Guillaume-en-Egypte avatar-chat de Chris Marker
C'est Agnès Varda qui parle avec le plus d'émotion de la disparition de Chris Marker : « Chris Marker va nous manquer. Il a commencé à exister pour moi en 1954, par sa voix. Il téléphonait à Resnais, qui montait mon premier film.
Son intelligence, sa rudesse, sa tendresse, ont été une de mes joies tout au long de notre amitié. Tous ses amis avaient accès à un peu de lui. Il envoyait des dessins, des collages. Lui seul sans doute replaçait les pièces de son auto-puzzle. Il s’en va, sachant qu’il a été admiré et très aimé.
Je le rencontrais avec plaisir, mais quand je l’ai filmé dans son atelier, son antre de création, on l’entend, mais on ne le voit pas.
Il a choisi depuis longtemps de se faire connaître par son travail et non par son visage ou par sa vie personnelle. Il a choisi le dessin qu’il a fait de son chat Guillaume-en-Egypte pour se représenter.
Il a aussi choisi – au moins pour un temps – d'apparaître dans « Second life » sous forme d’un grand type clair, un avatar qui circulait sur une île et discutait avec une chouette.
Le voilà dans sa troisième vie. Longue vie là-bas ! »
Dans les années 60, déjà, Chris Marker questionnait le rôle des images dans l'information. Curieux, engagé (Cuba, le communisme soviétique et chinois, la guerre du Vietnam, Mai 68, le Chili,....), l'auteur de «La jetée» (1962), un film d'anticipation à images fixes en noir et blanc, qui a atteint une renommée mondiale, a collaboré avec Costa Gavras, Akira Kurosawa et Alain Resnais, avec qui il a notamment co-signé «Les statues meurent aussi» (1953), oeuvre anticolonialiste interdite à sa sortie.
Peu connu du grand public, il est pourtant reconnu comme "quelqu'un d'immensément important pour tous les gens qui tentent de réfléchir au cinéma et à l'image, ainsi qu'au monde contemporain" dixit le critique Jean-Michel Frodon.
Pour approfondir, lire l'excellent article de Claude Lefort... extrait : "Le remuant esprit de vagabondage inscrit au cœur du travail de Marker ne saurait se réduire à ses voyages innombrables et la bougeotte d’œuvres construites dans l’enjambement des continents. Avec le temps, son errance géographique s’est doublée d’une déambulation entre les pratiques et les métiers, une démultiplication assoiffée de sa production d’un médium à l’autre, insatiablement soucieuse de l’efflorescence de nouvelles formes créatrices. Tout à la fois intellectuel, poète, romancier, traducteur polyglotte, photographe, écrivain, éditeur, monteur, réalisateur pour le cinéma et la télévision, producteur, vidéaste, dans son humilité coquette et sa défiance revendiquée des étiquettes, Marker ne se laissa pourtant jamais appeler ni «cinéaste» ni «théoricien», ni même «artiste», pour se revendiquer «artisan», «bricoleur» avant tout."
Chris Marker s'en est allé voir ailleurs.... Bon vent, il nous reste son oeuvre.