L’histoire d’un légume, d’une graine, d’un fruit est souvent passionnante. Ils déterminent toujours des mouvements de sociétés, des habitudes alimentaires, des rencontres, du commerce, des guerres parfois, en tout cas de la vie des civilisations. Ils changent parfois un paysage, transforment les hommes et deviennent, au fil du temps, parti intégrante de leurs existences. L’aventure du riz à travers le monde en est un exemple typique. Il représente aujourd’hui la nourriture de base de plus de la moitié de l’humanité principalement en Asie et en Afrique. En Europe, il est supplanté par la pomme de terre et les pâtes et ne véhicule aucun contenu culturel ou symbolique. Pourtant, il s’installe doucement dans notre consommation, et les gourmets sélectionnent les provenances, plutôt les crus de montagne que celui des rizières des plaines asiatiques ou américaines.
Il arrive chez les Perses qui le connaissent par les Chinois, puis se développe en Grèce où il est surtout utilisé comme plante curative de problèmes intestinaux. Il restera longtemps un produit de luxe, étant peu ou pas cultivé sous nos cieux, réservé à une élite de riches à travers l’époque médiévale. Il faut attendre son implantation dans la plaine du Pô en Italie au XVème siècle, alors infertile et sujette aux inondations, pour qu’il se démocratise quelque peu. Henri IV, fasciné comme beaucoup par tout ce qui se faisait en Italie, cherche à l’implanter en France. Sully, son « premier » ministre, propose la Camargue elle aussi sujette aux variations capricieuses du Rhône mais le roi ne vit jamais la première récolte quelques années plus tard pour cause de rencontre malencontreuse avec un certain Ravaillac. Les paysans du coin, peu convaincus, abandonnèrent vite le riz, ses marécages et ses moustiques pour revenir à des cultures plus normales. Il faudra attendre les années 1940 pour voir réapparaître la culture du riz dans la Camargue qui avait comme but premier de remplacer la perte des approvisionnements asiatiques.
Retour réussi puisqu’il occupe maintenant plus de la moitié de la production céréalière du delta. Paul Ricard, passionné par la Camargue, a joué aussi un grand rôle dans le développement du riz dans cette région. Il avait alors acheté des terres qui existent encore aujourd’hui et produisent du riz.
En Camargue, les rizières sont mises à eau début avril et le grain absorbe alors le quart de son poids en eau. Une tige, puis une autre, puis l’épi, et bientôt les fleurs se transforment en grains. La récolte se fait à maturation par des machines. Le riz complet est débarrassé de son enveloppe, puis trié et tamisé. Il peut être blanchi par abrasion, ou étuvé à la vapeur sous pression. Le riz de Camargue existe en grains ronds (moelleux), moyens (recommandé pour le risotto), longs (incollables), et très longs (parfumés ou pas en accompagnement).
La cuisson du riz est souvent perçue comme un casse-tête pour parvenir à la perfection des grains fondants en bouche tout en restant bien séparés les uns des autres. Un seul moyen : assister et contrôler la cuisson qui varie en fonction des styles de riz (de10 minutes environ pour les blancs à 25 minutes pour les complets). Sinon, il colle et cette colle du riz est vite devenue l’ennemie à écraser. Ce fut chose faite avec l’arrivée d’un oncle d’Amérique, Benjamin de son prénom, qui envahit l’Occident impatient avec son riz qui « ne colle jamais ». Certes, mais il perd tout car il est précuit et donc totalement dépourvu des qualités gustatives et de la diversité des saveurs des riz asiatiques ou indiens.
Entre ces deux extrêmes, le riz de Camargue se doit de mettre en avant ses spécificités, d’insister sur ses qualités intrinsèques en plus de l’IGP obtenue en 2000. Il est question que certains domaines vendent leur riz au nom de la propriété ce qui permettrait une plus grande diversité de goût. Affaire à suivre.
Domaine Paul Ricard
Mas de Méjanes
Directeur : Xavier Guillot
www.mejanes-camargue.fr
Ouvert toute l’année pour des visites pédestres de la culture du riz.
Contact : 04 90 97 10 10