C’est une tâche ingrate : se détacher de l’actualité, prendre du recul, élever le débat et mettre des événements récents dans leur juste contexte. A commencer, exemple qui n’est évidemment pas choisi par hasard, par les statistiques relatives à la sécurité aérienne.
L’actualité, notre actualité, est encore sous le coup de l’AF447, le vol Rio-Paris du 1er juin 2009, qui a emporté 228 vies en même temps que de nombreuses certitudes. L’essentiel est dit depuis la publication du rapport d’enquête final du BEA, le mois dernier, mais le débat qu’il a relancé est bien loin de se terminer. D’autant que suivra un procès, probablement dans plusieurs années, qui rouvrira les plaies et les polémiques. Et, comme s’il s’agissait d’exacerber ces difficultés, il a fallu récemment prendre en compte le procès en appel de l’accident du Concorde d’Air France de juillet 2000.
Dans ces conditions, comment évoquer sereinement la «bonne» évolution de la sécurité aérienne ? Des colonnes de chiffres ne feront jamais revenir les victimes d’accidents, pas plus qu’elles n’apporteront le moindre réconfort à leurs familles. Reste le fait qu’il faut regarder la réalité en face. Une réalité que nous met sous les yeux, cette semaine, l’EASA, Agence européenne de la sécurité aérienne, issue de l’Union européenne.
Les vingt-sept Etats membres de l’Union affichent, pour 2011, un bilan presque parfait : un seul accident mortel en catégorie transport aérien, six victimes en tout et pour tout, les pilotes et passagers d’un petit bimoteur Fairchild Metro qui s’est écrasé en Irlande. Ce bilan, qui tient en une seule ligne, fait suite à une année 2010 exemplaire, zéro accident.
Au niveau mondial, 45 accidents ont été dénombrés en 2011, ce qui correspond à une situation stable, malgré un trafic en hausse. Depuis une dizaine d’années, la sécurité, considérée dans son ensemble, affiche en effet des chiffres qui varient peu, avec des pointes relatives en 2004 et 2005. Au niveau européen, sur 10 ans, la moyenne est de quatre accidents.
En se référant à une autre source au-dessus de tout soupçon, l’Organisation de l’aviation civile internationale, rattachée aux Nations Unies, on constate qu’un accident survient tous les 2 millions de vols. C’est, pour aller à l’essentiel, trois fois moins qu’il y a 20 ans. Les spécialistes sécurité de Boeing notent, à ce propos, qu’un accident survenait toutes les 200.000 heures de vol dans les années cinquante et soixante. C’est une manière simple de mesurer le chemin parcouru, sachant, remarquent les mêmes spécialistes américains, que 6 millions de voyageurs prennent l’avion chaque jour.
Mais ce ne sera jamais satisfaisant. Il est indispensable de tendre vers la notion de «zéro accident», venue des Etats-Unis, qui fit tout d’abord sourire mais qui est sans doute à portée de la main. Et certainement pas chimérique. D’autant que le trafic aérien double de volume tous les 15 ans et, de ce fait, ne peut en aucun cas se contenter de quelconques compromis. C’est le message subliminal que portent les statistiques de l’EASA.
Pierre Sparaco - AeroMorning