquilibrait le monde économique et constituait une concurrence déloyale !
Vous stigmatisez 104.389 auto-entrepreneurs du secteur de la construction (alors que 23.183 comptes soit 22.2% ont été radiés en 2011) alors qu'ils ne représentent que 13,9% des comptes actifs des auto-entrepreneurs et nous ne parlons même pas de leur chiffre d'affaires car il n'est pas isolé dans le rapport ACOSS sur lequel vous comptez vous baser pour statuer sur le dossier !
Pensez-vous réellement que si vous les obligez à changer de statut ils le feront ou parieriez vous sur leur retour au chômage sans indemnité ? Attention aux chiffres, si vous voulez voir les chiffres des chômeurs non indemnisés et postulant pour le RSA, allez y, tranchez dans le vif, un artisan vous prêtera bien son outillage !
Auto-entrepreneurs, faites entendre votre voix, notamment lors du passage ou sur leur site de la FEDAE et de l'UAE qui sont nos porte-paroles auprès du ministère bien que nous ne nous faisons aucune illusion, l'avis ne sera que consultatif pour la forme.
Le journal l'Express retraçait le parcours de la FEDAE en tour de France cet été.
Ici dans la Marne, le rapport ACOSS fait état de 5.173 (6,89% du national) auto-entrepreneurs administrativement actifs à fin décembre 2011 pour un chiffre d'affaires moyen de 8.221€ annuel (contre 9.244€ au national).
Et vous, quel est votre point de vue, votre retour d'expérience, vos arguments, vos attentes ?
Mireille Ruinart - Créactions