Ilya Kazanoğlu est né à Istanbul en Turquie en 1909.
Fils de marchand de tapis Grec, il est encore aux couches quand la famille décide d'émigrer aux États-Unis.
Timide et solitaire, il ne suit pas l'avenir que son père voulait lui dessiner dans l'entreprise de tapis.
Dans la jeune vingtaine, Kazan est alors membre du parti communiste pendant un an et demi. Un choix déterminant à long terme.
Il choisit de masquer sa timidité dans des personnages et veut devenir acteur. À 23 ans, il termine deux ans d'études en arts dramatiques à l'université de Yale de New York et joint le Group Theater. Il y fait la rencontre de Lee Strasberg, incontournable leader de la troupe, qui lui confesse que Kazan n'a aucun talent comme comédien.
Vers 26 ans, il a déjà dirigé quelques pièces pour la troupe de théâtre. Il dirige de jeunes Montgomery Clift, Tallullah Bankhead, monte des pièces d'Arthur Miller et de Tennessee Williams et épouse Molly Thacher, une employée de la troupe.
Deux ans plus tard, il est assistant-réalisateur sur un court métrage en appui au mouvements syndicaux. Il sera acteur dans deux autres films avant de signer son tout premier long-métrage à la fin de la guerre. Le film, qui raconte quelques mois dans la vie d'une famille d'émigrés irlandais, rafle deux oscars (second-rôle masculin et meilleur espoir) et lance Kazan dès son premier effort cinématographique.
Kazan fonde deux ans plus tard le fameux Actor's studio, qui privilégie le method acting, une technique qui force l'individu à anihiler tout ce qu'il est afin de devenir le personnage. Comme la méthode fait révolution, elle attire beaucoup de gens, qui de plus, veulent faire partie des films sur grand écran de Kazan.
Marlon Brando, Montgomery Cliff, Julie Harris, Eli Wallach, Karl Malden, Patricia Neal, Mildred Dunnock, James Withmore, Maureen Stapleton sont parmis les touts premiers étudiants.
James Dean écrira à ses parents que cette école est ce qu'il y a de mieux au monde pour un acteur. Lee Strasberg en devient le directeur en 1951.
Kazan a déjà tourné trois films quand son film Gentleman's Agreement rafle trois oscars: dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film (l'autre étant meilleur actrice de soutien pour Celeste Holm). Son film suivant traite de racisme et récolte trois nominations aux oscars. Kazan expérimente avec le style documentaire en Nouvelle-Orléans dans la fiction Panic in the Streets en 1950. Mais c'est en 1951, avec Marlon Brando dans le rôle principal de son adaptation d'une pièce de Tennessee Williams que Kazan atteint de nouveaux sommets.
Toutefois l'année et demie au sein du parti communiste lui vaut un interrogatoire par le House Comittee on Un-american Activities (HCUA). Kazan panique et dénonce 8 anciens membres du parti, dont la femme de Lee Strasberg. Il s'aliène beaucoup de gens dans l'industrie dont l'auteur Arthur Miller. Plusieur ne lui pardonneront jamais cette délation qui verra des centaines d'artistes placés sur la "liste noire" d'Hollywood et qui se retrouveront du coup, sans travail.
Lorsque Kazan reçoit un oscar honorifique en 1999 pour l'ensemble de sa carrière, la salle est clairement divisée. Des gens comme Nick Nolte, Ed Harris, Ian McKellen, Amy Madigan refusent d'applaudir tandis que d'autres, Kathy Bates, Meryl Streep, George Steevens Jr ou Warren Beatty se lèvent sans hésiter et l'accueillent chaleureusement.
Il est difficile de juger de Kazan sans consulter son parcours de vie et sans tenir compte du contexte de la guerre froide de l'époque.
Kazan a d'ailleurs regretté cet épisode qui a entaché jusqu'à sa réputation de réalisateur. Il exorcise le principe de délation dans le film On the Waterfront, et en particulier dans une scène aussi longue que transparente, au cours de laquelle Marlon Brando, une poutre sur le dos, suit son chemin de Croix devant les rangs des dockers trahis au début du film à cause de la mafia. Le film lui mérite encore 8 oscars, dont ceux du meilleur film, meilleur réalisateur et Brando, meilleur acteur.
Kazan est un réalisateur et un directeur d'acteur hors pair. Ses années 50, quoique tourmentées, sont prolifiques. Il tourne vite et bien: Viva Zapata! en 1952 au Mexique, Man on a Tightrope en 1953, On the Waterfront en 1954, East of Eden en 1955, Baby Doll en 1956, A Face in The Crowd en 1957, Wild River en 1960.
En 1961, Kazan nous présente à l'écran le petit frère de Shirley MacLaine pour la toute première fois: Warren Beatty. Il écrit l'année suivante America, America sur son expérience d'émigré. Il en fera un film dès 1963. Sa première femme, avec lequel il avait eu 2 filles et 2 fils, décède cette année-là. Il écrit aussi The Arrangement, un autre best-seller, avant de le mettre en film en 1969. Il marie l'actrice Barbara Loden cette année-là.
Les acteurs travaillant avec lui disent alors qu'ils se sentent gâtés pourris pour la vie puisque Kazan est le parfait réalisateur "pour les acteurs". Ils ont par la suite de la difficulté à accepter les faiblesses d'autres réalisateurs sur d'autres projets.
Kazan tourne The Visitors, scénarisé par son fils en 1972.
Après avoir été estomaqué de la splendide performance de Robert DeNiro dans The Godfather part II, il tourne en sa compagnie son dernier film, The Last Tycoon, une adaptation d'une oeuvre d'Harold Pinter en 1976.
Sa femme, avec lequel il a un autre fils, décède en 1980. Il se remariera en 1982 pour une dernière fois à l'auteure anglaise Frances Rudge jusqu'en 2003, année où il meurt lui-même à 94 ans.
Kazan est un maître de la psychologie et du comportement de l'acteur. Ses sujets réalistes, humanistes et terre-à-terre inspireront des générations d'artistes.
Kazan dira de son travail qu'il croit fermement que la solution est de toujours parler de l'être humain et non de choses abstraites, de réveler la culture et le moment social tel que dévoilé dans le comportement et la vie des gens.
Il n'aura peut-être pas souhaité être l'homme qu'il aurait voulu être, mais aura été un sacré bon artiste.