Samedi 28 juillet
Festival de Carcassonne
Place Carnot
Tous ceux qui ne comprennent pas pourquoi je continue à parler du Festival de Carcassonne (en dehors du contexte spacio-temporel), doivent comprendre ceci, avant d'avoir une nouvelle raison dans mon debrief : Je ne comprends pas pourquoi le festival n'est pas plus connu nationalement et internationalement.
Vous allez me dire, il n'en a pas vraiment besoin, il fait quasiment le plein tous les soirs ; le flot des très nombreux touristes se chargeant peut-être quelques fois de remplir les derniers trous. Il est très connu auprès des régionaux : du Languedoc-Roussillon et de nos voisins de Midi Pyrénées. Ce qui fait que certains concerts sont déjà sold-out avant même l'ouverture des ventes sur les "grandes" billetteries sur internet.
OK, il ne fait pas beaucoup de publicité en dehors de ces régions, la couverture médiatique est relativement faible, en particulier dans les journaux spécialisés en musique, et ne dépasse guère nos limites géographiques.
OK, c'est un festival multigenre qui affiche pour 1 mois et demi des évènements et spectacles étiquetés "Théâtre, Classique, Opéra, Danse, Cirque" et "Concerts" maladroitement remplacé par "Variété" sur certains affichages (sûrement pour le différencier des concerts de musique classique). "Variété"!! Really!!! La variété, c'est généralement le terme désuet qu'on utilisait pour parler de la musique populaire (et non plus de sa nature variée)... "Variété"???!!! Je ne pense pas qu'Alice Cooper et surtout Marilyn Manson entrent dans ce "label". A moins qu'on en revienne au terme premier et qu'on parle alors de l'éclectisme de la programmation du festival.
OK, éclectisme il y a, mais le festival est aussi taxé de programmation trop "populaire" ou commercial : cet année, Johnny Halliday par deux fois, Yannick Noah, LMFAO... tout ceux-là en concert payant en plus de Gossip et de ceux que j'ai déjà nommés ci-dessus.
OK, les concerts payants sont souvent (très) chers : rarement 30€, 40-50€ pour la plupart (comme pour 2h de Gossip plus sa première partie), plus de 100€ pour Johnny!
Oui, mais voilà, si les concerts payants sont très souvent un succès (1 seul concert sans ambiance parmi ceux auxquels j'ai assistés ces dernières années), les concerts gratuits le sont TOUJOURS. Il y a 70-80 spectacles gratuits pour environ 120 spectacles en tout chaque année. Je ne roule pas sur l'or donc la plupart des concerts du Festival de Carcassonne dont je vous parle sont des concerts gratuits et tous, TOUS, se sont déroulés avec beaucoup de public et dans une excellente ambiance (en faisant abstraction DU mec/de LA nana bourré(e) qui vous pousse dans les premiers rangs et sur lequel/laquelle vous gardez un oeil inquiet pour les quelques minutes où il/elle reste).
Et pour ces concerts gratuits, il y a très souvent des artistes connus et reconnus et toujours au moins un concert "Jazz" chaque année. L'an dernier, c'était Kyle Eastwood, bassiste, compositeur et accessoirement fils de son père. L'année d'avant, c'était China Moses, animatrice télé, chanteuse de Jazz amoureuse de vins rouges et accessoirement fille de sa mère. Cette année, c'est Ibrahim Maalouf, trompettiste, compositeur et étrangement... fils de ses parents. Pour China, j'étais là! Pour Kyle, j'étais là! Pour Ibrahim Maalouf, je suis là!
Ibrahim Maalouf arrive sur scène en total look noir, tout sourire, avec tous ses musiciens :
François Delporte : Guitare Electrique
Laurent David : Basse Electrique
Frank Woeste : Fender Rhodes
Xavier Rogé : Batterie
Youenn Le Cam : Trompette 1/4 de tons, Flûte, Cornemuse
et un autre trompettiste dont je n'ai pas retenu le nom.
Ibrahim et ses musiciens égrainent les titres de ses albums principalement ceux du dernier album : Diagnostic sorti en 2011 et dont ils interprètent aussi le titre phare. Entre tous ces morceaux, Ibrahim parle, avec humour, de ses névroses et
présente ses titres inspirés, d'après lui, par ses obsessions et la schizophrénie.
C'est un Jazz contemporain accessible et pas élitiste pour un sou, mélodique diraient certains. Le public répond favorablement, écoutant avec attention les parties les plus douces, répétant avec déférence les parties où Ibrahim fait appel à lui pour jouer les choeurs et encourageant de la voix et des mains dans les parties les plus déchaînées.
Ibrahim peut sûrement paraître bavard oui mais il est plein d'humour. Il s'amuse de ces internautes qui s'inquiètaient de la météo avant le concert... (comment ça, il y avait des internautes sur facebook qui exprimaient leurs inquiétudes sur le mauvais temps annoncé? COMMENT CA ? Ils sont fous ses internautes... Hum Hum ;-p)
Il nous explique sa tenue, espérant que ça ne "gène" personne. Il s'est rendu compte qu'il jouait mieux dans sa chambre quand il était en pyjama, donc il fait ses concerts en pyjama (en fait un survêtement de marque noir et moletonné). Bon ça va, là, on est entre nous, mais il nous explique que ça peut faire bizarre dans les nombreux festivals de Jazz auxquels il participe, où la plupart des gens sont sur leur trente-et-un.
Fils de musicien, musicien lui même, trompettiste, pianiste, compositeur et aussi chef d'orchestre... Oui chef d'orchestre, notamment pour ce projet avec Oxmo Puccino : Alice au pays des merveilles où il avait eu à diriger son groupe, l'orchestre et des choeurs (pour ceux qui n'en ont jamais entendu parlé, regardez et écoutez plutôt) Et ça se voit, il "dirige" un peu son orchestre ou semble l'encourager aux moments qu'il veut intense, l'applaudit et il a aussi pensé aux choeurs interprétés par le public après une petite leçon par Ibrahim le perfectionniste, alors au piano au moment d'interpréter Will soon be a woman. La chanson, comme il nous l'explique, parle de sa fille : 2 ans... (hum) donc en toute logique le début évoque les cris du nouveau-né.
Ibrahim Maalouf - Will soon be a woman live @Festival de Carcassonne
Toujours très humble, il sort régulièrement de la lumière pour mettre en valeur les solos de ses sidemen (ses bassiste et guitaristes sont réellement impressionnants), il est aussi très naturel quand il parle avec les spectateurs.
Et ceux-là sont très nombreux sur la place bondée à apprécier son discours et ce métissage Jazz/Rock/musique traditionnelle arabe que proposent Ibrahim et son band.
Et arrive mon moment préféré, celui qu'il promet toujours plus court à chaque concert (c'est lui qu'il le dit), celui où il raconte finalement très brièvement comment il a écrit Beyrut pour pouvoir jouer le morceau dans sa version la plus longue : une ensorcellante et contemplative intro à la trompette et aux claviers et un soudain déchaînement Rock à la Led Zeppelin.
Ecoutant Beyrut il est très dur de ne pas se la jouer "Wayne's world" sur Bohemian rhapsody dés le début de la partie rock (en fait je n'ai pas résisté au début et par contre j'avais énormément envie de me la jouer "Kill Bill" sur les " bruits parasites" autour de moi, mais là je me suis retenue!)
Ibrahim Maalouf - Beyrut live @Festival de Carcassonne
Le concert se terminera toujours dans la même excellente ambiance... se terminera!? Le public toujours très nombreux "sonne" le rappel avec beaucoup d'enthousiasme et tout le groupe revient, avec un apparent plaisir, jouer un morceau plutôt énergique.
Puis, le groupe quittant la scène, une partie du public part aussi et une autre partie toujours bruyante continue d'encourager les musiciens...
Alors maintenant, je dois pousser mon cri du coeur :
"Public! Spectateurs, spectatrices! Si le spectacle vous a plu et que vous voulez faire durer le plaisir. Continuez à applaudir et à encourager à la "fin" du concert et ce TANT QUE LES ROADIES NE SONT PAS VENUS DEMONTER "LA SCENE"... les musiciens peuvent toujours REVENIR!" Ainsi des spectateurs ont loupé le deuxième rappel, car ils sont partis trop tôt alors qu'une partie du public continuait d'applaudir et de chanter la mélodie qu'Ibrahim nous avait apprise. Une scène vide de musiciens mais pleine d'instruments est toujours signe d'espoir!
Généreux, le gars et son guitariste nous offre un nouveau rappel avec un morceau appelé Ya ha la où il essaye à nouveau de nous apprendre une mélodie et de nous la faire chanter... version Hard Rock!
Enfin, après un succès amplement mérité, ils quittent définitivement la scène et le public se jette sur le vendeur de CD à côté de la scène!
On craignait la pluie, il y a finalement eu pluie d'applaudissements et de rappels... et de magnifiques souvenirs pour nos oreilles.